Le concept ultra-gênant de l’émission de téléréalité Ultimatum a été adapté pour une version queer exclusivement composée de lesbiennes et de personnes non-binaires. Le drama est-il au rendez-vous ? On a vu les premiers épisodes disponibles sur Netflix.
Est-ce le signe que nous roulons à tombeau ouvert sur l’autoroute de la normalisation de nos identités queers dans une ère post-mariage pour tous ? Avec Ultimatum : Queer Love, Netflix plaque son concept le plus tradi et hétéronormatif sur des couples queers, alors forcément, cela a piqué notre curiosité. Rappelons déjà le principe du show, aussi simple qu’il est tordu. Les couples participants sont tous engagés dans un ultimatum : je veux me marier, donc soit tu t’engages et on se fiance, soit… c’est la fin de notre histoire. La bague ou bye bye, en somme, alors même parfois que la relation était au beau fixe.
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Pour résoudre le dilemme, chaque couple va d'abord rompre. Les nouvelles célibataires vont ensuite enchaîner les dates express pour tenter de trouver, parmi les autres participant·es du programme, quelqu'un qui pourrait leur convenir. De nouveaux couples vont alors se former et surtout, cohabiter pendant trois semaines. Un "mariage d’essai" avec une personne apparemment compatible. À l’issue de l’émission, le but est de savoir si la volonté de se marier du couple initial est toujours là, ou si se dessinent à l’horizon d’autres désirs, notamment celui d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs…
Face à des règles aussi retorses, l’humoriste Tahnee a bien résumé la situation sur Instagram : "On est d’accord, c’est tout sauf queer !" Certes… mais qui d’autres que des lesbiennes pouvaient accepter de s’engager et d’emménager avec quelqu’un après un seul rencard ?
Couple = mariage…
Avec Ultimatum, dans sa nouvelle version lesbienne comme dans l’originale, s’engager avec quelqu’un représente un investissement. C'est-à-dire que la partenaire choisie (voire presque recrutée) doit répondre à des critères de compatibilité bien définis, du salaire au nombre d’enfants désirés. Quid de l’amour et des sentiments ? On vous répétera à l’envi qu’ils ne sont pas oubliés, qu’on croit encore très fort à la possibilité de l'amour mais qu'un certain pragmatisme l’emporte. Même quand on s’aime, l’envie de se passer la bague au doigt, d'un emprunt sur trente ans et de marmaille seraient des signes indéniables de maturité et des objectifs de vie incompressibles.
Certes, on a donc un peu grincé des dents devant Ultimatum : Queer Love mais, avouons-le, les premiers épisodes qui plantent le décor, et amorcent les premiers crushs et embrouilles, accrochent vite. Si vous aimez le drama, les cris, les pleurs, vous êtes au bon endroit. Mais au fil des épisodes sont aussi abordés des questionnements propres aux identités queers et lesbiennes, sur les désirs et la non-exclusivité, sur la confiance en l’autre, sur l’envie d’enfant… On voit aussi des couples conscients de leurs propres failles et qui, malgré tout, font des efforts pour s’améliorer et tenter de mieux communiquer. Sans oublier des punchlines bien senties – "Je vous aime toustes, mais hors de question de tomber dans vos vagins" – et des altercations on ne peut plus lesbiennes, comme lorsque Tiff, butch gouine à chiens, tente de faire comprendre à sa partenaire à l'essai que tant qu’elle n’accordera pas d’attention à sa chienne adorée, elle passera toujours en second.
Drama lesbien
"Ce serait mieux si tout ça devenait une orgie polyamoureuse", s’exclame Vanessa au premier épisode, provoquant l’agacement manifeste de Yoly. Chacun de ses soupirs et regards exaspérés, dès que la volubile pansexuelle ouvre la bouche, deviendra d'ailleurs un des meilleurs running gags de la série. Cela dit, une fois n'est pas coutume, on n’est pas loin de penser la même chose que Vanessa : plutôt que de renverser les normes du couple, de repenser les notions d’engagement et de fidélité, de connexion à l’autre, Ultimatum : Queer Love s'en tient à une validation du mariage comme l'aboutissement de toute relation.
Pouvait-il en être autrement ? On n’est pas si naïves, et on appréciera le show non pas pour ce qu’on aimerait qu’il soit mais pour ce qu’il est vraiment : une télé-réalité somme tout assez réjouissante et un succulent drama lesbien qui ferait pâlir d’envie les scénaristes des dernières saisons de The L Word Generation Q (saisons devant lesquelles, il faut bien l’avouer, nous rompichâmes). Ultimatum reste un show qui érige le mariage en but ultime, mais en le lesbianisant, et en le vidant des dynamiques genrées et sexistes propres aux couples hétérosexuels. C'est toujours ça de pris !
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Crédit : Netflix