Abo

séries"Euphoria" : une saison 2 sous stéroïdes, brutale et grandiose

Par Florian Ques le 10/01/2022
"Euphoria" : une saison 2 sous stéroïdes, brutale et grandiose

Enfin de retour, Euphoria ne montre aucun signe d'essoufflement. Aussi esthétique et vibrante qu'à ses débuts, la série continue de passer ses personnages au rouleau compresseur dans cette deuxième saison réussie.

L'exercice de la deuxième saison est souvent périlleux. C'est malheureusement là où bon nombre d'œuvres du petit écran se plantent, peinant à maintenir un rythme ou, pire, à proposer de nouveaux enjeux captivants. Ce n'est pas le cas d'Euphoria. Révélation du cru 2019, qui a depuis généré un intérêt épatant et toujours florissant sur les réseaux sociaux, la série de Sam Levinson passe enfin la seconde après un tournage secoué par la crise sanitaire liée au Covid-19. Complexe et décomplexée, outrancière mais (souvent) maîtrisée, cette saison 2 tape encore dans le mille et entame sa diffusion en France sur OCS (en US+24), à raison d'un épisode à voir tous les lundis.

À lire aussi : 10 personnages LGBTQI+ qui ont fait du bien à la télévision en 2021

Tous ensemble

Si l'attente fut longue pour les fans d'Euphoria, peu de temps s'est écoulé dans le récit entre les deux saisons. Les épisodes spéciaux d'entre-saisons, "Trouble Don't Last Always" et "Fuck Anyone Who's Not a Sea Blob", se déroulaient aux alentours de Noël. Dans la foulée, le premier chapitre de la saison 2 a lieu le soir du Nouvel An, lors d'une grosse beuverie où les ados les plus instables de la télé se réunissent. Rue persévère dans sa rechute avant de renouer enfin avec Jules, Cassie prend une décision désastreuse qui va menacer son amitié avec Maddy, Lexi se lie d'amitié avec Fezco...

"Euphoria" : une saison 2 sous stéroïdes, brutale et grandiose
Crédit photo : HBO

Fidèles à eux-mêmes, les personnages d'Euphoria collectionnent les choix douteux. Plus que sa prédecesseuse, cette deuxième salve d'épisodes prend des airs de "ensemble show" – un sous-genre télévisuel où il n'y a pas qu'un seul protagoniste mais où tous les personnages jouissent d'une importance similaire. Celles et ceux qui étaient au second plan en saison 1 ont enfin l'attention qu'ils méritent. À l'instar de Fez, le dealer à l'apparence de feu Mac Miller, dont l'origin story digne des Affranchis est aussi explosive que déchirante. Ou encore Lexi, qui sort de l'ombre de sa sœur pour se placer en observatrice et nous conduire au volet le plus imaginatif de la série jusqu'ici – le septième épisode, un vrai tour de force tant dans la mise en scène que dans le scénario.

Mais s'il n'y avait qu'un épisode à saluer, ce serait très probablement le cinquième. Récompensée d'un Emmy Award de la Meilleure actrice en 2020, Zendaya prouve que cette distinction est amplement justifiée en y incarnant une Rue à fleur de peau, ses nerfs tous azimuts tandis qu'elle entre dans une nouvelle période de sevrage. Là où certains accusaient la série de romantiser l'usage de stupéfiants, ce chapitre – plus cru, plus humain et surtout plus glauque – vient les contredire, tant la détresse de la jeune femme se révèle aussi désolante que dévastatrice...

À lire aussi : "Euphoria est destinée à un public mature" : l'avertissement de Zendaya sur la saison 2

Un soupçon supplémentaire de queerness

On l'a dit, cette saison 2 laisse davantage d'espace aux camarades de Rue. En témoigne Cassie, la blonde tristement objectivée et jouée par Sydney Sweeney. Déjà brillante, la comédienne bénéficie de beaucoup plus de matière avec ces huit nouveaux épisodes, incarnant avec délicatesse et conviction une fille broyée par le regard masculin qui sombre, peu à peu, dans une sorte de folie. Une évolution qui devrait sans doute faire beaucoup jaser les réseaux sociaux.

"Euphoria" : une saison 2 sous stéroïdes, brutale et grandiose
Crédit photo : HBO

Reste cependant décevant le traitement de Jules, avec une Hunter Schafer en forme mais releguée en toile de fond à mi-parcours (bien que cette décision s'explique en partie par la narration). Du côté de la représentation LGBTQI+ cette saison, on se tournera donc vers Elliot, le nouveau complice pansexuel de Rue interprété avec simplicité par Dominic Fike, mais aussi Cal Jacobs. En effet, le père de Nate hérite d'une intrigue sensible – quoique convenue – qui se penche sur l'homophobie intériorisée du personnage et les causes de sa frustration permanente.

Euphoria au-delà de l'adolescence

Un temps présentée comme le Skins d'une nouvelle génération, Euphoria se distancie avec cette deuxième fournée de cette étiquette de "portrait de l'adolescence". Elle conserve une certaine cohérence mais fait petit à petit fi de toute crédibilité. La série semble désormais tellement déconnectée de la réalité que son propos sur l'adolescence s'effiloche progressivement. Au lieu de cela, elle s'impose comme un drame over the top qui trouve sa beauté dans son artificialité et qui ne laisse jamais son sens aiguisé de l'esthétique prendre le pas sur sa puissance émotionnelle.

En fin de compte, plus qu'un teen drama sombre et stylisé, la série HBO s'apparente à un fort questionnement du genre et c'est d'autant plus le cas avec cette deuxième saison. À travers sa galerie de personnages éclectiques, Euphoria décortique comment on apprivoise le genre, comment on le manipule, comment on le subit... Toute une multiplicité de vécus et de possibles qui illustrent les joies comme les dérives de la masculinité et de la féminité. Avec ses épisodes inédits, Euphoria n'est plus seulement la série ado de son époque : c'est une œuvre fulgurante, provocatrice, en adéquation avec son temps et qui devrait marquer sa décennie. Et plus encore.

À lire aussi : Voici les 21 séries LGBTQI+ qu'il fallait regarder en 2021

Crédit photo : HBO