tribuneIl faut construire un modèle de GPA à la française

Par Alexandre Urwicz le 13/04/2022
La GPA en Ukraine ne présente pas les garanties éthiques qu'une GPA en France exigerait

Alors que la GPA en France reste interdite même de débat, les cas médiatisés en Ukraine viennent rappeler qu'en l'absence d'une loi permettant un encadrement éthique de cette pratique sur notre sol, des parents français, hétéros ou homos, continueront de pratiquer un exil procréatif plus ou moins respectueux, selon la législation en vigueur, du sort de la femme porteuse. Une situation qui doit nous pousser à ouvrir le débat sur un modèle à la française et pour un encadrement de la pratique au niveau international, plaide Alexandre Urwicz, président de l’Association des familles homoparentales.

Dans la couverture du drame ukrainien, plusieurs reportages ont mis en évidence des bébés nés par le recours à la Gestation pour autrui (GPA) que des parents français n’ont pas pu venir chercher dans les conditions prévues. Ces parents font part de leurs questionnements pour faire établir en France l’acte de naissance de leurs bébés rapatriés en urgence. Tout doit être fait pour ces enfants, comme pour tous les autres. On s’étonnera cependant que dans la plupart de ces reportages, aucune nouvelle des femmes qui ont porté ces enfants ne soit donnée. Que deviennent-elles ? Rappelons que la GPA est légale sur le sol ukrainien pour les couples hétérosexuels, et prohibée pour tous sur le sol français.

GPA éthique vs. GPA discount

Nous avons ainsi observé que certaines histoires peuvent être sordides. Les femmes porteuses sont isolées de leur famille afin de cacher leur grossesse, regroupées entre elles dans des chambres. Certaines ne rencontrent même pas les parents intentionnels et n’auront jamais de contact avec eux. La légalisation de la GPA n’implique pas de facto le respect de standards éthiques qui doivent garantir un consentement libre et éclairé des femmes qui portent l’enfant d’autrui, le soutien de leur famille, le fait qu’elles ne soient pas en détresse financière, qu’elles soient déjà mères, qu’elles aient terminé leur projet parental, le recours à des professionnels qualifiés, un suivi psychologique, un accompagnement juridique, une protection médicale, une assurance... Ces standards éthiques coûtent chers à mettre en place et la tentation de s’en passer peut être grande pour des raisons économiques. Certains Français sont alors attirés par le discount des pays de l’Est, d’Amérique du Sud ou d’Asie et peuvent à l’évidence se retrouver dans des situations où l’instabilité politique locale ou le manque de fiabilité des interlocuteurs dramatisent ce qui était présenté comme une formalité de passage par des agences peu scrupuleuses.

La liberté d’aller et venir nous oblige à réfléchir sur ces exils procréatifs et doit questionner notre responsabilité au regard des femmes porteuses

À côté de ces parcours discount existent aussi des États pionniers qui ont encadré la GPA et ont comme priorité le respect et la dignité des femmes porteuses, à l’exemple du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni. Tant que la France refusera d’ouvrir le débat sur cette question, des futurs parents continueront à se diriger à l’étranger pour y recourir, dans des pays où elle est éthique et dans ceux où elle l’est peu ou prou. La liberté d’aller et venir est une composante de la liberté individuelle qui a une valeur constitutionnelle, elle fait partie intégrante des droits fondamentaux protégés par notre Constitution. Cette liberté nous oblige à réfléchir sur ces exils procréatifs et doit questionner notre responsabilité au regard des conditions dans lesquelles des femmes porteuses peuvent se retrouver dans ces pays low cost.

Encadrer la GPA en France et dans le monde

Deux axes de réflexion s’imposent. Le premier est international et doit permettre l’instauration d’une Convention internationale régulant la pratique de la GPA, à l’image de la Convention de la Haye qui est venue encadrer l’adoption internationale au moment où les trafics et les filières d’enfants animaient régulièrement l’actualité et le monde judiciaire. Cette convention doit imposer des garde-fous éthiques, des lignes rouges infranchissables dans la pratique de la GPA. Le second est national, et doit permettre la construction d’un modèle de GPA à la française qui peut s’inscrire dans nos lois de bioéthique, basé sur la solidarité, l’altruisme et un strict encadrement de cette pratique au niveau médical, social et juridique.   

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Les Français n’ont jamais autant soutenu la légalisation de la GPA, qu’elle bénéficie aux couples hétérosexuels (75%) ou aux couples homosexuels (59%), contre respectivement 60% et 41% en 2014 (sondage Ifop pour l'ADFH et têtu·). La générosité, la prévenance et la bienveillance de celles qui pourraient s’engager volontairement sur notre sol en portant un enfant qui n’est pas génétiquement le leur existent. Des femmes veulent être mères porteuses sur notre sol. C’est bien l’absence d’un cadre légal et éthique en France qui pousse les futurs parents à partir dans ces aventures procréatives à l’étranger dont certaines peuvent mettre en danger l’ensemble des parties prenantes : la femme porteuse, les parents intentionnels et l’enfant.

Des féministes, des médecins, des psychologues, des sociologues, des députés et même des ministres se déclarent aujourd’hui favorables à l’encadrement de la GPA, mais voici peut-être le maillon le plus important de cette chaîne d’union procréative : des femmes françaises sont prêtes à s’engager auprès des personnes en incapacité d’engendrer. Combien de temps le manque de courage politique les en privera ?

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