Il n’y a pas que dans les téléfilms de Noël qu'il est possible de retrouver son âme d’enfant. Et si les fêtes de fin d'année restent pour beaucoup de personnes LGBTQI+ un moment délicat, certaines parviennent à leur redonner du sens.
"J’aimais bien Noël quand j’étais petit, mais à l’adolescence, et encore plus après mon coming out, j’ai rejeté en bloc cette fête que l’on est censé passer en famille. J’ai simplement arrêté de la célébrer, et me suis mis à appréhender le mois de décembre avec une certaine indifférence." Ces propos de Mikael, médecin de 38 ans, font écho chez nombre de personnes LGBTQI+, pour qui la période des fêtes de fin d'année est vécue parfois avec tristesse, tantôt dans un certain désintérêt, voire avec une haine viscérale pour les sapins, guirlandes, bûches et chants mielleux.
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En cause, bien souvent, une LGBTphobie rampante ou affichée qui pousse à prendre des distances avec la famille – quand celle-ci n'a pas pris les devants en excluant elle-même l'enfant queer. Or, passer les fêtes loin de son cercle familial peut être douloureux à vivre. Mais, comme dans les histoires contes de Noël, il arrive aussi que celles et ceux pour qui cette période est la plus compliquée parviennent finalement à lui donner du sens, et même à la rendre joyeuse.
Temps, nostalgie, et réconciliation
Parfois c’est simplement le temps, et avec lui la nostalgie, qui font leur travail. "Ma grand-mère était très à cheval sur Noël, elle mettait les petits plats dans les grands et faisait tout pour que le 24 décembre soit une vraie fête de famille. Quand elle est morte, tout s’est disloqué, les désaccords et les dysfonctionnements familiaux aidant, raconte Morgan, 38 ans, pan et polyamoureux. Alors, pendant plusieurs années, je n’ai rien fait à Noël. Puis mon frère et moi avons décidé de passer le réveillon ensemble, en ouvrant aussi la porte à des potes qui se retrouvent seuls ce soir-là. Pas de cadeaux mais une bonne bouffe et pas mal de chaleur humaine." Morgan et son frère ont également renoué avec certains petits rituels : "Nous avons repris l’habitude de nous offrir des calendriers de l’Avent et je ressors aussi la crèche de ma grand-mère, en attendant bien le 25 pour exposer le petit Jésus !"
Le temps peut aussi œuvrer en faveur de la compréhension et de la réconciliation. "Je me suis mis à détester Noël après mon coming out. Cette période était synonyme de confrontation avec ma famille et avec sa transphobie", témoigne Scotty, 28 ans. Mais aujourd'hui, le jeune homme dit aimer l'ambiance et les décorations, ainsi que les préparatifs des festivités : "Au fil des années, mes parents, puis le reste de ma famille, se sont mis à respecter davantage qui je suis, à m’appeler par mon prénom et à ne plus me mégenrer. Désormais, je suis impatient que Noël arrive. Pour moi, c’est un moment de convivialité durant lequel je peux passer du temps avec les personnes qui me sont chères, qu’il s’agisse de membres de ma famille ou d’amis."
Quand l’amour change la donne
Et puis, comme dans les téléfilms qui inondent les plateformes de streaming dès la mi-novembre, c’est aussi souvent l’amour qui vient bouleverser le rapport que les personnes entretiennent avec Noël. Flo, 39 ans et non-binaire, témoigne : "Je suis plutôt en bons termes avec mes parents, mais Noël avec eux deux était souvent triste et forcé. Et la semaine qui suivait était assez déprimante parce que les salles de concert et les bars étaient fermés, et que la plupart de mes amis étaient rentrés dans leur famille."
Aussi, la rencontre avec celui qui allait devenir son conjoint a tout changé : "Mon compagnon est un énorme fan de Noël. Il adore les chansons, la décoration, les goûters réconfortants avec du chocolat chaud… Lors de notre première année de relation, il m’a proposé de passer le réveillon ainsi que la semaine de vacances uniquement avec lui. Ça a été une des meilleures semaines de ma vie ! Depuis – ça fait sept ans –, je partage son émerveillement de gosse pour cette période et j'ai hâte de passer la soirée du 24 et les jours qui suivent dans notre cocon décoré pour l’occasion." Et Flo d'ajouter : "Noël, ça fait sens quand on se projette dans quelque chose qui ressemble à un foyer, à une famille."
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Lavande, 23 ans, a eu besoin d'une rencontre amoureuse, mais aussi de rompre avec sa famille, pour se réconcilier avec Noël : "En m’installant avec ma copine et en coupant complètement les ponts avec ma famille, j’ai retrouvé mon enfant intérieur. J’ai réalisé que j’avais le droit d’aimer des choses naïves et de m’entourer de douceur." La jeune femme témoigne désormais d’un vrai engouement pour les fêtes : "Dès le 1er décembre, notre appartement devient la maison des mères Noël ! Nous fabriquons des guirlandes et des décorations, nous illuminons l’appartement, nous nous régalons de chocolats chauds et de pain d'épices, et nous regardons au moins un film de Noël par jour !"
Famille de cœur et amis
Qui dit couple dit également belle-famille. Laquelle peut jouer un grand rôle dans le réenchantement de Noël, comme cela a été le cas pour Bérangère, 28 ans : "J’ai arrêté de fêter Noël avec mes parents, mes oncles, tantes et cousins il y a deux ans. J’en avais assez de rester dans mon placard à taire des pans entier de ma vie. Assez, aussi, de ne pas pouvoir venir avec mon amoureuse. Nous passons désormais le réveillon chez ses parents à elle. Ils sont autrement plus acceptants et bienveillants, et je me réjouis de ce moment chaleureux passé ensemble sans avoir à mentir ou à se cacher."
Enfin, si l’amour n’est pas au rendez-vous, les amis permettent aussi de voir Noël sous un autre jour. "J’ai changé d’opinion sur Noël le jour où j’ai décidé d’inviter mes amis qui se retrouvaient seuls, comme moi, le 24", raconte Alex, 38 ans. Dès la première année, tout le monde a adoré venir partager une raclette et des cadeaux tirés au sort. Alors je me suis vraiment pris au jeu : je fais des cartons d’invitation stylés, je prépare une playlist, je décore l’appart… Je suis à fond dès la mi-novembre, et c’est devenu une période de fêtes et de partage avec des gens que j’aime et qui comptent vraiment pour moi."
Ce que ces témoignages nous racontent, c’est que Noël devient autrement plus doux dès lors que l’on fait la paix avec son passé, que l’on accepte de rompre les liens qui blessent, ou encore que l’on s’affranchit des conventions. Autant de choses, ça tombe bien, que les personnes queers ont appris à faire depuis longtemps. Joyeux Noël à toustes !
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