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streaming"Drag Race France", épisode 3 : des grosses baguettes, de la mode et un orgasme

Par Antoine Patinet le 08/07/2022
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En pleine Fashion Week, les queens de "Drag Race France" ont dû sortir leurs meilleurs looks et montrer leurs talents de couturières. Un défilé de mode souvent spectaculaire, qui confirme que la France est bien the place to be pour la mode.

Dans Drag Race, les défis mode sont souvent révélateurs. Il n’est d’ailleurs pas rare dans la version américaine que des prétendantes à la couronne que l’on croyait sérieuses se vautrent parce qu’elles ne savent pas coudre et que d’autres deviennent soudain les favorites grâce à une robe éblouissante aux finitions impeccables. De nombreux fans de l’émission attendaient donc avec impatience que la version française teste les queens sur leur capacité à fabriquer en peu de temps un look fabuleux, surtout quand, depuis le début de l’émission, certaines candidates comme La Grande Dame ou Kam Hugh se démarquent par des tenues aussi belles que grandioses.

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Mini-défi mais grosse baguette

Mais avant de servir le plat, Nicky Doll, comme toute bonne maîtresse de maison, nous offre une petite mise en bouche. Pour le mini défi de cette semaine, les huit drag queens encore en compétition devront se mettre deux par deux et s’armer de leur "petit tamis", jeu de mot incarné par un Yassin Chekkouh beau à s’en décrocher la mâchoire - d’ailleurs, pour réparer les dommages causés à leur visage, plusieurs queens ont d'ailleurs lancé des cagnottes, à votre bon coeur.

Un tamis qui pourrait s'avérer nécessaire puisque le défi s’annonce farineux. En effet, les queens devront, après un rapide make up, réaliser un tuto cuisine. La recette ? Un symbole incontesté de la France, la baguette. Mais attention, il y a un trick : dans chaque équipe, l’une est le visage et la voix, et l’autre, les bras (et même parfois, les jambes) de ces youtubeuses food d’un nouveau genre. Un défi aux conséquences désastreuses, puisque plusieurs perruques ont été sacrifiées sur l’autel de la pâte à pain. Toutes nos pensées accompagnent évidemment les familles des victimes. 

Message de service : Attention si vous n’avez pas vu l’épisode, il est encore temps de faire demi-tour et de revenir lire cet article plus tard, parce que la suite pourrait "divulgâcher" - comme disent nos amis québecois - votre visionnage.

Pour ce mini-défi, certaines équipes étaient cousues de fil blanc (pardon, c’était des traces de farine ?), comme le duo entre La Big Bertha et Soa de Muse, dont on sait depuis le début de l’émission qu’elles sont, sur et en dehors du plateau, comme les deux doigts de la main. Les deux amies peinent pourtant à convaincre - peut-être lésées par le montage - face à d’autres associations plus inattendues. C’est notamment le cas de la prestation énergique et foutraque de Lolita Banana, dotée des bras immenses et gesticulants de La Grande Dame. Un personnage que Kam Hugh trouve "vulgaire", mais qui toutefois, fait mouche. Enfin, surtout rire, grâce à une bonne dynamique entre la tête et les mains, et le débit mitraillette de Lolita Banana, qui décidément, n’a jamais peur d'aller trop loin. À sa préparation, elle rajoute “de l’eau parce que c’est un peu sèche, comme ma chatte” mais aussi “des paillettes, parce qu’on est pédés. Paillettes partout, paillettes pour tous.”

