droits humainsAccusé de persécutions anti-LGBT, le Qatar prétend défendre les "droits humains pour tous"

Par Nicolas Scheffer le 25/10/2022
Peter Tatchell a manifesté pour les droits LGBT à Doha, au Qatar

Dans un nouveau rapport accablant pour le Qatar, l'ONG de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) rapporte des arrestations arbitraires de personnes LGBTQI+ qui subissent des violences en détention dans le pays hôte du Mondial de foot 2022.

"Le Qatar ne tolère aucune discrimination à l'égard de qui que ce soit", maintient sans ciller un responsable du gouvernement qatari cité par l'AFP. Dans un document publié ce lundi 24 octobre, l'ONG Human Rights Watch (HRW) rapporte au contraire avoir documenté des détentions arbitraire et maltraitances subies entre 2019 et 2022 par des personnes LGBTQI+ au Qatar, qui accueille dans un mois le Mondial de football. Mais l'émirat pousse l'ironie jusqu'à se dire LGBT-friendly.

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Dans ce pays où l'homosexualité est illégale, quatre femmes trans, une femme bisexuelle et un homme homosexuel témoignent dans le rapport de HRW de la manière dont le département qatari de "sécurité préventive" du ministère de l'Intérieur les a emprisonnés dans un centre de détention souterrain de Doha, la capitale. Les agents y ont selon l'organisation de défense des droits humains "harcelé verbalement et maltraité physiquement des détenus, leur administrant gifles et coups de pieds et de poings jusqu'à ce qu'ils saignent.

Persécutions anti-LGBT

"Une de ces femmes dit avoir perdu conscience. Les services de sécurité ont également exercé de la violence verbale, poussé à des confessions forcées et interdit aux détenus d'obtenir des conseils juridiques, de contacter leurs familles ou de se faire soigner", énumère encore l'ONG, citée par l'AFP, précisant que le dernier cas rapporté remonte au mois de septembre 2022.

Une femme transgenre raconte par exemple avoir été emprisonnée à deux reprises, et torturée. "Ils me battaient tous les jours et m'ont rasé les cheveux. Ils m'ont également demandé d'enlever ma chemise pour prendre ma poitrine en photo", détaille-t-elle. Aucun des six témoins n'ont été inculpé, mais ils ont été forcés de débloquer leurs téléphone, permettant aux autorités d'accéder à des informations sur d'autres membres de la communauté LGBTQI+, pointent également les militants des droits humains.

Le déni du Qatar

Fidèle à lui-même, l'État du Qatar nie toute arrestation liée à l'orientation sexuelle et dénonce dans le rapport de HRW des allégations "absolument fausses", par la voix d'un responsable du gouvernement. "Le Qatar ne tolère aucune discrimination à l'égard de qui que ce soit. (…) Nos politiques et procédures reposent sur un engagement en faveur des droits humains pour tous", ajoute celui-ci sans souci de crédibilité, tandis que dans le droit qatari l'homosexualité reste passible de sept ans de prison.

Dans ses conclusions, HRW exhorte le Qatar à "mettre un terme aux mauvais traitements infligés par les forces de sécurité aux LGBTQ, y compris l'arrêt de tout programme parrainé par le gouvernement visant les pratiques de conversion". Mais le responsable affirme aussi qu'aucun "centre de conversion" n'opère dans le pays. Pris à partie pour son choix du Qatar comme pays hôte du Mondial de football 2022, la Fifa souligne que les drapeaux arc-en-ciel de la communauté seront autorisés dans les stades. Des jeux et des drapeaux, que demande le peuple ?

Un manifestant LGBT rembarré par la police

Doha est d'ailleurs tellement féru de "droits humains pour tous" que sa police l'a encore prouvé pas plus tard que ce mardi 24 octobre… Un militant LGBT+ britannique y a été empêché par la police de manifester devant le Musée national avec une pancarte proclamant : "Le Qatar arrête, emprisonne et soumet les LGBT à [des thérapies de] 'conversion' #QatarAntiGay". Peter Tatchell, 70 ans, qui avait été arrêté pour une manifestation similaire à l'occasion du Mondial 2018 en Russie, a raconté dans un communiqué que "neuf officiers" sont venus l'interroger ainsi que la personne qui le filmait et le photographiait avec son téléphone. "La police a pris le téléphone et supprimé toutes les photos et vidéos, mais seulement après qu'elles aient été envoyées à Londres", a détaillé le militant, "en route pour l'aéroport". Des témoins ont confirmé avoir vu plusieurs policiers lui demander de ranger sa banderole avant de remonter dans leurs véhicules.

Ce récit a lui aussi été démenti par les autorités qataries, qui s'en prennent à la couverture médiatique occidentale à l'approche de la Coupe du monde. "Un individu debout sur un rond-point a été cordialement invité à se déplacer sur le trottoir, aucune arrestation n'a été effectuée", a commenté le service de communication du gouvernement, se disant "extrêmement déçu de voir des accusations sans fondement rapportées librement par des médias". Si on ne peut plus cordialement censurer les militants des droits humains…

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Crédit photo : Peter Tatchell via Twitter