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film"À mon seul désir" au cinéma, l'éveil lesbien d'une strip-teaseuse en herbe

Par Florian Ques le 05/04/2023
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Avec un regard affranchi de toute idée reçue, À mon seul désir, film de Lucie Borleteau, réussit sa mission de déconstruire la vision socialement biaisée du monde du strip-tease et offre, en prime, une belle idylle lesbienne toute en fluidité. En salles ce mercredi 5 avril.

Pour beaucoup, les clubs de strip-tease s'apparentent à des lieux de débauche sordides où des hommes se rincent l'œil devant des femmes-objets au comble de leur sensualité. Avec son nouveau long-métrage, À mon seul désir, en salles ce mercredi 5 avril, Lucie Borleteau (Chanson Douce) a bon espoir de briser les idées reçues accolées à ces endroits, et à l'art qu'ils abritent. Un challenge pas évident qu'elle accomplit avec ce qu'il faut de féminisme et de queerness.

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"À mon seul désir" : une affaire de regard(s)

"Ce sont des lieux qui me fascinent depuis longtemps de façon inavouée, avance la réalisatrice, presque comme une confession. Une de mes vieilles amies a commencé à bosser dans un club, qui nous a ensuite servi de modèle. Je suis allée boire des coups avec les filles qui travaillent là-bas. Puis, pendant des années, j'ai écrit autour de ça. La fiction a ensuite pris le pas."

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Crédit photo : Pyramide Distribution

Ainsi est née Manon – l'héroïne pétillante d'À mon seul désir campée par Louise Chevillotte –, une étudiante qui va grimper par curiosité sur la scène d'un club de strip-tease pour ne plus en redescendre. Lors des performances érotiques auxquelles elle s'adonne devant un public masculin comblé et demandeur, la jeune femme devient Aurore. Boostée par un élan créatif, elle trouve ses marques dans ce métier stigmatisé, en dépit du jugement de son entourage. Qu'importe, puisqu'elle se crée également dans son nouveau milieu d'autres attaches, parmi ces femmes libres bien dans leurs baskets comme dans leur string.

"Les clubs de strip-tease font partie de ces zones marginalisées, comme les milieux queers, où il y a une vraie résilience."

Louise Chevillotte, interprète de Manon.

"J'avais beaucoup de préjugés, admet Zita Hanrot, qui prête ses traits à Mia, la confidente et mentor d'Aurore. Ce film, en tant qu'actrice, m'a poussée à sortir de cette vision presque bourgeoise des choses et à les regarder autrement." Idem pour Louise Chevillotte, qui s'est immergée dans le milieu du strip-tease bien avant le tournage : "On est allés dans un club de strip, et il m'est arrivé des choses émotionnellement très puissantes. Quand on y est, on ressent de la sécurité et de la solidarité... Ça fait partie de ces zones marginalisées, comme les milieux queers, où il y a une vraie résilience."

Mais Lucie Borleteau a également veillé à façonner un climat d'écoute et de bienveillance dans les coulisses. "Il y avait beaucoup de femmes dans l'équipe et une sorte de consentement partout, à tous les niveaux, développe la cinéaste. J'écoutais et je respectais les limites de chacune. Le fait que rien ne puisse être fait contre leur volonté aide forcément à ne pas les objectiver." Une démarche saluée par son actrice principale : "On est trop souvent livrées à nous-mêmes, notamment pour fixer nos limites, quand on a la chance de les connaître. ici, la grande réussite de ce processus collaboratif, c'est que les limites sont fixées ensemble, au profit d'une équipe concernée à 100%."

Éveil lesbien et visibilité queer

Alors que le film se concentre tout d'abord à dépeindre l'émancipation et la mue de Manon, l'amitié qui la lie à Mia lui fait prendre un virage plus romantique, mais aussi plus torturé. "Je trouve ça assez beau que ça tombe sur le public comme ça, sans qu'on le voie venir, défend Lucie Borleteau. Parce que l'amour, ça débarque souvent comme ça, sans prévenir."

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Crédit photo : Pyramide Distribution

"Je pense que tout est politique, et ne pas représenter d'histoires queers l'est aussi.

Lucie Borleteau, réalisatrice d'"À mon seul désir"

Si les deux femmes sont bouleversées par cette idylle naissante, aucune ne questionne son identité sexuelle. Ici, les émotions priment. Pour la réalisatrice, il était important de mettre en scène cette fluidité, comme il était primordial que cet amour queer existe, tout simplement : "J'ai fait un film qui n'est pas du tout militant, notamment parce que j'ai envie que les gens s'évadent et soient pris dans le romanesque. Mais en filigrane, je fais toujours attention à la diversité à l'écran. Je pense que tout est politique, et pas représenter ce genre d'histoire le serait aussi. L'absence d'histoires et de personnages LGBTQI+ est un choix. Moi, j'ai opté pour l'inclusion."

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Crédit photo : Pyramide Distribution