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sportInterview avec Josh Cavallo : "Je pense que le milieu du foot est déjà en train de changer"

Par Florian Ques le 14/01/2022
Josh Cavallo : "Je pense que le milieu du foot est déjà en train de changer"

À seulement 22 ans, Josh Cavallo est l'un des rares joueurs pro de football à avoir assumé son homosexualité. Pour TÊTU, le jeune Australien revient sur son coming out et les mois particuliers qui ont suivi cette étape importante.

Être footballeur à un niveau élevé et annoncer publiquement son homosexualité, ça force le respect. C'est précisément ce qu'a accompli Josh Cavallo, âgé de 22 ans, joueur du club Adelaide United en Australie. En octobre dernier, il s'est armé de courage pour faire son coming out dans une vidéo face caméra, partagée ensuite sur ses réseaux sociaux. Le voilà alors submergé par une vague de soutiens, autant de la part de fans que de joueurs établis comme Antoine Griezmann.

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C'est ainsi que Josh Cavallo est devenu, à l'occasion du dévoilement de son nouveau polo, le nouvel ambassadeur de Ralph Lauren, marque qui valorise régulièrement les personnalités de la communauté LGBTQI+, de Gus Kenworthy à Patti Harrison en passant par Robbie Rogers. Avec son sourire éclatant et sa bonne humeur communicative, le jeune sportif revient avec TÊTU sur son parcours, sa sortie remarquée du placard et ses espoirs pour le milieu du foot.

Tu t'es récemment exprimé via Instagram sur les injures homophobes auxquelles tu as été confronté lors d'un match. C'était évident pour toi d'en parler dans la foulée ?

Josh Cavallo : Complètement. Pas seulement parce que c'était des propos homophobes, mais plus largement un comportement qui tend à discriminer. Les gens disent des choses sans réaliser leur portée. Or il peut y avoir de terribles conséquences. Le soutien que j'ai reçu par la suite a été absolument fou. Ça m'a ému de voir autant de gens qui venaient prendre ma défense.

Les réseaux sociaux peuvent apparaître comme une bénédiction ou une malédiction selon l'usage qu'on en fait. Toi, tu te situes plutôt de quel côté ?

Je sais que je veux utiliser ma plateforme du mieux que je peux pour faire changer les choses. J'ai conscience de pouvoir toucher un tas de gens et que des sujets lourds doivent être pris en main. En 2022, on se dirait que c'est totalement dépassé d'entendre encore des propos homophobes. Et pourtant !

Comment expliques-tu que le football, l'un des sports les plus populaires au monde, soit aussi celui où on trouve le plus d'homophobie ?

C'est plutôt une histoire de haine, pas forcément juste d'homophobie. Si tu fais une erreur sur le terrain, tu sais que ça va t'arriver quoi qu'il arrive. Et c'est quelque chose qui doit changer dans ce sport – et qui est en train de changer. L'amour et les soutiens que j'ai reçus après mon coming out en sont la preuve.

Justement, tu as aussi reçu beaucoup de soutien de la part de joueurs internationaux après être sorti du placard. Tu t'es senti comment en voyant leurs réactions ?

J'étais très étonné. Avant toute chose, je tiens à dire que j'ai fait mon coming out pour moi-même, qu'importe la réaction du public par la suite. Rien que pour ça, je partais gagnant. Mais voir les réactions de joueurs hétéros comme Griezmann, Zlatan... Ce sont des icônes du football qui ont pris le temps de me dire "hé, Josh, ne t'en fais pas, on n'a pas de problème avec ça". Au bout du compte, on porte des maillots sur le terrain mais en-dessous, on est tous des êtres humains pas plus différents que ceux qui sont assis dans les gradins.

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Y a-t-il un message de soutien qui t'a particulièrement marqué ?

C'est surtout ceux qui me disent que j'ai changé leur vie ou que je les ai aidés à accomplir quelque chose. C'est hyper symbolique. J'essaie de répondre au maximum aux messages que je reçois mais ça n'est pas évident. Je sais qu'il y a des gens dans le monde qui galèrent et qui ont besoin d'être un peu guidés ou épaulés. Et c'est vraiment quelque chose que je veux pouvoir offrir.

Tu aurais aimé faire ton coming out plus tôt ?