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La Briochée a montré l'étendue de son talent de boulangère. Crédit : France TV / Endemol

L’impro est aussi maîtrisée du côté de Paloma, gagnante du maxi-challenge de la semaine précédente, qui ne fait que confirmer son don pour l’acting. Elle profite d’ailleurs de ce mini-défi pour jeter sans doute, le premier vrai shade de cette compétition - décidément beaucoup plus bienveillante que la version US - avec un personnage de cagole du sud,  Laetitia, "mais vous pouvez m’appeler par mon pseudo Laeti Ladiva". Une référence directe à Lova Ladiva, la queen toulousaine éliminée la semaine dernière. Aux mains et au make-up, Kam Hugh n’a pas lésiné sur la terracotta pour donner vie à ce personnage à l’accent chantant. Et pendant que ses bras se débattent avec les prothèses mammaires, Paloma enchaîne les gags. “Moi je suis toujours dans l’instant présent, comme le dit mon tatouage sur mon poignet ‘Carpe Diem’”. Les autres queens sont hilares, mais c’est finalement le personnage de “Christine Boudin” de La Briochée, tout en monosourcil, qui remportera ce défi tuto, grâce à ses tentatives désespérées pour guider les bras aveugles d’Elips vers les ingrédients nécessaires à cette baguette qui ne verra jamais le four. 

La mode la mode la mode

Maintenant qu’on est en appétit, il est temps d’annoncer le menu. Et il ne faudra pas s’empiffrer, parce que cette semaine, le maxi-challenge est un défi de mode. On recommande une pomme et un Coca zéro, si on veut essayer de correspondre aux standards qui définissent, apparemment, ce qui fait qu’un corps porte ou non bien les vêtements. Ce challenge s’apparente à un mélange entre le challenge du "ball", où les queens doivent présenter leurs meilleurs looks sur un thème donné, et un challenge "design", dans lequel les candidates doivent coudre un look à partir de ce que la production veut bien leur donner. Et pour ce premier défi couture, les adaptateurs français du show n’y sont pas allés de main morte : les queens se décomposent en voyant arriver, tiré par le pit crew - dans lequel on reconnaît Simon Vendeme  - des bouées en plastique en forme de banane, de palmier, et autres accessoires de piscine.

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Voilà, maintenant, faîtes une robe ! Crédit : France Télévisions / Endemol

De cette matière première encore épargnée par l’inflation, les queens devront réaliser une robe digne de monter les marches du festival de Cannes. Et franchement, à leur place, on aurait paniqué. La couture ok, mais le plastique cheap ? Est-ce que ça passe seulement à la machine à coudre ? Quelle aiguille on doit utiliser ? Et si ceux qui pensent que la terre est plate avaient raison ? Est-ce que la vie a un sens ? Trop de questions auxquelles nous n’aurons jamais de réponse. Tant de sujets sur lesquels les médias nous mentent. Toutefois, plusieurs candidates semblent garder leur calme face à cette explosion de couleurs criardes. C’est le cas notamment de Paloma à qui "le plastique ne fait pas peur", de Kam Hugh mais aussi d’Elips, qui dès le début de l’émission, s’est montrée enthousiaste à l’idée d’un challenge couture. La candidate qui a séduit de nombreux téléspectateurs par le contraste entre la force qui se dégage d’elle à chaque fois qu’elle fait son apparition sur le podium et la douceur discrète de son interprète dans l’atelier, est en effet une couturière passionnée, et les autres queens semblent le savoir. Au point qu’elle aidera plusieurs de ses camarades en difficulté, comme avait pu le faire Bianca Del Rio dans la saison 6, à venir à bout de cet exercice délicat. Un beau geste, qui si elle ne gagne pas la compétition, pourrait lui valoir le titre de Miss Congeniality, qui récompense la queen la plus sympa.

Moules-frites et pinata

Au moment du top départ pour choisir les trois items qui participeront à leur tenue, c’est la foire d’empoigne, pire qu’un jour de ventes privées de slip Calvin Klein à Mykonos. La compétition pourrait se transformer en combat de catch, mais heureusement, la peur de se casser un ongle semble calmer les compétitrices les plus déterminées. Kam Hugh, apparemment fan de Nemo, se rue sur les bouées poisson clown, et on se demande ce qu’elle va en faire, elle qui nous avait plutôt habitués à l’élégance poudrée des teintes pastels. Suspense.

