Le président serbe a annoncé ce samedi l'annulation de l'Europride qui doit se dérouler à Belgrade du 12 ou 18 septembre. De son côté, l'organisation affirme que l'événement sera maintenu.
L'Europride 2022 aura-t-elle lieu ? À quelques semaines de l'événement LGBTQI+ prévu du 12 au 18 septembre dans la capitale serbe, Belgrade, le président de la Serbie a annoncé ce samedi 27 août son annulation, prétextant les tensions au Kosovo – dont la déclaration d'indépendance en 2008 n'a jamais été reconnue par Belgrade – et les problèmes liés à la crise que rencontre actuellement le pays. Déclaration contre laquelle les organisateurs se sont insurgés, assurant que la semaine paneuropéenne de festivités, qui se déroule tous les ans depuis 1992 dans une ville du continent et se termine par une Pride, aurait lieu comme prévu.
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"En accord avec la majorité des membres du gouvernement et avec la Première ministre [...], la Marche des fiertés, ou quel que soit le nom de cette chose, sera reportée ou annulée, comme vous voulez, a déclaré Aleksandar Vucic lors d’une conférence de presse. Simplement, à un moment donné, on ne peut pas tout gérer." Le président serbe est issu du Parti progressiste serbe, un parti de centre-droit qui se reconnaît dans une idéologie à la fois conservatrice et nationaliste, malgré un virage pro-européen. Dépeignant une Serbie "sous pression", qui doit faire face à "toutes sortes de problèmes", il a encore argué que "certains groupes extrémistes pourraient profiter et abuser de cet événement et de la volonté de la Serbie de l’organiser pour attiser davantage les tensions et pour diriger la Serbie vers l’instabilité".
"L'Europride n'est pas annulée et ne sera pas annulée"
"L’État ne peut pas annuler l’Europride – il peut seulement essayer de l’interdire, ce qui serait une violation évidente de la Constitution", a réagi sur Twitter Marko Mihailovic, le coordinateur de la manifestation, promettant : "La marche aura lieu comme prévu le 17 septembre". Et les organisateurs d'insister dans un communiqué sur le fait qu'une telle interdiction serait illégale : "Le droit d’organiser une Marche des fiertés a été entériné par la Cour européenne des droits de l’homme en tant que droit humain fondamental. Une tentative d’interdiction est en infraction avec les articles 11, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, ratifiée par la Serbie."
L'annonce du président serbe est intervenue quelques minutes seulement après qu'il eut reconduit à la tête du gouvernement la Première ministre sortante, Ana Brnabic, pour un troisième mandat. Ouvertement lesbienne, celle-ci s'est souvent vu reprocher de ne pas défendre suffisamment la cause LGBTQI+, dans un pays qui ne reconnaît pas légalement les couples homosexuels ni l'homoparentalité. La présidente de l’Association européenne des organisateurs des marches de fiertés (EPOA), Kristine Garina, rappelle néanmoins dans un communiqué qu'"au cours du processus de candidature pour l’Europride 2022, la Première ministre serbe Ana Brnabic a promis le soutien entier du gouvernement serbe pour l’Europride à Belgrade". "Nous nous attendons à ce que cette promesse soit honorée", poursuit-elle, martelant : "L’Europride n’est pas annulée et ne sera pas annulée".
La Serbie protège mal ses LGBTQI+
L'Église orthodoxe serbe (SPC), particulièrement influente dans le pays, a évidemment salué la position d'Aleksandar Vucic : "La tenue de ce ’défilé’, qui est au service de la promotion de l’idéologie LGBT (…), ne serait bénéfique pour personne. Elle provoquerait en revanche davantage de tensions et des nouvelles divisions, ainsi que l’amertume et la révolte des fidèles", déclare-t-elle dans un communiqué. Dimanche soir, rapporte l'AFP relayée par BFMTV, des milliers de fidèles orthodoxes ont défilé dans la capitale, avant d'écouter l'évêque Nikanor qualifier l'Europride de "profanation de notre pays, de notre Église et de notre famille".
La Serbie, sous statut de candidate à l'adhésion à l'Union européenne, est régulièrement le théâtre de violences envers les personnes LGBTQI+. En 2001 et 2010, les deux premières Marches des fiertés de Belgrade avaient ainsi été teintées de violence. Depuis 2014, la manifestation est récurrente mais se protège avec un dispositif de sécurité important. Rien de surprenant lorsque l'on sait que 60% des membres de la communauté LGBTQI+ serbe déclarent avoir été victimes d'agressions physiques ou psychologiques, selon un sondage réalisé par les organisations de défense des droits de l'Homme IDEAS et GLIC en 2020. Quand les militants ont eu l'an dernier l'espoir de voir le partenariat civil reconnu entre les couples de même sexe, le président Aleksandar Vucic avait déclaré qu’il ne signerait pas une telle loi parce que la Constitution serbe "définit le mariage comme l’union légalement réglementée d’un homme et d’une femme". Le chemin promet d'être encore long…
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Crédit photo : Europride de Vienne 2019, John Samuel, Wikimedia Commons