[Récit] Depuis deux ans, Olivier s'épanouit au sein d'une équipe de foot belge très soudée. Afin de ne pas perdre sa connexion amicale avec ses coéquipiers, il a décidé de plus se cacher et de leur dire son homosexualité. Il nous raconte ce moment, ce qu'il a signifié pour lui et la réaction des autres joueurs.
Olivier a 19 ans, il est passionné de foot et il est gay. Jusqu’à il y a peu, il ne voyait pas vraiment l’intérêt de faire son coming out auprès de son équipe, en Belgique. Dans une volonté de se rapprocher de ses coéquipiers, et sans savoir comment ils allaient réagir, il a néanmoins fini par sauter le pas. Et le résultat était au-delà de ses espérances. Pour TÊTU, il revient sur ce moment qui reste, pour nombre de jeunes LGBTQI+, particulièrement angoissant dans le milieu du sport…
"J’en avais déjà fait part à tout mon entourage, alors je me disais que si eux n’étaient pas au courant, ça n’avait pas d’importance. Mais en fait, je suis arrivé à un stade où j’ai compris que c’était quelque chose qui me manquait, justement parce que c’était le seul groupe à ne pas savoir. C’était un frein, parfois je sentais que ça m’empêchait de me sentir complètement intégré.
Ça fait deux ans que je suis dans ce club et ses membres ont fini par devenir des amis. Alors j’ai pris mon courage à deux mains et en me répétant : "Il faut que je leur dise et puis, si malheureusement leur réaction est négative, tant pis, je trouverai un autre club". Parce qu’après tout, j’ai la chance d’avoir d’autres amis et d’autres activités à mon actif. En parallèle, ce que j’avais à gagner, c’était de me sentir plus à l’aise et libéré.
Je savais que je ne pourrais me sentir totalement à l’aise dans l’équipe qu’une fois passée l’étape du coming out.
Récemment, j’ai eu un déclic. J’ai dû rater quelques entraînements et je me suis mis à douter. À douter de ma place dans l’équipe, de mon envie de poursuivre… Après tout, décider d’arrêter signifiait aussi être pleinement moi-même dans tout ce que je faisais. Sauf que voilà : j’aime le football. Dans le fond, je n’avais aucune envie d’arrêter. Je savais que je ne pourrais me sentir totalement à l’aise dans l’équipe qu’une fois passée l’étape du coming out. C’était une nécessité.
L’inspiration est venue tard, un soir, et je leur ai écrit un petit texte. Je l’ai d’abord envoyé à notre capitaine, avec qui je m’entends très bien et surtout qui connaît les autres joueurs depuis des années. Je savais qu’il était assez ouvert, alors c’était une bonne entrée en matière. Il m’a confirmé que c’était une belle initiative, et m’a encouragé à le partager avec les autres. Ça m’a convaincu, alors je l’ai posté sur le groupe Whatsapp avec tous les joueurs, le coach et le président du club. Comme ça, ça m'évitait de faire des annonces au cas par cas.
Ce qui les a touchés, c’est que je leur témoigne de ma confiance et de la place qu’ils ont dans ma vie.
On est une petite vingtaine dans l’équipe, et je crois bien que tous m’ont envoyé un message de soutien. Ils m’ont même félicité pour avoir eu le courage de leur en parler. Ce qui les a touchés, c’est que je leur témoigne de ma confiance et de la place qu’ils ont dans ma vie. Quand tu décides de te confier à quelqu’un, c’est que tu ne le considères pas seulement comme une connaissance, que tu veux lier une vraie relation. Quelque part, c’était une preuve d’amitié.
Je me suis demandé si certains n’étaient pas déjà au courant, même si personne ne m’a fait de retour spécifique dans ce sens, parce que j’en avais déjà parlé dans une story Insta. Et en fait, je me suis rendu compte que les gars de l’équipe ne m’avaient pas sur Instagram ! Après réflexion, je pense qu’ils ne se sont jamais douté de rien.
Je sais que beaucoup de gays se sentent gênés dans les vestiaires, ont tendance à détourner le regard pour qu’on ne leur prête aucune intention, mais je n’ai jamais fait partie de ceux-là. J’ai grandi entouré d’amis hétéros, je faisais partie des scouts, je faisais du foot alors je me suis toujours senti dans mon élément.
Le sujet de l’homosexualité n’est jamais venu sur la table, alors je ne pouvais pas avoir la certitude que tout le monde accueillerait bien la nouvelle.
À côté de ça, rien dans mon comportement ne laissait entendre que je pouvais être attiré par les garçons. Le truc, c’est que justement, le sujet de l’homosexualité n’est jamais venu sur la table, alors je ne pouvais pas avoir la certitude que tout le monde accueillerait bien la nouvelle. Et comme je m’étais résigné à ne pas leur en parler, je ne tâtais pas le terrain non plus.
Bien sûr, on parle d’une équipe de foot masculine, avec des gars qui ont entre 20 et 25 ans, alors forcément, la discussion tourne pas mal autour des filles. Jusqu’ici, quand eux parlaient des filles qu’ils fréquentaient et racontaient leurs dates, moi, je restais silencieux. Je ne parlais pas trop de mes histoires, ou alors je restais très vague, j’utilisais des termes généraux, neutres, pour qu’ils ne se doutent de rien. Je n’entrais pas dans les détails et je changeais de sujet très vite.
Plus jeune, j’avais tendance à broder, à remplacer “il” par “elle” pour noyer le poisson. C’est ce que je faisais chez les scouts, par exemple, avant de faire mon coming out auprès d’eux. Mais là, dans les vestiaires, je ne voulais pas mentir. Surtout que mes proches le savaient, alors inventer des histoires à nouveau, ça aurait été comme retourner dans le placard. Ça, c’était hors de question.
Quand je vois que des joueurs comme Antoine Griezmann prennent la parole, ça donne de l’espoir.
Je veux dire que je me considère comme extrêmement chanceux parce que je n’ai jamais dû faire face à de mauvaises réactions, au rejet. J’ai pris conscience se mon homosexualité assez tôt. J’avais quatorze ans la première fois que j’en ai parlé à quelqu’un. Je n’ai perdu aucun ami proche. Même chose avec mes parents, je leur ai dit au printemps dernier et ça s’est super bien passé. Mais on ne va pas se mentir, le milieu du foot est plus intimidant.
En tant que gay dans le foot, forcément, je me suis déjà posé des questions sur la tolérance dans ce sport. Il suffit d’entendre certains chants homophobes ou certains propos de supporters. Mais quand je vois que des joueurs comme Antoine Griezmann prennent la parole, disent que pendant toute leur carrière ils ont joué avec des coéquipiers gays, ça donne de l’espoir. Bien sûr, ça n’efface pas l’homophobie mais ça permet de donner de la visibilité aux sportifs gays et à la cause. Même chose quand les capitaines portent un brassard arc-en-ciel.
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Le milieu n’est pas génial, je pense notamment aux clubs de haut niveau. Je supporte Anderlecht, à Bruxelles. Ce n’est pas rare d’entendre des insultes dans le stade du style “Jeannette”, ce genre de choses. Ça ne fait jamais plaisir mais je ne pense pas que ce soit une majorité, c’est plutôt une minorité bruyante. Dans mon club, il n’est pas rare de lire des messages de supporters qui trouvent que ces comportements sont inadmissibles. C’est scandaleux, on ne veut pas de cette image qui gangrène le sport. Mais je pense qu’on va dans le bon sens."
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