LGBTphobieOrganisateur du Mondial de football en 2022, le Qatar a peur… de l'arc-en-ciel

Par Tessa Lanney le 24/12/2021
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Alors que le Qatar tente de se donner une image accueillante auprès des personnes LGBTQI+ en prévision de la Coupe du monde de football en 2022, les faits démentent l'opération de communication. Posant la question : faut-il maintenir de tels événements dans des États qui ne respectent pas les droits humains ?

Tandis que l'année 2022 approche, et avec elle la Coupe du monde de football qui débutera le 21 novembre, les doutes subsistent pour les personnes LGBTQI+ qui souhaiteraient assister à la compétition au Qatar. Pour le pays qui criminalise toujours l'homosexualité, la question des droits humains est devenue une question d'image. Mais les signaux envoyés par le pays organisateur sur les questions LGBTQI+ ne plaident guère en sa faveur…

Les couleurs de l'arc-en-ciel prohibées au Qatar

Ce 21 décembre, la secrétaire générale de la Fifa, Fatma Samoura, a lors d'une conférence de presse que les événements qu'organise la fédération internationale de foot sont "inclusifs", et que donc "les gens doivent être libres d'arborer tout type de drapeau qu'ils veulent, sans être ciblés ou discriminés, y compris le drapeau arc-en-ciel". Seulement, le même jour, le Qatar a annoncé la saisie de jouets "contraires aux valeurs islamiques" car ils arboraient justement… ces couleurs de l'arc-en-ciel.

C'est dans un tweet publié par le ministère du Commerce qatari que l'on apprend que "des campagnes d'inspection menées dans des magasins dans différentes régions du Qatar ont abouti à la saisie de jouets pour enfants portant des slogans contraires aux valeurs islamiques". Le gouvernement s'est appuyé sur des lois disposant l'interdiction de commercialiser des marchandises dont les logos et les symboles ne sont pas conformes aux valeurs, coutumes et traditions islamiques. Un message loin d'être en adéquation avec le discours tenu par le pays en prévision du Mondial.

La "sécurité" pour les personnes LGBTQI+… sauf qataries

En effet Nasser Al Khater, directeur général du comité d'organisation de la Coupe du Monde 2022, avait affirmé en novembre que les personnes LGBTQI+ seraient "en sécurité" au Qatar. Dans une longue interview à CNN, il assurait que "tout le monde serait le bienvenu ici et tout le monde se sentirait en sécurité. Le Qatar est un pays tolérant, un pays chaleureux, accueillant". Prenant soin tout de même de fixer quelques limites à cette tolérance : "Mais le Qatar reste conservateur du point de vue de la démonstration d'affection en public. Nous demandons aux fans de respecter les différentes cultures, comme nous le faisons nous-mêmes"…

Derrière cette "sécurité" proclamée, il ne faut pas oublier qu'au Qatar, une relation sexuelle entre deux hommes est passible de sept ans de prison, et que la "séduction" en vue de commettre un acte de "sodomie" vaut à elle seule trois années de prison. Le 24 novembre, l'ONG Human Rights Watch dénonçait d'ailleurs la façon dont sont traités les citoyens LGBTQI+ qataris. Human Rights Watch et le Daily Mail ont pris soin à cet effet de récolter des témoignages d'homosexuels locaux. Or, la vérité, c'est que Mohammed, Rafiq et Azhar partagent la même peur d'être démasqués et envoyés en prison.

La prison, Mohammed ne l'a que trop connue : en 2014, il était arrêté pour comportement homosexuel présumé. Harcèlement, violence verbale... Aujourd'hui, sa plus grande crainte est de revivre ce calvaire. Rafiq, lui, affirme avoir envisagé le suicide en pensant qu'il pourrait vivre la même chose que ses amis, arrêtés parce qu'ils avaient l'air "trop féminins ou semblaient être gays". Tous ont un point commun : en prison, ils ont eu la tête rasée. "La police ne rase pas la tête des autres prisonniers, seulement celle des gays", signale Rafiq.

L'organisation par le Qatar contestée

Au-delà des questions de sécurité des supporters, c'est celle de l'organisation même d'un tel événement dans un pays où l'homophobie d'État est de mise qui pose question. Au mois de novembre, le footballeur Australien Josh Cavallo, qui venait de faire son coming out, affirmait : "J'aurais peur de jouer au Qatar." D'autres athlètes célèbres ont commencé à dénoncer le principe de cette organisation du Mondial au Qatar. Le 21 novembre alors que le pays recevait son premier Grand prix de F1, le pilote britannique Lewis Hamilton y a arboré un casque aux couleurs de l'arc-en-ciel, geste qu'il a ensuite répété sur le circuit d'Arabie saoudite.

Son compatriote Tom Daley, champion olympique de plongeon, a même annoncé faire de ce combat le sien, utilisant son passage sur Channel 4 pour des vœux de Noël pour poser la question : "En 2022, la Coupe du monde [de football] se déroule dans le deuxième pays le plus dangereux au monde pour les homosexuels, le Qatar. Pourquoi permettons-nous aux endroits qui ne sont pas sûrs pour tous les fans et tous les joueurs d'accueillir nos événements sportifs les plus prestigieux ?" Lors de son interview exclusive pour TÊTU à l'occasion des 40 ans de la dépénalisation de l'homosexualité en France, l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter signalait également que "le crime d’homosexualité existe encore aujourd’hui dans de nombreux États, notamment islamistes fanatiques, sous des formes particulièrement répressives", interrogeant : "Où sont les meetings de masse ?". L'année 2022 n'a pas encore commencé qu'elle soulève déjà bien des questions…

Crédit photo : Hadi Abyar via Wikimedia Commons