Frites en mousse, fausses moules, et autres cauchemars écologiques sous le bras, les queens se dirigent vers leur stand de travail, aussi dépitées qu’excitées. “N’oubliez pas que c’est Cannes hein, pas la foire au boudin.” Merci du rappel, Paloma, même si on avait un peu envie de faire tourner les serviettes (de plage). “Avec des matériaux comme ça, le risque c’est vraiment de ressembler à une piñata à la fin. Et personne n’a envie de ressembler à une piñata… à part peut-être Lolita Banana” lâche en off Kam Hugh, qui décidément, sous ses airs de fille sage, est en lice pour remporter la palme de la mean girl de cette saison. Depuis le premier épisode, chacune de ses interventions face caméra est une petite pépite de shade. Et c’est mignon, parce qu’on voit qu’elle s’en veut de dire des méchancetés, mais qu’au fond, ça la fait rire. Et nous aussi. On espère vivement qu’elle explorera ce talent inné qu’elle peine encore à assumer dans les prochains défis de comédie.  

Duel au soleil

Mais l'heure est à la mode, et elle et La Grande Dame - les deux queens les plus fashion de la saison -  sont attendues au tournant. Dommage pour les autres candidates, elles ne déçoivent pas. En plus du défi couture, les queens doivent présenter deux tenues tirées du vestiaire qu’elles ont apporté pour le show. L’une doit représenter un cliché qui colle à la peau de la France, et l’autre, respecter le thème “Ma France à moi”. Pour La Grande Dame, d’origine bretonne, la France est une veuve bigoudaine à la coiffe monumentale, qui scotche à leurs sièges Nicky Doll, Kiddy Smile et Daphné Bürki, ainsi que les deux jurés invitées de cet épisode 3 : Véronique Philipponnat, patronne du Elle France, et Chantal Thomas, créatrice de mode à la frange culte. Les autres looks de la candidate impressionnent tout autant, et sa robe réalisée à partir d’une serviette éponge et de la corde d’une ligne de flottaison pourrait lui valoir une mention.

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Mais si le match est serré, Kam Hugh va lui voler la vedette et surtout, la victoire, grâce à un investissement remarquable et à des looks débordants d'inventivité. Sa première tenue réussit le tour de force de nous faire aimer les pigeons qui envahissent Paris, mais fait aussi naître une soudaine envie de nous en faire une cape. Une Cruella realness qui a le mérite de ne pas nous forcer à dépouiller des bébés dalmatiens pour avoir un look de bad bitch (disclaimer pour les vegans vener dans la salle : c’est de l’humour et on sait tous au fond que c’est vous qui avez raison.)

Pour son deuxième look, la queen a opté pour un corset - sa marque de fabrique, attention à ne pas finir par lasser - ornementé de croissants 100% pur beurre. C’est joli et je n'ai pas mangé ce matin, donc ça tombe vraiment bien. Mais c’est son look avec les poissons-clown gonflables qui finit par mettre tout le monde d’accord, une robe courte bien fichue, avec une traîne - parce que c’est Cannes - qui lève le voile sur un aspect de Kam Hugh que l’on avait pas encore vu jusqu’à présent : plus starlette de la Croisette qui pourrait mal finir que poupée hors de prix. 

Les savoyards ne vont pas aimer

Si les deux candidates les plus mode n’ont pas fait de fashion faux pas, les autres aussi s’en sont bien tirées, et confirment qu’elles sont toutes venues pour gagner - ou en tout cas, pour montrer aux fans de Drag Race à travers le monde que la France joue dans la cour des grands. Lolita Banana, notamment, a eu les faveurs du jury pour son look fluo inspiré des gilets jaunes et la robe confectionnée à partir de bananes gonflables. Les trois mousquetaires de la vanne préparée - exercice qu’ils maîtrisent de mieux en mieux à mesure que le show avance  - ont également salué la vision de la France très gourmande de Paloma, qui a pris le plateau de fromage de la régie pour s’en faire un chapeau dans l'objectif honorer son Auvergne natale. Au passage, elle règle ses comptes avec la Haute-Savoie - je lâche son numéro en DM pour les savoyards qui voudraient en découdre. Déception toutefois pour Elips. Si la candidate a ébloui avec un premier look aux couleurs du drapeau LGBTQI+, le look couture a laissé le jury sur sa faim. La candidate semble avoir du mal à résister à la pression et aux contraintes de l’émission, et ça nous donne envie de lui faire un câlin et de lui dire que tout ira bien. Heureusement, elle pourra se rattraper la semaine prochaine. 

