Le jury de l'édition 2023 du festival international du film fantastique de Gérardmer a décerné son grand prix au film La Pietà de l’Espagnol Eduardo Casanova. Une œuvre résolument queer qui a fait sensation auprès du public, au milieu d’autres histoires LGBTQI+ de plus en plus visibles.
Tous les ans, la dernière semaine de janvier, les amateurs de frissons se retrouvent dans les Vosges, au bord du lac de Gérardmer, pour cinq jours d'un festival proposant une sélection variée et pointue de ce qui se fait de mieux dans le monde en matière de film fantastique. Cette année, on fêtait le 30e anniversaire de ce rendez-vous devenu incontournable et qui a sacré des films devenus des classiques du genre : Scream en 1997, Dark Water en 2003 ou encore It Follows en 2015 et Grave, le premier long-métrage de Julia Ducournau, deux ans plus tard.
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Cette année, le jury présidé par Bérénice Bejo et Michel Hazanavicius a choisi de distinguer une œuvre singulière et très queer. La Pietà, de l’Espagnol Eduardo Casanova, a divisé les spectateurs mais conquis les jurés parmi lesquels la toujours très punk Catherine Ringer, le rappeur/acteur Gringe et les comédiens Pierre Deladonchamps, Alex Lutz et Finnegan Oldfield. Il a reçu le Grand Prix mais aussi le Prix du jury jeunes et le Prix du public. Un plébiscite, donc.
La Pietà, pépite pop et queer
Dans une esthétique pop très réussie et singulière, cette odyssée surréaliste sur la relation fusionnelle et toxique entre une mère (Angela Molina, impériale) et son fils (le très séduisant Manuel Llunel) secoue les sens et malmène les rétines avec quelques scènes particulièrement graphiques. On a l’impression de voir un jeune Almodovar sous acide et une oeuvre d’une créativité folle qui mélange chanson japonaise, dictature nord-coréenne, chimiothérapie et relation mère-fils plus que complexe. Un peu difficile d’accès pour un public non averti, mais à coup sûr la révélation d’un grand talent à suivre de près.
Son auteur, lui-même ouvertement gay, a commencé sa carrière comme acteur dans la sitcom espagnole Aida, diffusée entre 2005 et 2014. Il y interprétait le rôle de Fidel, un ado out, faisant de lui le premier personnage télévisuel ouvertement gay dans le pays. Il a sorti son premier long métrage Skins en 2017 et est apparu comme juré invité dans la deuxième saison de Drag Race Espana. Pas sûr que son nouvel ovni séduise un large public, mais son sacre à Gérardmer devrait au moins lui assurer, on l’espère, une sortie en salles.
Les vécus queers dans le cinéma fantastique
Si la sélection 2023 du festival manquait un peu de panache et de grands films, elle a offert aux spectateurs quelques beaux moments d’angoisse consentie, et donné à voir des histoires queers comme le cinéma de genre en montre de plus en plus. La Tour, imparfait nouveau long-métrage de Guillaume Nicloux, présenté en compétition officielle, voit les habitants d’une barre HLM de banlieue soudain prisonniers d’un épais brouillard noir qui réduit instantanément en cendres ceux qui se risquent à le traverser. Parmi les victimes de ce confinement forcé, deux femmes dont la liaison fugace se transforme malgré elles en cohabitation forcée qui dure… De quoi faire frémir les plus allergiques à l’engagement !
Hors compétition, c’est dans le plutôt bon Huesera, de la réalisatrice et scénariste mexicaine Michelle Garza Cervera, que l’on suit une romance lesbienne contrariée. Valéria, jeune ébéniste mariée à Raùl, tombe enfin enceinte à la plus grande joie de sa famille. Mais sa grossesse va se révéler bien plus compliquée que prévu lorsqu’elle commence à sentir d’étranges présences autour d’elle. Perdue et effrayée, elle retombe dans les bras de son amour de jeunesse, la rebelle Octavia. Sur la thématique rebattue de la maternité compliquée par des forces obscures, le film réserve de beaux moments d’horreur et apporte une lumière bienvenue sur la communauté lesbienne mexicaine, incarnée par des femmes de tous âges qui s’entraident dans une société qui les marginalise.
Les couples gays ne sont pas en reste, puisqu’en clôture, le festival a proposé le dernier long-métrage d’un maître du fantastique : M. Night Shyamalan. Dans Knock At The Cabin, la famille formée par Jonathan Groff et Ben Aldridge est en proie à de mystérieux agresseurs qui exigent d’eux un choix quasi-impossible pour sauver le monde de l’apocalypse. Un film à découvrir en salles ce mercredi 1er février. Les vies queers, Gérardmer le confirme, ont décidément toute leur place dans le cinéma fantastique.
>> Si vous souhaitez voir les films de la sélection, c’est possible du 1er au 5 février à la Cinémathèque aux Halles à Paris. Une bonne occasion de découvrir La Pietà !
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Crédit photo : La Piedad