Abo

édito#BoycottQatar2022 : la place des personnes LGBTQI+ n'est plus négociable

Par Thomas Vampouille le 22/09/2022
#BoycottQatar2022

Même s’ils seront probablement sans grand effet, les appels au boycott du Mondial 2022 de football au Qatar sont une affirmation que, dans le concert des nations, ni la place des femmes, ni celle des personnes LGBTQI+, ne sont plus négociables.

C’est donc dans le contexte d’une remise en cause, au sein de plusieurs pays d’Europe, des droits des femmes et des LGBTQI+, dans celui de leur recul inouï aux États-Unis (où les mêmes États interdisant désormais l’IVG pondent des lois anti-LGBT), c’est dans le contexte aussi d’un réchauffement climatique de plus en plus notable, bref, c’est en cette fin d’année que se tient la Coupe du monde masculine de football… au Qatar.

À lire aussi : Pomme, Cara Delevingne, Lukas Dhont & Devin Way : au sommaire du têtu· de rentrée

Un État qui, en dépit de sa maîtrise parfaite du “soft power”, grâce notamment au football (rachat du PSG en 2011, l’année suivant l’attribution dans des conditions toujours floues du Mondial 2022), n’a jamais fait la preuve en ses frontières d’une progression possible des droits humains. D’ailleurs, les droits LGBTQI+, au Qatar, n’existent pas. L’homosexualité y est passible de mort. Et derrière l’écran de fumée créé en Occident par ses milliards tirés du pétrole et du gaz, Doha a financé l'islamisme. C’est pourtant là, dans des stades entiers climatisés, que la communauté internationale a choisi d’aller taper la balle et applaudir ses équipes.

Boycott, boycottage

Dans ces conditions se pose évidemment la question du boycott. C’est bien le moins qu’on puisse imaginer pour les ouvriers morts sur les chantiers du Mondial – plus de 6.500 selon le Guardian. Le mot “boycott” – “boycottage”, en bon français – vient en effet de la mémoire de Charles Cunningham Boycott, propriétaire terrien britannique qui subit à la fin du XIXe siècle la révolte par blocus des ouvriers agricoles qu’il payait mal. En réalité, les premières actions recensées de ce type, expliquent Ingrid Nyström et Patricia Vendramin dans Le Boycott, remontent à un siècle plus tôt, quand les anti-esclavagistes anglais boycottent le sucre issu de l’esclavage des Antilles.

Sur le site de têtu·, des cadres et des élus d’Europe écologie-Les Verts ont lancé un appel au boycott. Pour La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon a déjà annoncé qu’il participerait à une éventuelle campagne en ce sens : “Les gars, je vous dis de ne pas y aller. On ne peut pas jouer au foot sur les cadavres, on ne peut pas jouer au foot avec des violents bornés obscurantistes comme ceux qu’on a là.” À l’international, des athlètes partagent également cette position. Le champion olympique Tom Daley s’indignait dès cet hiver de la tenue de la compétition “dans le deuxième pays le plus dangereux au monde pour les homosexuels.” Depuis, le plongeur gay a complété sa position, considérant que plutôt qu’interdire l’organisation d’événements sportifs internationaux aux pays LGBTphobes, il faut leur faire signer un contrat en faveur des LGBTQI+, faute de quoi ils s’excluront eux-mêmes du circuit.

De fait, les mains tendues en cette direction sont restées lettre morte du côté de Doha. La présidente – lesbienne – de la Fédération norvégienne de foot, Lise Klaveness, a réclamé que les lois LGBTphobes du pays “soient suspendues pendant le Mondial, et que cela soit rendu public”. Mais le Qatar campe sur son homophobie d’État. “Si un supporter brandit un drapeau arc-en-ciel dans un stade et qu’on lui enlève, ce ne sera pas parce que je veux l’insulter, mais bien pour le protéger, a osé l’homme chargé de la sécurité de la Coupe du monde, Abdulaziz Abdullah Al Ansari. Vous voulez manifester votre point de vue sur la situation [LGBTQI+], faites-le dans une société où il sera accepté. (…) Ne venez pas insulter toute la société [qatarie] à cause de ça.” 

Même s’ils seront probablement sans grand effet, les appels au boycott du Mondial qatari sont toutefois bienvenus, et pourraient au moins servir à inciter des joueurs de premier rang à passer des messages en faveur de l’égalité et de la liberté. Ils serviront aussi à interpeller leurs sponsors, pour qu’ils en fassent autant sous peine de voir leurs produits mis à l’index. Et à encourager, surtout, les autorités internationales du football à ne pas reproduire le fiasco de l’Euro 2020 (en juin 2021), quand l’UEFA avait refusé d’illuminer le stade de Munich aux couleurs de l’arc-en-ciel pour protester contre la politique anti-LGBT de la Hongrie de Viktor Orbán. Il s’agit d’affirmer que, dans le concert des nations, ni la place des femmes, ni celle des personnes LGBTQI+, ne sont plus négociables.

Ce billet est à issu du magazine têtu· de l'automne 2022

À lire aussi : Qatar 2022 : le brassard de l'inclusion… qui exclut les couleurs LGBTQI+