Diffusé sur France 2 ce mercredi 14 juin, le téléfilm La vie devant toi a pour ambition d'émouvoir le grand public devant les premiers émois de deux lycéennes confrontées à l'intolérance. Rencontre avec la réalisatrice du film, Sandrine Veysset, et l'actrice Zoé Héran.
Vers l'âge de 12 ans, en zappant sur la télé du salon familial en plein après-midi, j’étais tombée sur un film narrant l'histoire d'un garçon mal dans sa peau, rejeté par ses proches parce qu’il ne pouvait pas s’empêcher de mentir. Sauf qu’il n’était pas le seul à vivre dans le mensonge puisque sa cousine profitait de ses entraînements de piscine pour rouler des pelles à sa "meilleure amie". C’était la première fois que je voyais deux filles s’embrasser à la télé, et je m’en souviens toujours. La vie devant toi, réalisé par Sandrine Veysset, programme ce mercredi 14 juin sur France 2 (et en replay sur france.tv), pourrait bien provoquer la même étincelle chez de jeunes queers qui s’ignorent. Ils y découvriront Violette et Lisa, deux lycéennes follement amoureuses. Malgré l'intolérance qu'elles rencontrent chacune de leur côté, le couple se soutient et s'épanouit. Jusqu'au jour où Violette se fait agresser, en plein milieu d’un baiser passionné avec sa chère et tendre, par un inconnu sorti de nulle part. Après cet événement, tout porte à croire que Lisa – qui ne donne plus de nouvelles – pourrait être impliquée dans l’agression…
Malgré le mystère qui entoure la scène d’agression, il ne s’agit pas d’un film policier, n’en déplaise aux fans de Tandem ou Mongeville. La vie devant toi est une histoire d’amour. "Violette et Lisa, c’est le cliché des amours de lycée, s’amuse l’interprète de Violette, Zoé Héran. À cet âge-là, quand tu aimes, tu donnes tout parce que l’autre est tout pour toi. C’est un amour insouciant, enfantin avec la fougue du lycée. On grandit, alors on s’imagine que ça pourrait durer toute la vie." Violette est une athlète promise à une belle carrière de nageuse, bien dans sa peau. "Elle s’assume totalement, a conscience de sa sexualité et n’en a pas honte, souligne l'actrice qui s'est fait connaître pour son rôle dans Tomboy, de Céline Sciamma. Elle ne se laisse pas marcher dessus. Si elle a un problème, elle ne passe pas par quatre chemins." Lisa, jouée par Maïra Schmitt, ne dispose pas de la même liberté d’être elle-même. Impossible de sortir du placard dans sa famille bourgeoise pour qui tradition, conformisme et apparences sont les maîtres mots. "Le personnage de Lisa est englué dans un carcan bourgeois", confirme Sandrine Veysset, la réalisatrice.
Décrire l'homophobie sans clichés
Le scénario met en lumière deux modèles familiaux drastiquement opposés. "Les parents de Violette la soutiennent, font office de cocon. Quand elle rentre chez elle, ses problèmes disparaissent", explique Zoé. Même lorsque Violette est victime de harcèlement de la part de camarades qui prennent un malin plaisir à tyranniser leurs paires, son environnement lui permet de tenir le choc. Le moteur qui pousse Violette à avancer en toute confiance fait cruellement défaut à Lisa. Pour autant, la réalisatrice tenait à ne pas tomber dans la caricature, même pour dépeindre la famille traditionnelle par excellence. Ce n'est pas la méchanceté ou la violence qui caractérise celle de Lisa. "On est plutôt sur de l’incompréhension, analyse la cinéaste. Je pense que ça pourrait être un électrochoc pour certains parents."
"Souvent, les gens sont rebutés quand on essaye de forcer le trait."
La scénariste, Françoise Charpiat, et Zoé Héran ont veillé au grain afin d’éviter les clichés au maximum et de proposer une représentation juste. Toutes deux sont ouvertement lesbiennes mais issues de deux générations différentes. "Le texte initial s’ancrait davantage dans la génération de Françoise, inspiré par son vécu, influencé par son expérience. Les lignes ont bougé entretemps, et c’est là que le regard de Zoé était éclairant", détaille Sandrine Veysset. Si les dialogues ont été remaniés, le fond reste le même : une idylle adolescente contrariée par la violence et l’intolérance. L’intrigue repose certes sur une agression homophobe, une attaque physique, mais met surtout en lumière une homophobie plus ordinaire et insidieuse, "tout aussi dévastatrice", rappelle l'actrice.
En faisant du harcèlement homophobe une expérience à laquelle n’importe qui pourrait s’identifier, la réalisatrice espère toucher un public réfractaire aux films frontalement engagés. "Souvent les gens sont rebutés quand on essaye de forcer le trait, développe-t-elle. Le film n’est pas didactique, il emmène les choses doucement sans être moralisateur." L’avantage du téléfilm, c’est qu’il est destiné à entre dans les foyers, et à être vu par un public qui n’aurait pas choisi de regarder un film queer. De la génération streaming, Zoé Héran sait aussi le pouvoir de la télévision : "Je voudrais que ça permette aux gens qui pensent qu’à notre époque, il n’y a plus d’homophobie, de voir que c’est toujours là. On se fait encore agresser, tuer parce qu’on est gay."
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