La Big Bertha, quant à elle, a eu un orgasme digne des grandes eaux de Versailles, qui apparaît déjà être l’un des moments cultes de cette saison 1. Une bonne surprise, surtout que je ne me doutais pas, quand elle m’a appelée pour que je lui prête la bâche que j’utilise pour protéger mon tapis quand j’organise une touze, que c’était pour éviter de pourrir le décor. Mention spéciale pour son hommage à Yvette Horner, un coup risqué dans un défi mode, qui a toutefois su convaincre la directrice du Elle.

Match serré

Inspirée d’une toute autre façon par Versailles, Soa de muse a pour sa part livré une caricature désopilante de la bourgeoise Chanel, qui dès qu’elle se retourne, dévoile son vrai visage (ou plutôt son cul) et ses penchants pour le cuir. Mais son look en Madras, en hommage à ses origines martiniquaises n'a pas su convaincre Daphné Bürki, et le challenge couture, dans lequel elle n’a pas autant joué le jeu que les autres candidates, la finalement placée une nouvelle fois sur la sellette face à La Briochée. Comme sa concurrente, la candidate qui avait brillé par son tour de chant dans l'épisode 1 ne semble pas maîtriser aussi bien l’aiguille que ses rivales.

Un duel en dernière chance difficile pour la performeuse du cabaret Madame Arthur, surtout après avoir vu Soa de Muse plier le game en lipsynch face à Lova Ladiva la semaine précédente. En attendant le verdict des juges, nos queens semblent d’ailleurs convaincues de ne pas vraiment pouvoir rivaliser avec Soa sur le lipsynch. Pourtant, La Briochée ne se laisse pas démoraliser, et abat toutes ses cartes dans un match difficile à départager pour le téléspectateur. La candidate trans quitte finalement l’aventure, délivrant au passage un message important à toutes les jeunes âmes queers qui regardent le programme : “le fait d’être queer, trans, ça ne nous empêche pas de vivre nos rêves.” Amen. 

Récit de nos vies queers

Si cet épisode 3 de Drag Race “prive le peuple des meilleures miches de Paris”, l’émission continue de raconter, à travers les témoignages des queens, le récit de nos vies LGBTQI+. Dans l’atelier, Kam Hugh se livre sur sa jeunesse en Ardèche, pas évidente pour un jeune ado queer, et la promesse de cette capitale où il pourrait être ce qu’il veut. La promesse était la même pour La Grande Dame, qui revient sur ce jour elle a décidé de quitter Nice pour la capitale après une violente agression par quatre hommes, en bas de chez elle. De quoi faire prendre conscience, peut-être, à quelques badauds qui verront l’émission sur France 2, que si on met des paillettes, c’est parfois aussi pour cacher les bleus.

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Mais Drag Race France est avant tout la célébration de l'art du drag, et l'épisode de la semaine prochaine s'annonce déjà comme immanquable, puisque les candidates se plieront au défi préféré des fans de Drag Race : le Snatch Game. Dans ce faux jeu télé qui s'avère souvent décisif pour la suite de la compétition, les candidates doivent incarner la personnalité de leur choix, et mettre le paquet sur l'humour et la répartie. Un exercice que l’on pourrait croire gagné d’avance pour La Big Bertha, Lolita Banana et Paloma, mais on l’a vu avec Elips cette semaine, le stress de la compétition peut parfois nous faire perdre notre meilleur atout…