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expositionLe Centre Pompidou-Metz accueille le duo gay Elmgreen & Dragset

Par Stéphanie Gatignol le 03/11/2023
Elmgreen & Dragset

Jusqu'au 1er avril 2024, le Centre Pompidou-Metz accueille l'exposition Bonne Chance, la première consacrée en France au duo dano-norvégien gay Elmgreen & Dragset.

Sous la nef de Pompidou-Metz, un plattenbau, immeuble à louer inspiré des logements sociaux de l’ancienne Allemagne de l'Est. À ceux qui tentent de l’ouvrir, la porte du bâtiment reste obstinément fermée. Et voilà le visiteur exclu, comme ces deux hommes qu’il surprend dans le véhicule garé devant l’édifice. À l’arrière du vieux break immatriculé en Russie, l’un dort paisiblement ; l’autre, regard grave, l’enlace tendrement. Avec The Oustiders, le duo dano-norvégien Elmgreen & Dragset salue les installateurs, ces travailleurs précaires mais essentiels du monde de l’art, maintenus en marge d’un milieu qui les utilise sans les intégrer.

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Elmgreen & Dragset, "The One & The Many", 2020. Crédit photo : Adagp, Paris / © Andrea Rossetti et Héctor Chico.
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Elmgreen & Dragset, "The Outsiders", 2020. Crédit photo : Adagp, Paris / © Sebastiano Pellion di Persano.

En accueillant leur première exposition personnelle dans une institution française (Bonne Chance, jusqu'au 1er avril 2024), le Centre Pompidou-Metz reçoit des acteurs de premier plan de la scène contemporaine. Nés en 1961 et 1969, Michael Elmgreen et Ingar Dragset créent ensemble depuis vingt-huit ans. Leur rupture amoureuse n’y a rien changé : leur œuvre, ludique et subversive, s’écrit toujours à deux dans leur vaste atelier berlinois. En 2009, ils frappaient les esprits en transformant des pavillons de la Biennale de Venise en résidence d’une famille d’amateurs d’art fictive et dysfonctionnelle (The Collectors). Seule présence dans le décor : un collectionneur gay, flottant mort dans sa piscine…

Des personnages hyperréalistes

En Lorraine, un dispositif labyrinthique nous embarque dans une succession d’environnements a priori familiers. Salle d’attente, open-space déserté, scène de théâtre, toilettes publiques, PC de surveillance, morgue… En l’absence de fléchage et de cartels, chacun a la liberté d’écrire ses règles du jeu et – qui sait ? – de chahuter les normes, les habitudes de comportement que nous dictent, d’ordinaire, ces espaces. Partout, l’humour, l’absurde, le disputent à l’inconfort. Bébé abandonné sous un distributeur de billets, fontaine à eau contaminée…

Au hasard d’une progression nourrie de réflexions sociopolitiques, le public butte sur les fameuses Powerless structures, ces objets ou installations avec lesquels E&D nous suggèrent d’interagir… tout en les rendant inutilisables. Autre marque de fabrique, ces personnages hyperréalistes, la plupart du temps masculins, sur lesquels le visiteur peut projeter son propre récit. Que fait ce jeune homme endormi sur la table d’une salle de conférence ? Pourquoi ce costume de lapin rose ? Et cet ado méditatif, assis au bord du précipice ? 

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Elmgreen & Dragset, "The Drawing", 2023. Crédit photo : Adagp, Paris / © Andrea Rossetti et Héctor Chico.

Funambule, figures fragiles… Elmgreen & Dragset ont souvent disserté sur ce que signifie de grandir dans un monde hétéronormé. En 2012, à Trafalgar Square, ils hissaient sur le socle jadis destiné au bronze équestre du roi Guillaume IV la statue d’un gamin sur un cheval à bascule, interrogeant les attentes de la société envers les jeunes garçons. À Metz, il y a ce lit superposé dont la couchette supérieure est retournée vers le bas, l’espiègle Boyscout. Et puis il y a ce gosse qui trace la lettre « I » (je) dans la buée d’une vitre… Sera-t-il à même d’affirmer son identité, d’être ce qu’il veut ? Il y a quinze ans, c’est à Elmgreen & Dragset que revint d’édifier, à Berlin, le Mémorial aux homosexuels persécutés sous le nazisme. Vandalisé en 2019 et 2023.

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