Une proposition de loi sur le sport en cours d'examen prétend renforcer la lutte contre l'homophobie, notamment dans les stades de football. Mais en se penchant sur le contenu des amendements et des discussions parlementaires, on est encore loin du compte…
Le texte est présenté comme un renforcement de la lutte contre l'homophobie dans le sport, mais le sera-t-il à la fin du processus législatif ? Le Sénat discute ces mardi 18 et mercredi 19 janvier d'une proposition de loi visant à "démocratiser le sport en France". Parmi ses principales mesures, la possibilité pour les associations sportives d'utiliser les équipements scolaires, une facilitation de la prescription médicale du sport notamment en cas de dépression, mais aussi la parité des instances de gouvernance du sport.
Cette loi contient aussi quelques nouveautés pour les personnes LGBTQI+, dont un amendement pénalisant (enfin) les banderoles homophobes, toujours pas interdites contrairement à celles qui promeuvent le racisme ou la xénophobie. Le texte prévoit jusqu'à un an de prison et 15.000 euros d'amende pour les supporters portant ou exhibant "des signes ou symboles" homophobes. Une initiative salutaire, sauf que l'adoption de ces dispositions est loin d'être actée…
La dure lutte contre les banderoles homophobes
Ainsi, lors de la première discussion du texte, en mars à l'Assemblée nationale, la République en marche (LREM) avait carrément fait retirer l'amendement de pénalisation des banderoles homophobes. "Le président de l'Assemblée, Richard Ferrand, trouvait qu'il y avait trop d'amendements au texte. Il a jugé celui sur les banderoles irrecevable, en arguant qu'il n'avait pas de lien avec la démocratisation du sport. Mais créer un atmosphère accueillante pour les personnes LGBTQI+, c'est une mesure de démocratisation !", souffle auprès de TÊTU Julien Pontes, porte-parole de Rouge direct, association qui lutte contre l'homophobie dans les stades de football.
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Dans la version sénatoriale de la proposition de loi, le socialiste Jean-Jacques Lozach a rétabli cet amendement en le faisant voter en commission puis en séance plénière. L'Assemblée doit encore faire un effort lors d'une négociation en Commission mixte paritaire. Bref, ne crions pas victoire trop vite.
Les référents anti-discri au tapis
L'exemple du sort fait à un autre amendement, porté en mars à l'Assemblée par le député LREM Raphaël Gérard, montre que la prise de conscience sur les LGBTphobies dans le sport est peut-être encore insuffisante… Lui proposait la création dans chaque fédération sportive d'un référent sur les discriminations, "notamment à raison de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre". Il a été rejeté.
Ces référents auraient pourtant eu pour mission de coordonner une stratégie de lutte contre les LGBTphobies dans les clubs mais aussi d'intervenir si une situation se présente. Idée balayée à l'Assemblée par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, avec cet argument : "Il y a aujourd'hui beaucoup de référents dans les fédérations, sur chaque thème. Nous évaluerons le résultat plutôt que les moyens". Contrairement à celui sur les banderoles, cet amendement n'a pas été réintroduit au Sénat. Au contraire, si la chambre haute doit discuter du curseur à exiger des clubs pour la sécurité des supporters, c'est dans un sens qui ressemble à une reculade : alors que la jurisprudence actuelle les soumet à une obligation de résultat concernant la lutte contre les actes homophobes, trois amendements ont été déposés pour revenir… à une obligation de moyens.
La différence est ténue, mais essentielle : "Cette obligation de résultats responsabilise les clubs et les encourage à faire des choses", soutient Julien Pontes. Tandis qu'avec ces amendements, il leur suffirait de montrer qu'ils mettent en place des dispositifs de sécurité pour échapper à cette responsabilité, quand bien même l'insuffisance ou l'inadaptation desdits dispositifs serait démontrée par les faits.
La transidentité prise en compte dans le sport de loisir
En revanche, un sous-amendement sur la transidentité, également présenté par le député LREM Raphaël Gérard, a été adopté. Il prévoit de "consacrer le principe d’égalité sportive des personnes trans dans la pratique sportive". Un texte qui ne prévoit toutefois pas qu'une personne trans puisse concourir contre des personnes de son genre, le gouvernement n'ayant pas voulu se saisir de cette question, mais concerne uniquement le sport de loisir.
"Cet amendement a très peu de portée normative, pour ne pas dire aucune. Il a simplement pour but de guider les missions des agences régionales du sport pour lutter contre toutes les discriminations, mais absolument pas de définir la politique des fédérations", a d'ailleurs expliqué le député auprès de Libération. [Mise à jour, le 19 janvier à 10 heures : "Ces considérations inutiles ont judicieusement été supprimées en commission", s'est félicité en séance le sénateur LR Stéphane Piednoir qui se définit comme "orateur de Valérie Pécresse". Au passage, il a qualifié l'amendement de Raphaël Gérard de "passage en force"].
Au bout du compte, Rouge Direct constate un manque de réelle volonté politique dans la lutte contre l'homophobie, au-delà des discours. "Le sport est un sujet très sensible avec des fédérations de supporters très puissantes", regrette Julien Pontes qui rappelle qu'en juillet 2019, "Emmanuel Macron s'était prononcé pour l'arrêt des matchs en cas d'homophobie. Quand Noël Le Graët [le président de la Fédération française de foot, ndlr] a dit qu'il n'en n'était pas question, l'affaire a été enterrée". Le sport n'échappe pas aux lobbies, dont le poids se fait toujours sentir. Hasard du calendrier, la veille, la Fédération mexicaine de football annonçait dans un communiqué que les supporters proférant des insultes homophobes se verront interdite de stade pendant cinq ans. Simple, basique.
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