Devant la montée des appels au #BoycottQatar2022, l'UEFA, instance européenne du foot, a imaginé un brassard censé promouvoir l'inclusion et la lutte contre les discriminations, lequel esquive les couleurs du drapeau LGBTQI+ pour leur préférer un mielleux mélange entre Bisounours et Power Rangers.
Qui a dit que les instances internationales du football n'avaient pas de cœur ? À deux mois du démarrage du Mondial 2022 au Qatar, un brassard arborant un cœur à bandes colorées et le chiffre "1", censé symboliser le combat en faveur de l'inclusion et contre les discriminations, a été dévoilé ce mercredi 21 septembre par plusieurs fédérations européennes. Les capitaines de plusieurs sélections du continent, dont Hugo Lloris pour la France, le porteront durant la Coupe du monde prévue aux mois de novembre-décembre.
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C'est un groupe de travail de l'UEFA, l'instance européenne du foot, qui a accouché de cette initiative après avoir planché sur les "questions relatives aux droits des travailleurs et aux droits humains au Qatar jusqu'au Mondial 2022", nous apprend la fédération allemande de football. Quoi de mieux, en effet, qu'un cœur multicolore pour porter la mémoire des milliers d'ouvriers morts sur les chantiers qataris – 6.500 selon une enquête du Guardian –, ainsi que de celle des droits LGBTQI+ piétinés dans le pays hôte (l'homosexualité y est passible de la peine de mort) de la compétition reine du sport mondial ?
"One love"
Si vous êtes encore sceptique à ce stade, sachez que l'initiative a été baptisée "One love", et penchez-vous sur la composition du symbole imprimé sur les brassards, efficace fusion d'un cœur généreux à la Bisounours et des couleurs des six Power Rangers : le rouge, le noir, le vert, le rose, le jaune et le bleu. Si avec ça, Doha n'évolue pas sur le respect des droits humains…
Au sein de la communauté LGBTQI+, des esprits décidément bien chagrins ont relevé que le symbole n'a même pas le courage d'arborer les couleurs du drapeau arc-en-ciel. "C'est le rainbow flag de Wish ou quoi ?", a ainsi tweeté Fabien Randanne, journaliste à 20 Minutes, ajoutant : "Cette initiative est à la limite de l'insulte".
Ce brassard, me dit-on, ne symbolise pas seulement la lutte contre les LGBTphobies, mais « contre toutes les discriminations » 🤡 - ce qui est très pratique, en ne nommant pas les choses, chacun peut y accoler la signification qu’il veut. https://t.co/jVs1ldnGrk
— Fabien Randanne (@fabrandanne) September 21, 2022
Tant de reproches alors que l'UEFA a justement la sagesse de s'élever au-dessus de toute considération catégorielle, comme elle a su le faire en juin 2021 quand la ville de Munich (Allemagne) lui avait demandé l’autorisation d’illuminer son stade aux couleurs de la communauté LGBTQI+ pour le match Allemagne-Hongrie de l'Euro, en solidarité avec la communauté LGBTQI+ hongroise victime de l'homophobie d'État de Viktor Orbán. L'instance organisatrice de l'Euro y avait opposé une fin de non-recevoir, arguant que "de par ses statuts, l'UEFA est une organisation politiquement et religieusement neutre". D'où les Bisounours et les Power Rangers, susceptibles de diffuser l'amour sans choquer Doha.
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Le Qatar il est pas venu là pour souffrir
Il faut dire que le Qatar a été très clair quant aux couleurs du drapeau LGBTQI+ : pas-de-ça-chez-eux. "Vous voulez manifester votre point de vue sur la situation [LGBTQI+], faites-le dans une société où [le drapeau arc-en-ciel] sera accepté, a ainsi assumé auprès d'Associated Press l'homme en charge de la sécurité du Mondial, Abdulaziz Abdullah Al Ansari, ajoutant : "Ne venez pas insulter toute la société à cause de ça".
Pratique, "One love" permet donc aux instances internationales du football de faire entonner à leurs joueurs un message suffisamment général pour préserver les sensibilités de l'émirat, comme l'a déjà prouvé le gardien allemand Manuel Neuer : "L'amour du football nous unit tous, peu importe d'où nous venons, notre apparence ou qui nous aimons (...), le football doit être là pour tous ceux qui se sentent discriminés et rejetés". On est plus proche d'un titre de U2 que de la déclaration de Dario Minden qui, au nom de l'association allemande des clubs de supporters, a récemment balancé à l'ambassadeur du Qatar à Berlin : "J'aime les hommes. J'ai des relations sexuelles avec d'autres hommes. C'est normal". Simple, basique.
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"I love men. I have sex with other men. This is normal."
Please take a moment and listen to what Dario Minden, a representative of the German association of fan groups, had to say to Qatar's ambassador to Germany ahead of #Qatar2022 🏳️🌈🏳️⚧️
📹@dw_sportspic.twitter.com/PRWluGuP1o
— Felix Tamsut (@ftamsut) September 19, 2022
Crédit photo d'illustration : Alex Grimm/Getty Images via AFP