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cinéma"King Max" : l'inattendu succès d'un film sur la communauté drag king

Par têtu· le 04/06/2022

Retour sur le joli parcours de ce court-métrage projeté à Cannes et primé à Paris, avec sa réalisatrice ultra-prometteuse, Adèle Vincenti-Cresson. 

Cannes, 2021. Sur le tapis rouge, une joyeuse troupe de jeunes personnes prend d’assaut les marches du festival. Moustaches au mascara, cheveux gominés, costards flamboyants : les drag kings sont là pour porter haut les couleurs du court-métrage King Max et donner, au passage, un cours de flamboyance à un tapis rouge covidé bien monotone. Immédiatement après la projection du film, la machine s’emballe : c’est un carton. Le Pitch ? Maximilienne, jeune étudiante, se questionne en jouant avec son apparence à l’abri des regards. Un soir, après une prise de conscience, elle s’enfuit et se retrouve devant un club où un show de drag kings est programmé. Elle pénètre. Un nouveau monde s’ouvre devant elle. Une nouvelle famille. Touchant, festif, et surtout profondément queer, King Max multiplie les sélections, du festival de Cannes en passant par le Champs-Élysées Film Festival où il remporte le prix du public, puis à Chéris-Chéries.

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Si le film est aujourd’hui largement plébiscité, King Max a pourtant été sélectionné sur le fil au prestigieux Festival de Cannes, alors que rien ne le prédestinait à prendre autant d’ampleur. "Pour le projet de fin d’étude de la Fémis (école publique de cinéma parisienne), on a six mois pour préparer un court, seulement le confinement a rendu impossible ma première idée et j’ai donc changé d’avis pour écrire King Max à six semaines du rendu final", retrace sa réalisatrice, Adèle Vincenti-Cresson. Chaque année, l’école envoie les projets de ses étudiants dans la catégorie dédiée aux écoles de cinéma, la Cinéfondation. En retard, King Max est pressenti par les professeurs pour être présenté l’année d’après. Frustrée mais pas découragée, Adèle organise plusieurs projections dans l’école en cours de montage, et invite le personnel à y assister. "Les retours ont été immédiats et unanimes, le film a tout de suite trouvé son public." Devant cet engouement, le court est finalement envoyé pour l’édition de 2021 : "On a candidaté le matin, le soir-même j’apprenais que King Max était sélectionné, c’était totalement inespéré." L’immense Festival de Cannes projettera donc un film qui parle de la communauté drag king. Dans toute son histoire, c’est une première. 

Plongée dans le drag king

Le drag king, c’est une pratique de travestissement et de performance de la masculinité, née dans la communauté lesbienne des années 50, aujourd'hui reprise par les communautés queer/lesbiennes/trans en soirée, cabarets ou bars. Les premiers ateliers pour se "kinger" voient le jour à New York dans les années 80, avec la perforeuse Diane Torr et ses ateliers Man for A Day. Il prend de l’ampleur dans les années 90, avec le livre The Drag King Book, rédigé par l’universitaire Jack Halbestan et l’artiste Del LaGrace Volcano, mêlant photographies, interviews et essais académiques. Progressivement, la pratique s’importe en France, avant de connaître un bel élan ces cinq dernières années. "C’est un univers dont je connaissais peu de chose, mais qui m’a toujours attirée, explique Adèle, alors j’ai décidé de m’y plonger à fond, et d’aller à la rencontre de la communauté et des Kings". Revendiquant une approche documentaire, elle a reconstitué les scènes de show avec des figurant·es croisé·es en soirée, tous et toutes habitué·es du milieu. "J’ai laissé les acteurs et actrices libres de leur geste, je voulais les filmer au plus près de leurs pratiques", détaille-t-elle.

Avec le personnage de Maximilienne, en questionnement sur son genre, qui trouve dans la communauté King une nouvelle famille, la cinéaste a voulu parler à celles et ceux qui ont aussi, un jour, fait un pas de côté, dans l’inconnu, pour trouver des réponses ailleurs. "Je n’ai pas cherché à mettre des étiquettes sur les personnages, à les genrer ou à leur attribuer une sexualité particulière, au contraire, je voulais un ressenti libre, une perception des multiples possibilités qui existent lorsque l’on évolue dans un safe space." Quant à savoir si elle considère que son film est politique, elle répond : "Je pense que oui, mais pas frontalement. Montrer une fête où l’on peut être habillé·e comme on le souhaite, performer son genre sans être inquiété·e, se montrer sur scène, se faire acclamer, tout ça en tant que personne queer, c’est politique". Elle rappelle également l’importance du contexte : le film a été écrit dans ce moment particulier du confinement, quand tous les lieux de fête étaient fermés, privant beaucoup de personnes queers de lieux de liberté, de soupapes pour être soi-même. "Je crois que la période a aussi beaucoup joué sur l'accueil qu’a reçu le film."

C’est grâce à la projection à Cannes que le film prend une ampleur considérable. "J’ai reçu beaucoup de messages de personnes qui m’ont remerciée car le film leur avait beaucoup apporté sur leur propre questionnement de genre." Le parcours de Maximilienne, jeune femme perdue sur tous les plans – son genre, sa famille, sa place dans la ville – touche avec une surprenante universalité. "Le film a pour l’instant été projeté dans de gros festivals, avec un public ultra divers, pas forcément informé sur les questions LGBTQI+, pourtant tous les retours me montrent que le personnage touche et questionne, s’enthousiasme la jeune réalisatrice. Je me souviens de cet homme de quarante ans qui a pris la parole, en pleurs, après la projection. Le film intervenait à point dans ses propres réflexions et l’avait bouleversé."

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Crédit photo : King Max, via Unifrance