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États-UnisDerrière Trump, concours Lépine de lois LGBTphobes chez les conservateurs américains

Par Gabriel Moullec le 14/03/2022
Donald Trump continue de donner le ton au parti républicain

Alors que l'ombre de Donald Trump n'a pas quitté le Parti républicain, loin s'en faut, et qu'approchent les élections de mi-mandat aux États-Unis avec déjà 2024 en ligne de mire, les élus conservateurs font assaut de lois anti-gay, anti-trans, anti-LGBT pour séduire l'électorat trumpiste.

Qui veut être le prochain Donald Trump ? Plus d'un an après son échec à se faire réélire et malgré l'assaut du Capitole, l'ancien président s'impose toujours comme l'homme fort de la droite américaine. Caracolant en tête des sondages de popularité, il ne cache pas son dessein de revenir se présenter à la primaire des Républicains en vue de à la prochaine présidentielle américaine, en 2024, continuant de donner le ton dans son parti dont d'autres élus tentent de lui damer le leadership.

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Cette popularité sans faille, analyse pour têtu· la politologue spécialiste des États-Unis Nicole Barachan, s'explique par "un véritable culte de la personnalité que Donald Trump a développé" et l'existence "d'un noyau dur d’électeurs qui aime cet homme, l’autre partie des électeurs acceptant de se soumettre à lui par opposition au parti démocrate". Résultat : une course à l'échalote à qui se montrera le plus conservateur. "Trump est si populaire que quelle que soit la position qu'il adopte, la plupart des Républicains se disent qu'il faut faire la même chose que lui", résumait Aubrey Jewett, professeure en sciences politiques à l'Université de Floride Centrale, pour TV5Monde. Et comme d'habitude dans ces cas-là, les personnes LGBTQI+ trinquent…

Trump, DeSantis, Abbott, trio infernal pour les LGBT

Au premier rang des challengers, l'actuel gouverneur de Floride Ron DeSantis, ancien poulain de Donald Trump. D'abord conseiller juridique pour la Marine américaine, il entre en 2012 à la Chambre de Floride en tant que représentant du Parti républicain, avant d'être élu gouverneur de l'État six ans plus tard, soutenu par le président Trump. Le gouverneur âgé de 43 ans s'est depuis senti pousser des ailes, à tel point qu'il est d'ores et déjà cité par la presse américaine comme l'un des futurs adversaires de Trump, lequel s'est vu pousser à déclarer qu'il "battrait" en 2024 celui qui n'hésite pas à se montrer plus trumpiste que l'original. Ron DeSantis s'est ainsi fait remarquer par ses positions anti-restrictions sanitaires face à l'épidémie de Covid-19, avant de devenir l'ardent défenseur d'une visant à censurer les questions d'orientation sexuelle et d'identité de genre à l'école, votée par le parlement de Floride le 8 mars et qu'il doit désormais promulguer, à la LGBTphobie si assumée qu'elle est connue outre-Atlantique sous le nom de "Don't Say Gay".

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Autre nom cité parmi les rivaux potentiels de Donald Trump au sein du Parti républicain, le gouverneur depuis 2014 du Texas Greg Abbott. En novembre 2022, il briguera sa réélection à ce poste. Qualifié par Donald Trump de "combattant et grand gouverneur", Greg Abbott est le grand favori des sondages avec 47% d'intention de vote contre 37% pour son rival Démocrate, Beto O'Rourke. Lui mène actuellement une bataille pour criminaliser les parents qui accompagnent leurs enfants dans leur transition de genre. Il avait déjà signé il y a quelques mois une loi réduisant à six semaines le délai de recours de l'IVG.

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Danger conservateur sur les midterms

Selon Anthony Castet, spécialiste des questions LGBTQI+ nord-américaines, les États du Sud se retrouvent plus largement au cœur d'une "guerre tribale" entre Démocrates et Républicains dont les personnes LGBTQI+ font partie des victimes collatérales. En ligne de mire, dès avant la présidentielle de 2024, les élections de mi-mandat (midterms) en novembre prochain, qui doivent renouveler un tiers des sièges au Sénat et l'ensemble de la Chambre des représentants. La popularité vacillante du président démocrate Joe Biden, qui peine à dépasser les 43%, fait craindre un basculement du congrès américain à droite. "Trump a décidé pour les législatives de novembre de soutenir les candidats républicains dans les États qui adoptent sa thèse pour les élections", explique Nicole Bacharan.

"La remise en cause du droit à l'avortement et toutes ces lois discriminantes font partie d'un mouvement plus large, notamment le mouvement anti-woke qui s'inscrit lui même dans des guerres culturelles ravivées par les trumpistes en vue des élections de mi-mandat", complète Anthony Castet. Ainsi, plus de 130 projets de loi ont été déposé dans plusieurs dizaines d'États avec pour but de s'immiscer dans la liberté d’enseignement, notamment sur les questions de critique de la race, d’identité de genre, d’orientation sexuelle… "Les trumpistes et les Républicains n’ont de cesse d’attaquer la cancel culture alors qu’eux-mêmes font la même chose", remarque le spécialiste.

La bataille de la Cour suprême

Une surenchère LGBTQphobe et réactionnaire notamment rendue possible par l'absence de protection contre les discriminations anti-LGBQI+ dans 29 des États du pays. Pour contrer l'offensive ultra-conservatrice, les Démocrates cherchent justement à étendre aux LGBTQI+ l'Equality Act, une loi fédérale qui protège des discriminations, afin que leur protection ne dépende plus de la législation de chaque État mais de celle du pays. Le texte est actuellement à l'étude au Sénat mais "il faudrait une majorité de 60 sénateurs pour son adoption et les Démocrates ne l’auront pas", analyse Anthony Castet.

Alors que la résistance s'organise notamment en Floride au travers de manifestations et d'appels au boycott des marques soutenant le Parti républicain, la bataille se jouera surtout sur le terrain juridique, rappelle Anthony Castet. "Les opposants vont mettre en place des stratégies juridiques et faire des recours, et la Cour suprême sera vraisemblablement sollicitée en cas de décision et de jugement contradictoire des cours fédérales". Pas de quoi être optimiste, Donald Trump s'étant assuré, quand il était président, que la Cour soit à majorité conservatrice. Ainsi, les militants se souviennent que la Cour suprême n'a pas bloqué la loi anti-avortement signée par Greg Abbott. Les reculs des libertés sont bel et bien réels et effectifs, aujourd'hui dans la démocratie américaine.

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Crédit Photo : Flickr / Gage Skidmore