Je suis vraiment allé à mon rythme, quand j'étais prêt à franchir le pas. Chacun a son propre cheminement. Pour moi, il était temps, je le sentais. Qu'importe la réaction des gens, j'étais heureux et fier de moi. Mais il m'a fallu un certain temps pour me sentir prêt, c'est certain.

Quels ont été les modèles qui t'inspiraient quand tu étais plus jeune ?

Je n'avais pas tant de modèles quand j'étais plus jeune... Je pense tout de même à l'histoire de Justin Fashanu dans les années 90. C'est quelqu'un pour qui j'ai beaucoup de respect. Il a montré qu'on pouvait à la fois être gay et un athlète couronné de succès. Même s'il a fini par mettre fin à ses jours, son histoire m'a beaucoup inspiré afin d'être la personne que je suis aujourd'hui.

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L'histoire tragique de Justin Fashanu t'a-t-elle fait craindre le pire concernant ton coming out ?

Elle m'a surtout fait me préparer au pire, même si je n'ai pas éprouvé de crainte. J'avais déjà gagné en sortant du placard et je me fichais vraiment des réactions. J'étais très bien entouré et ça, en revanche, c'était crucial.

Penses-tu que le football soit capable de radicalement évoluer pour mieux accepter les personnes LGBTQI+ ?

Je pense que c'est déjà en bonne voie. Alors bien sûr, il y aura des moments où les choses risqueront de reculer, mais c'est la vie. Les insultes dont j'ai été victime sont déplorables mais ce n'est pas grave. On doit se focaliser sur le positif de la situation, c'est-à-dire les nombreuses réactions qui ont condamné ce comportement. Il faut croire avec fermeté que ça ne se reproduira pas.

Tu penses que c'est plutôt aux joueurs de se mobiliser contre les LGBTphobies, ou surtout aux organisations ?

Ça concerne tout le monde, que tu sois spectateur, fan, joueur, membre d'une organisation... Si tu prends la parole pour dire que ce genre de comportement ne sera plus toléré, c'est le début d'une solution. Ça concerne l'orientation sexuelle mais aussi la couleur de peau, ton pays d'origine... C'est un problème global qu'on doit gérer. Il faut en parler le plus possible afin d'y mettre un terme.

La communauté LGBTQI+ comprend tellement d'identités et de personnes différentes et particulières. Devoir en un sens représenter autant de gens, c'est beaucoup de pression ?

Non, je trouve ça surtout génial. J'ai conscience qu'il n'y a pour l'instant pas beaucoup de joueurs comme moi, donc je veux montrer à tout le monde que cette différence est acceptable. Les retours que j'ai eus, notamment de la communauté, ont été absolument incroyables. Je ne m'attendais pas à un tel accueil. Je reçois encore des messages de remerciements par-ci par-là, et ça me touche énormément.

Tu es joueur de football et pourtant, c'est à l'Open d'Australie qu'on te retrouvera bientôt pour un "stage d'exhibition" avec le tennisman Sam Groth. Comment ça s'est goupillé ?

C'est dingue ! Je me suis toujours dit que si je n'étais pas footballeur, je serais joueur de tennis. Quand Ralph Lauren m'a contacté en parlant du lancement d'un polo dont ils voulaient que je sois l'égérie pendant l'Open d'Australie, j'ai vraiment été pris par surprise. C'est une pure coïncidence que mon deuxième sport préféré soit le tennis.

Ralph Lauren a très souvent soutenu les droits LGBTQI+ et a su s'entourer de talents queers pour représenter sa marque. Tu as été flatté qu'ils pensent à toi ?

C'est génial ! En réalité, c'est plus qu'une marque de vêtements. Il n'y a pas beaucoup de marques qui défendent avec autant de ferveur ces valeurs de diversité, d'inclusion et de respect pour les droits humains. Depuis que je suis gamin, je suis un grand fan de Ralph Lauren mais ça ne rentrait pas dans notre budget. Je voyais tout le temps des panneaux publicitaires ou des affiches dans les magazines... Je n'aurais alors jamais pensé faire partie de cette grande famille un jour.

On peut s'attendre à te croiser à la prochaine Pride d'Adelaide, la ville pour laquelle tu joues en Australie ?

Totalement ! Je veux pouvoir représenter tout le monde et je veux montrer à quel point je suis fier et honoré de faire partie de cette communauté.

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Crédit photo : Ralph Lauren