"San Francisco : la parenthèse enchantée (1975-1981)", émission conçue pour France Culture par Nicolas Mathias et Vincent Puren, revient sur les heures joyeuses de l’émancipation sexuelle des homos dans cette ville en pleine mutation après les premières luttes communautaires et avant l’arrivée du sida. Un documentaire radio, à retrouver en podcast, en forme d’immersion dans cet éden gay et qui doit beaucoup aux témoignages intimes de ceux qui ont vécu pleinement ces années uniques.
C’est en découvrant dans une librairie de San Francisco (Californie) le journal intime publié par Kevin Bentley, Wild animals I have known (disponible en France sous le titre Mes animaux sauvages chez l’éditeur Philippe Rey) que Nicolas Mathias, ingénieur du son, et son mari Vincent Puren, artiste plasticien et peintre, ont replongé il y a quelques années dans cette période révolue d'avant l'arrivée du sida. Comme le précise Vincent Puren en ouverture du documentaire : "Nicolas et moi, on fait partie d’une génération qui n’a pas connu sa sexualité sans la menace du virus du sida, et on s’est un peu posé la question sur ce qu’était de vivre une sexualité sans le virus, librement, et à fond je dirais". Pour têtu·, il précise : "Nicolas a interviewé Kevin Bentley et cela a réveillé quelque chose chez lui, on en a parlé et on a eu envie de partir de ses textes mais sans raconter, une fois de plus, les drames du sida. On a donc choisi de parler de l’avant, de cette période un peu magique. On entend dans le doc des sirènes possiblement annonciatrices de drames à venir mais c’est tout !".
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La parole de l’écrivain Kevin Bentley, arrivé à San Francisco en 1977 à l'âge de 21 ans, guide ce récit, évoquant son parcours, ses amants, ses pratiques sexuelles et festives et cette liberté incroyable que tous les témoins, comme Bob Mainardi, patron d’une librairie, ou David Weissman, réalisateur (We were there, 2011), savent être chanceux d’avoir vécue. "Ils venaient avec plein d’espoir, raconte Vincent, mais ils n’avaient pas l’impression d’être dans une ville gay même si on peut avoir tendance à idéaliser cela aujourd’hui. Il y avait la facilité des rencontres, le sexe, la drogue mais aussi les prémices de relations comme le trouple. Tout était plus simple et plus léger."
Vivre gay
Comme eux, dans le sillage des luttes émancipatrices nées à la fin des années 60, de nombreux "small town boys" rejetés par leur famille ou aspirant à vivre leur homosexualité au grand jour débarquent dans la ville de San Francisco, un endroit où "l’on vient pour être gay", comme le résume l’un d’entre eux. Entre quête débridée de sexe, découvertes stupéfiantes et volonté de s’affirmer, cette communauté, pas encore implantée dans le quartier du Castro mais autour de Polk street, connaîtra une croissance incomparable dans les années 70. On estime alors que la ville aux 700.000 habitants compte alors en son sein plus de 200.000 homosexuels ! Et tout cela en pleine émergence du disco.
"On a tourné beaucoup de sons d’ambiance, se souvient Vincent, mais on a conçu cela comme une œuvre plastique, une composition. On a fait des choix très précis sur les musiques mais on ne voulait pas faire une playlist. On entend la basse de Relax mais pas grand-chose d’autre de vraiment reconnaissable si ce n’est la chanson de fin ["Can’t take my eyes off you", ndlr], qu’on voulait entendre distinctement car elle évoque un peu les fins de soirée qui se prolongent sans penser à la gueule de bois du lendemain."
La création de ce documentaire, diffusé une première fois très discrètement en 2019, a aussi été un terrain de jeu idéal pour les activités artistiques de Vincent Puren : "J’ai fait des aquarelles à partir des Polaroïd de Kevin Bentley pour accompagner le documentaire, peut-être que cela deviendra un livre ou une expo. Nous avons de la matière donc tout est envisageable !" Pour prolonger le mois des Fiertés, rien de mieux que de se replonger dans l’ambiance moite et insouciante de cet âge d’or des nuits gays californiennes. L'émission, réalisée par Angélique Tibau, est disponible en podcast sur le site de Radio France.
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Illustration : Vincent Puren