Décrié pour avoir choisi une actrice cis (Noémie Merlant) dans le rôle d'un homme trans, A Good Man de Marie-Castille Mention-Schaar n'en aborde pas moins un sujet inédit au cinéma.
Maintes fois décalé à cause de la crise sanitaire et d'un planning ciné chamboulé, A Good Man se fraye enfin un chemin jusqu'au grand écran. Disponible en salles dès ce mercredi 10 novembre, le sixième film de Marie-Castille Mention-Schaar (Les Héritiers) s'empare d'un sujet fort, inédit dans le cinéma français : la transparentalité. À travers l'histoire de Benjamin, un homme trans qui décide en apprenant la stérilité de sa compagne de porter leur futur bébé.
Noémie Merlant en Benjamin
Bien connue du public LGBTQI+ depuis son rôle dans le sublime Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma avec Adèle Haenel, l'actrice cis Noémie Merlant campe ici le rôle principal de Benjamin. Un choix de casting qui a suscité des critiques au sein de la communauté trans au nom de la représentation, dont l'importance est impeccablement expliquée dans le documentaire Disclosure de Sam Feder, disponible à la demande sur Netflix. "C'est un problème lié à l'industrie audiovisuelle, pas seulement à ce film", tient à souligner Gabriel Harrivelle, co-fondateur de Représentrans et à l'initiative d'un annuaire répertoriant des artistes trans et non-binaires francophones. La réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar a plusieurs fois justifié sa décision, estimant que pour ce rôle, l'expérience du métier primait sur celle du vécu relaté par le film. L'acteur trans Jonas Ben Ahmed est tout de même présent au casting, dans un rôle secondaire.
Afin de rendre plus crédible la performance de Noémie Merlant, certains changements ont été apportés en post-production, comme des effets spéciaux pour masculiniser son torse ou rendre sa voix plus grave. Des techniques pas toujours fines qui sont presque gommées par le propos général, louable, du film. "Dans un objectif de sensibilisation à la parentalité trans en France et de donner de la visibilité à ce sujet-là même de façon bancale, le film fait le travail, soutient Elliot Voilmy, administrateur de l'annuaire Représentrans. Je reste persuadé qu'il permet d'aller au-delà de la fiction et de parler des réalités de nos parentalités trans et c'est déjà une première victoire."
A Good Man aborde son sujet central avec une bienveillance évidente, perceptible aussi bien dans la réalisation que dans le scénario. Et pour cause, Marie-Castille Mention-Schaar n'est pas partie de rien. La cinéaste s'est inspirée d'histoires bien réelles – celles de Thomas Beatie, le "premier homme enceint" aux yeux des médias, et de Jacob Hunt – et a également pris contact avec des hommes trans devenus pères en France. De fait, les répliques de Benjamin, ses ressentis et les scènes qu'il partage avec sa petite amie Aude (jouée par Soko, toujours convaincante) exsudent une sincérité qui vient alimenter et humaniser le récit.
"On n'avait jamais vu ça et on ne sait pas quand on le reverra."
"C'est un film de sensibilisation à un sujet méconnu et les sentiments des proches cis de Benjamin se retrouvent souvent au centre de l'intrigue pour que le public s'identifie plus facilement à l'histoire, appuie Charlie Fabre, co-fondateur de Représentrans. Cependant, je le recommanderais aux personnes cis comme aux personnes trans et notamment aux personnes trans masculines en manque de représentations. Voir un homme trans porter son enfant dans une fiction grand public au cinéma, on n'avait jamais vu ça et on ne sait pas quand on le reverra."
Le film aurait pu faire abstraction de ses flash-back pré-transition, la narration ancrée dans le présent suffisant amplement à soutenir son propos. Mais, malgré ses imperfections, A Good Man évite les écueils que bon nombre d'œuvres avant lui ont perpétués : nous ne sommes pas face à une histoire de coming out qui tourne mal ou à une transition sur-dramatisée. La transidentité de Benjamin n'est ici ni anodine, ni spectaculaire. Elle est surtout traitée avec du cœur et de la justesse, faisant de ce récit fictif une jolie leçon de pédagogie. On attend simplement le jour où un·e interprète trans campera un rôle aussi majeur que celui de Noémie Merlant ici.
À lire aussi : Transidentité : des droits, maintenant !
Crédit photo : Pyramide Distribution