À la suite d'une note de cadrage de l’Assurance maladie, l'obtention d'un statut ALD (affection longue durée) au titre de la transidentité n’est plus conditionnée à la production d’un certificat psychiatrique à la CPAM. De grands chantiers d’accès aux soins pour les personnes trans restent toutefois à mener.
Victoire symbolique pour les personnes trans en France : l’Assurance maladie a officiellement mis fin le mercredi 14 décembre à la demande toujours faite par de nombreuses Caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM) de produire un certificat psychiatrique dans le cadre des demandes de statut d'affection longue durée (ALD) au titre de la transidentité. L’association Trans Santé France, qui rappelle œuvrer “depuis plusieurs mois à obtenir enfin la 'dépsychiatrisation' de la prise en charge médicale”, a salué cette avancée importante.
Fini le certificat psychiatrique
Le dispositif de l'ALD permet aux personnes trans de bénéficier d’une prise en charge totale des frais de soins liés à leur transidentité, dans la limite du tarif de remboursement de la Sécurité sociale. Cette demande s’effectue via le médecin traitant du patient, qui remplit un formulaire de protocole de soins, par la suite examiné par le service médical de l'Assurance maladie. Mais jusqu’à présent, les demandeur·euses trans rencontraient de nombreux obstacles dans l’obtention de ce précieux sésame, indispensable pour accéder à des soins coûteux. De nombreuses CPAM déboutaient des requêtes au motif de la non-production d’un certificat de suivi psychiatrique attestant leur transidentité.
"Il ne s’agit pas d’une maladie psychiatrique, il n’y a donc pas de diagnostic à faire !”
Béatrice Deanes, présidente de Trans Santé France
Une demande, souligne Béatrice Deanes, présidente de Trans Santé France, qui n’avait “aucune base légale” : “Aucun texte de loi n’exige la production d’un certificat psychiatrique pour obtenir l’ALD au titre de la transidentité. La France a été l’un des premiers pays en 2010 à retirer la transidentité des troubles mentaux. Il ne s’agit pas d’une maladie psychiatrique, il n’y a donc pas de diagnostic à faire !” Autre problème de taille, l’autonomie de chaque CPAM qui produit des décisions aléatoires selon où l'on se trouve sur le territoire : “Il n’y a pas d’égalité dans la prise en charge au niveau national, chacune fait sa sauce comme elle l’entend, selon sa bonne volonté, développe Béatrice Denaes. Il y a donc des endroits où ce certificat était systématiquement demandé, et d’autres où il ne l'était pas.”
À la suite de plusieurs rencontres avec l’Assurance maladie, celle-ci a finalement adressé une note de cadrage à tous les médecins-conseils locaux des CPAM, qui précise qu’il “n’y a pas lieu de réclamer la production d’un certificat psychiatrique” et qu’il faut “veiller à ce que cette consigne soit strictement appliquée”. La présidente de Trans Santé France s’en réjouit : "C’est un symbole, et les symboles sont toujours importants. Quand on commence à débloquer une situation, on parvient à rogner progressivement toutes les contraintes injustifiées et à avancer.”
Garantir l’accès aux soins des personnes trans
Mais pour les personnes trans, le combat se poursuit, car une fois l’ALD obtenue, il reste à obtenir des CPAM un remboursement effectif des soins normalement couverts par le dispositif. Là encore, les réponses aléatoires sont légion : “Certaines CPAM refusent la prise en charge des séances d’orthophonie, des épilations laser, des traitements hormonaux…”, énumère Béatrice Denaes.
Des patient·es trans ont dû saisir la justice, ou menacer de le faire : “Je repense à cette personne qui a indiqué vouloir porter plainte si le refus de prise en charge de ses soins perdurait. Le médecin-conseil lui a rétorqué : 'Écoutez, on va s’arrêter là, car on sait que si on passe devant la justice, on va perdre.' C’est aberrant. Ils savent qu’ils sont dans l’illégalité, mais certains tirent un malin plaisir à mettre des bâtons dans les roues des personnes trans. Il y a là une grande injustice”, pointe la présidente de Trans Santé France.
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Le manque de clarté des procédures conduit également de nombreux chirurgiens à demander un certificat de suivi psychiatrique avant d’autoriser l’accès aux chirurgies de transition. Cette requête, là encore sans base légale, met à mal l’objectif d’autodétermination et de dépsychiatrisation des parcours réclamée par Trans Santé France. “Ce document est demandé car les médecins ont peur des procès ou des plaintes au Conseil de l’ordre. Il faut d'urgence résoudre ce problème”, reprend Béatrice Denaes.
La liste des verrous à faire sauter pour garantir l’accès aux soins des personnes trans est encore longue. Dépathologisation des parcours, autodétermination des patients et patientes, primo-prescription des traitements hormonaux par les médecins généralistes, formation des médecins aux transidentités pour permettre un accompagnement de qualité, légalisation de la conservation des gamètes [interdite en France pour les personnes trans ayant fait changer leur état civil], meilleur accès aux soins en santé sexuelle…
C’est avec ces grands thèmes en tête que la Haute Autorité de santé, en partenariat avec Trans Santé France et des associations communautaires, s’apprête à débuter des travaux. L’objectif, à l’horizon fin 2023, est de réaliser une mise à jour des bonnes pratiques pour la prise en charge médicale des personnes trans. Le dernier protocole de soins validé par les autorités sanitaires et le Conseil de l’ordre des médecins date en effet de… 1989.
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