À lui seul, Jacques Nolot, réalisateur du cultisme La Chatte à deux têtes, est un pan de nos histoires, de celle du cinéma et du vécu homosexuel, insolent et libérateur. On l'a rencontré chez lui, à Paris, dans l'appartement qu'il occupe depuis cinquante ans.
Photographie Audoin Desforges
Avenant et courtois, c’est chez lui que le réalisateur Jacques Nolot nous reçoit, à une centaine de mètres de la place d’Alesia, dans le 14e, à Paris – “un arrondissement de vieux”. Et ce non sans appréhension. “Je n’aime pas donner d’entretiens ici, je crains toujours de me laisser aller à une certaine forme de sentimentalisme”, nous dit celui dont la carrière a débuté au début des années 1970. Comédien pour Téchiné et Vecchiali, pour qui il a écrit respectivement les scénarios de J’embrasse pas et du Café des Jules, il a aussi tourné pour François Ozon, Yann Gonzalez ou encore Rabah Ameur-Zaimèche. Surtout, Jacques Nolot a réalisé trois films autobiographiques, L’Arrière-pays (1997), La Chatte à deux têtes (2002) – le plus culte, tourné dans un cinéma porno “hétéro” de Pigalle, à valeur quasi documentaire – et Avant que j’oublie (2007). Trois films qui disent autant de lui que du vécu homosexuel de son époque, et lui valent l’admiration et le respect de nombreux jeunes réalisateurs. Cinéaste se rêvant auteur, chantre justement d’un cinéma d’auteur pédé qu’il a réalisé comme malgré lui, dans l’urgence, celui qui a passé tant d’années à creuser en lui-même la matière de ses films, de ses écrits, à sonder ce qu’il est, un homme aux contradictions assumées, hanté, façonnant ses ténèbres autant qu’elles le façonnent, semble en avoir fini avec le cinéma. "J’ai 80 ans. C’est terrible. – Votre âge ? – Tout, mon âge, la vie", souffle-t-il, mi-accablé, mi-amusé, en guise de préambule à cet entretien....