Porté par un duo Fabrice Luchini-Catherine Frot en grande forme, le dernier film de Tristan Séguéla, Un homme heureux, se révèle une comédie drôle, dont le sujet n'est pas tant la transidentité, traitée d'ailleurs avec respect, que la réaction d'un boomer chamboulé par une époque qui remet en cause toutes les binarités de sa vie.
Au rayon des sorties cinéma qu'on craignait, Un homme heureux se posait là… Dès l'annonce de son tournage, au printemps 2021, le projet de Tristan Séguéla avait provoqué des discussions houleuses sur les réseaux sociaux, nombre de personnes trans se plaignant du choix de Catherine Frot, une actrice cisgenre, pour interpréter le rôle d'un homme trans. Car tel est le pitch du film : un maire conservateur d'une ville du Nord (Fabrice Luchini) voit son quotidien chamboulé quand son épouse (Catherine Frot) annonce vouloir entamer une transition de genre et que donc, ciel, c'est son mari…
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Vu samedi à l'UGC des Halles à Paris, Un homme heureux se révèle d'abord une comédie efficace. Malgré quelques moments lourdingues auxquels échappent peu de comédies françaises du même acabit, le film fonctionne grâce au tandem formé par Luchini et Frot, brillants de contraste, l'excentricité de l'un face à la sensibilité de l'autre. Les amateurs d'humour vaudevillesque et de comique de situation devraient passer un bon moment.
Plus important, Un homme heureux réussit à éviter les écueils qui l'auraient mené au crash problématique annoncé. Alors oui, Jean, le personnage interprété par Luchini, est un vieux de la vieille, l'incarnation du patriarcat vieillissant, évidemment réfractaire aux avancées LGBTQI+, bref un bonhomme qui a peur. Après l'annonce surprise de la personne qui partage sa vie depuis des décennies, il renâcle, refuse de l'appeler Eddy, mais c'est bien lui qui est tourné en ridicule par l'écriture du scénario.
Un homme trans heureux
Et si les frasques de Jean contribuent largement au comique du film, la dimension intime de la transition d'Eddy ne passe pas à l'as. Ses doutes sont abordés, notamment lors de scènes dans un groupe de parole où tous les personnages présents sont interprétés par des acteurs trans. Le scénario accorde également une jolie place à Camille Le Gall, une comédienne trans qui joue la nouvelle amie et confidente d'Eddy, son guide et son soutien dans son parcours.
Ce qu'on retient d'Un homme heureux, c'est donc avant tout la bienveillance de son propos. Au-delà des embûches semées sur son chemin par son mari coincé dans la binarité des genres et des vies, la transition d'Eddy n'est jamais ternie, moquée ni ridiculisée. "Il donne à voir qu'une transition peut aussi être positive et joyeuse, explique dans une série de tweets Gab Harivelle, consultant en représentation trans, qui a travaillé sur le projet. Il donne à voir une pluralité de transidentités, une entraide, du soutien." Et d'ajouter : "J'ai pu échanger avec des personnes trans de tous âges et de parcours différents, issues du milieu audiovisuel ou non. Leurs retours ont été positifs et j'ai échangé avec des personnes qui ont été touchées et n'ont plus peur que leur famille voie ce film." Des applaudissements ont d'ailleurs ponctué la séance aux Halles, montrant que le message généreux était passé !
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Crédit photo : Gaumont Distribution