Un projet de loi permettant de changer librement de genre a été définitivement voté par le Parlement espagnol.
"Cette loi répare une dette historique de l'État à l'égard des personnes transgenres (et) dépathologise (leurs) vies." C'est en ces termes que la ministre de l'Égalité espagnole, Irene Montero (en illustration de l'article), avait défendu en première lecture un projet de loi permettant de changer librement de genre dès l'âge de 16 ans. Ce dernier a définitivement été voté ce jeudi 16 février. Il fait de l'Espagne l'un des rares pays à accorder ce droit en Europe, après le Danemark en 2014.
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Porté par le parti de la gauche radicale Podemos (celui d'Irene Montero), allié des socialistes au sein du gouvernement de Pedro Sanchez, ce texte baptisé "loi transgenre" doit permettre à une personne trans de faire changer son nom et son genre sur ses papiers d'identité lors d'un simple rendez-vous auprès de l'administration. Et ce, sans fournir de rapports médicaux ou de preuve d'un traitement hormonal suivi durant deux ans, comme c'est le cas aujourd'hui pour les personnes majeures dans le pays.
La réforme doit aussi permettre aux 14-16 ans de changer librement de genre à l'état civil, à condition qu'ils soient accompagnés dans la procédure par leurs tuteurs légaux. Les 12-14 ans devront quant à eux obtenir le feu vert de la justice – actuellement, tous les mineurs doivent obtenir cette autorisation judiciaire. Dans tous les cas, un délai de trois mois est prévu entre le dépôt de la demande et sa validation par la personne requérant le changement, afin que celle-ci puisse confirmer sa décision.
"Les femmes trans sont des femmes"
Adopté en Conseil des ministres il y a plus d'un an, ce projet de loi a provoqué une fracture entre Podemos, qui en a fait un pilier de son action gouvernementale et réclamait une adoption express, et les socialistes, qui ont tenté de modifier le texte en vain. La formation de Pedro Sanchez a finalement accepté sa défaite. Le projet de loi a aussi divisé le mouvement féministe, avec d'un côté les partisans d'Irene Montero et de l'autre des militantes historiques en guerre ouverte contre ce texte. "Revendiquer le genre comme étant au-dessus du sexe biologique (...) me semble être un recul" pour les femmes, a ainsi dénoncé l'ancienne numéro deux du gouvernement Sanchez, Carmen Calvo, dans un entretien publié par le quotidien El Mundo en septembre. "Les femmes trans sont des femmes", a rétorqué la ministre de l'Égalité en dénonçant la transphobie.
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"Nous avons vu une partie du Parti socialiste et du mouvement féministe passer de la défense des droits de la minorité trans au boycott acharné de notre existence", a accusé, dans une tribune publiée par El Pais, Carla Antonelli, première femme transgenre à être élue dans un parlement régional en Espagne, et qui a claqué en octobre la porte du Parti socialiste pour protester contre la volonté de sa formation de modifier le projet de loi.
En votant ce texte, l'Espagne rejoint les quelques pays au monde autorisant l'autodétermination du genre via une simple déclaration administrative. En Europe, le Danemark a été le premier pays à accorder ce droit aux personnes transgenres, en 2014.
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Crédit photo : Juan Carlos Lucas/NurPhoto/AFP