[Récit 5/5] Si elle a pu prendre appui sur les victoires des générations précédentes, la jeunesse gay des années 2000 avait encore devant elle un long chemin à faire pour la visibilité et l'égalité, notamment dans l'accès au mariage. Nicolas se souvient de sa vingtaine dans la première décennie du millénaire.
Être jeune et gay au début des années 2000, c’est pouvoir vivre enfin sans le joug d'une loi pénalisant l’homosexualité, se reconnaître dans des figures LGBT assumées du mouvement artistique, c’est trouver fièrement sa place dans un cortège qui défile chaque année dans les grandes villes. C'est, en somme, s'inscrire dans une biographie collective qui s'étoffe au grand jour. Des progrès, certes, mais toujours sans bénéficier des mêmes droits que les autres : celui en particulier de se marier, de fonder une famille. Comment, en ce changement de siècle qui est aussi celui de millénaire, se construire un parcours à soi, comme chaque génération à son tour : Nicolas nous parle de sa vingtaine dans les années 2000.
À lire aussi : Dépénalisation de l'homosexualité : 40 ans après, Robert Badinter nous raconte
"Quand j’avais 18 ans, je vivais à Cahors dans le Lot. C’était le lycée, le scooter, les potes, la télé et internet", résume Nicolas vingt ans plus tard. "À l’époque, j’allais chercher TÊTU en cachette, dans la seule maison de la presse qui le vendait", se souvient-il, scène qui illustre son rapport d'alors à son homosexualité, "c’est-à-dire que je savais vers qui j’étais attiré, mais personne n’était au courant. De toute manière, ma mère a dû tomber sur des numéros du magazine mais ne comprenait absolument pas de quoi ça parlait". Car dans sa famille, l’homosexualité, "ce n’était pas envisageable, ce n'était pas dans leur cercle de pensée puisque dans l’entourage, il n'y en avait pas".
La loi n’empêche certes plus les minorités de s’aimer au grand jour mais la discrétion, la “bonne éducation” et la morale ont laissé des marques qui n’épargnent pas la jeunesse des années 2000. Le chemin est encore long pour que partout, dans les grandes villes et les petites, s’ouvrent des espaces queers dans lesquels retrouver la "communauté". Nicolas ne les a pas connus dans sa prime jeunesse, passée dans un bourg avec "zéro visibilité LGBT, il n’y avait même pas un bar où potentiellement j’aurais pu rencontrer des gens".
Steevy du Loft, sida et Pride
Même si à Cahors, il a souvent le sentiment d’être le seul gay au monde, cette époque fut aussi pour lui celle "des premières relations sexuelles avec des gars du coin". Il découvre les plaisirs charnels dans des instants dérobés, comme après une fête d’anniversaire "avec un gars qui ne m’attirait pas au demeurant. Mais on a dormi dans une chambre avec des lits séparés, et pendant la nuit, je me suis réveillé et je l'ai vu en train de se masturber… bah je lui ai proposé de l’aider !". Nicolas vit ses expériences, simplement il ne les ébruite pas trop, ne met pas ouvertement de mots sur sa différence....