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livresProgressisme, racisme et queerness : rencontre avec Brandon Taylor, auteur de "Real Life"

Par Thomas Vampouille le 21/10/2022
Brandon Taylor

Pour la première fois traduit en français, l’écrivain étasunien Brandon Taylor, que nous avons rencontré pour la magazine de l'automne, donne à voir dans Real Life un progressisme blanc trébuchant sur son propre racisme. Prenant sa vie comme source d’inspiration, il met en lumière la diversité des autres identités au sein de la communauté LGBTQI+.

Il a grandi dans une ferme de l’Alabama (sud-est des États-Unis), mais, après quelques jours dans la capitale française – qu’il adore –, Brandon Taylor est “Parisien jusqu’au bout des ongles”. Donc constamment de mauvaise humeur ? “Passionné !” corrige-t-il, magnanime, bien qu’il se soit fait engueuler la veille par un conducteur de Vélib sur les nerfs. Dans Real Life, son premier roman, paru en 2020 et tout juste traduit en France (par Héloïse Esquié aux éditions La Croisée), le même pas trentenaire, qui a été élevé dans une région rurale et conservatrice, retrace la période de ses études scientifiques dans une université progressiste du Midwest américain. C’est là qu’il s’est trouvé comme écrivain, plantant son diplôme d’études supérieures pour se lancer dans ce qui l’animait vraiment depuis qu’il a lu Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, Sartre, Proust, Camus… En lice pour le Booker Prize, le plus célèbre des prix littéraires anglophones, l’année de sa sortie, Real Life saisit par un réalisme moderne qui nous plonge, avec un regard noir (“black gaze”) assumé, dans le fossé qui sépare son vécu de Noir américain des slogans progressistes de ses camarades d’université. Sans moralisme ni manichéisme, Brandon Taylor révèle d’emblée un talent rare pour disséquer les micromouvements de nos âmes contradictoires....