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sportLe Paname Boxing Club, dix ans de boxe queer

Par Tom Umbdenstock le 17/06/2022
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[Naissance de nos assos 2/5] Le premier club LGBT de boxe française fut créé en 2012. En dix ans d’existence, le Paname Boxing Club a permis de faire découvrir l’univers de la boxe aux queers, et l'univers queer à la boxe.

La boxe française, c’est le seul sport au monde où t’as les mains qui sentent comme les pieds.” Au premier étage de la salle Jean Dame, qui donne sur une rue du 2e arrondissement de Paris, Pierre, 48 ans, enfile ses bandes autour des poignets. Autour des deux rings et des sacs d'entraînement, une vingtaine de personnes se préparent. Le ton potache paraît banal dans le monde des sportifs, à une exception près : “Si t'as envie de parler de ton mec, tu peux et ça ne posera pas de problème”, précise le membre du “PBC”, pour Paname Boxing Club, dont le maillot noir arbore un petit bonhomme au coeur arc-en-ciel. Le côté est flanqué du logo d'Hornet, application de rencontre gay.

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Nous sommes bien dans un club LGBT de boxe française (celle qui requiert les pieds et les poings), le premier du genre en France. “Ça fait déjà dix ans cette année qu’il existe”, s'étonne presque Fabien, co-fondateur de l’association en 2012 : “Il y avait tout un panel de sports à la FSGL [Fédération sportive gaie et lesbienne], mais pas la boxe française. Je trouvais que ça manquait.” Ce retard par rapport à bien d’autres sports n’était pas un hasard, analyse-t-il : “C’est peut-être parce qu’on estimait que ce n’était pas un sport fait pour un public LGBT.” Lui qui avait commencé la boxe à 18 ans n'était pas out dans les clubs où il avait pratiqué jusque-là. “J’ai toujours été out partout, au boulot, mais à la boxe, je voyais plutôt ça comme une galère qu’autre chose.” Pire encore, il se souvient d’un ami qui, après avoirf ait son coming out dans un autre club de boxe, “disait qu’il s’était un peu retrouvé à boxer avec des filles au fond de la salle…

Dépasser l'image "bourrin" de la boxe

Je n'ai pas vraiment monté ce club pour lutter contre une potentielle homophobie ambiante dans la boxe, nuance pourtant Fabien. Mais il me semblait que pour les gays, l'univers de la boxe était un tabou, parce qu'on imagine un milieu un peu bourrin, et c’est peut-être dissuasif.” Pour éviter l’autocensure dans l'accès à ce sport, il fallait donc proposer un endroit où les LGBT curieux puissent s'y essayer sans appréhension : “J’ai fait ce club pour que la boxe et le public gay se rencontrent." Pour que l’ambition se concrétise, une fois les statuts créés en 2010, encore fallait-il trouver un créneau disponible dans une salle parisienne : “J’avais commencé par demander à la mairie du 17e arrondissement, où j’habitais, et ils n’étaient pas du tout sensibles à la question LGBT. J'ai galéré pendant deux ans, je me suis un peu découragé.” Le miracle survient finalement au printemps 2012 : “On a réussi à trouver un créneau parce que la mairie du 2e était écolo à l’époque. Je suis allé leur dire ‘défendez un peu la cause LGBT’, et je pense que c'était un argument auquel ils étaient plus sensibles.

Reste alors à savoir si un public LGBT a envie de s’essayer à la boxe dans un club estampillé : “La grosse angoisse, c’était de savoir si le club allait attirer des gens.” Mais le succès est au rendez-vous, d'ailleurs presque trop. “Les premières semaines, on a dû gérer des problèmes d’affluence, il y avait trop de monde par rapport à la salle !” Les retours sont très vite positifs : “Les gens prenaient un peu confiance en eux, se sentaient plus sûrs avec leur corps et avec eux-mêmes.” Sa première année, le club compte 46 adhérents pour un cours par semaine. Dès la deuxième saison, il embauche un deuxième coach, puis ouvre un deuxième créneau en 2015. En 2017, le club compte quatre créneaux et intègre un prof de boxe gay, Paul, 50 ans. Selon lui, beaucoup des membres “n’auraient pas franchi le pas de faire de la boxe dans d’autres clubs”.

S'ouvrir aux questions trans, non-binaire, intersexe…

Tout en prenant de l’ampleur, le club a installé la boxe française dans le monde du sport LGBT. Il participe dès sa première année au Tournoi international de Paris, compétition annuelle multisports très LGBT-friendly. Puis prend une nouvelle dimension en co-organisant à partir de 2018 les Gay Games à Paris. “Il fallait trouver des juges, des rings, des partenaires. C’était hyper formateur. Et puis il fallait aussi entraîner encore plus nos adhérents parce qu’on avait envie qu'ils participent”, décrit Thomas Souchon, président du club de 2016 à 2020. Désormais, c'est ancré, les LGBT sont au rendez-vous de la boxe. “On s’est inscrits à la FSGL, on a posé les bases d'une présence forte et remarquée pour que le club s’installe dans la durée”, juge fièrement Fabien.

Il fallait aussi que le monde de la boxe française entre celui des LGBT. “Je voulais qu’on s'inscrive assez vite à la fédération de savate et de boxe française, parce que je voulais vraiment que ce ne soit pas un club de boxe ‘prétexte’, et qu’on fasse semblant de faire de la boxe pour faire des photos sur Grindr”, résume Fabien avec humour. “On a su évoluer vers un club de compétiteurs, on a des licenciés qui font des compétitions et on a intégré des entraînements avec des niveaux plus élevés, argumente Alexandra, 45 ans, membre du club depuis ses tout débuts. On a de bons résultats aux compétitions classiques amateurs depuis trois ou quatre ans, et chaque année il y en a un peu plus.”. Cette année, c’est d’ailleurs la première fois que des membres du PBC ont été qualifiés pour des compétitions nationales.

Comme il reste toujours des domains où s’améliorer, le Paname Boxing Club qui depuis 2020 “compte 7% de personnes trans, non-binaires ou genderfluid, s’est doté d’un pôle 'inclusion' et d’un guide sur le sujet pour cerner au mieux les questions trans, intersexe et d’égalité des sexes”, signale Nicolas en sirotant sa citronnade dans un bar du quartier après sa séance de boxe. C'est lui qui a repris les rênes de l’association il y a deux ans. Aujourd’hui, le PBC compte 240 adhérents, soit cinq fois qu’il y a dix ans. Un anniversaire qu’ils vont fêter en grande pompe le 17 juin avec, promet Nicolas, un “lieu inclusif et une lineup mixte”.

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Crédit photo : Paname Boxing Club