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film"Levante" au cinéma : "L’avortement concerne aussi la communauté queer"

Par Franck Finance-Madureira le 06/12/2023
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Dans Levante, son premier long-métrage présenté à la Semaine de la critique du Festival de Cannes et qui sort en salles ce mercredi 6 décembre, la réalisatrice Lillah Halla nous plonge dans la vie quotidienne de Sofia, une jeune volleyeuse brésilienne promise à un bel avenir mais qui voit son destin s’obscurcir quand elle apprend qu’elle est enceinte…

Sofia, jeune femme noire et queer d’une petite ville du Brésil non loin de la frontière uruguayenne, vit un moment décisif de sa jeune vie. Elle a été repérée par des recruteurs qui croient beaucoup au talent de cette jeune volleyeuse évoluant dans une équipe qui célèbre avec un volontarisme joyeux la diversité queer. Mais à quelques jours du match décisif pour son recrutement, une nouvelle tombe comme un couperet : Sofia est enceinte. Elle va tout essayer pour se débarrasser de cette grossesse non-désirée.

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Pour la réalisatrice Lillah Halla, le film est une forme de témoignage historique de cette période étrange pour les habitants de cette région frontière entre le Brésil et l’Uruguay : "Selon le côté de la frontière où vous habitez, les droits ne sont pas les mêmes, et vivre d’un côté ou l’autre d’une même rue devient un enjeu de vie ou de mort". Mais son financement et sa mise en chantier n’ont pas été simples à cause du climat politique engendré par le gouvernement précédent, explique-t-elle. "Quand nous commencions à obtenir des financements, Bolsonaro est arrivé au pouvoir et a revu les règles d’attribution, laissant de côté tous les projets traitant des marges. Dès son arrivée, il y a eu un vrai mouvement contre toute forme de dissidence et cela a duré pendant tout son mandat."

Résistance queer

La comédienne Ayomi Domenica Dias, impressionnante dans le rôle de Sofia, poursuit : "Je me suis sentie proche du personnage de Sofia car ce sujet fait partie de nos vies, c’est une peur commune de tomber enceinte et de ne pas pouvoir avorter. En tant que femme noire, cela m’importait aussi d’évoquer ce sujet car ce sont en majeure partie les femmes noires qui souffrent des conséquences dramatiques des avortements clandestins. Je crois en ce combat donc j’ai été tout de suite connectée au personnage, à l’histoire".

L’une des grandes forces de ce premier long-métrage de Lillah Halla, formée à l’école de cinéma de Cuba et qui a beaucoup travaillé dans le domaine du théâtre, c’est la belle célébration d’une forme de sororité queer face aux lois rétrogrades du pays en matière d’avortement et à l’obscurantisme religieux culpabilisateur. Sofia ne sera pas seule dans son combat et pourra compter sur la force du collectif, de son père comme de celle avec qui elle débute tout juste une jolie histoire d’amour. "C’était important, précise la cinéaste, de voir la grossesse et l’avortement depuis le point de vue d’un personnage bisexuel et racisé, car pour moi c’est aussi un sujet qui concerne directement la communauté queer, et pas uniquement les femmes cis et hétéros."

Si le film est fondamentalement politique, brossant le portrait d’un Brésil (celui de l’ère Bolsonaro tout du moins) gangréné par les fondamentalistes religieux et les attaques contre les minorités, il prend la forme d’un cri joyeux, lumineux et porteur d’espoir. Le regard de Lillah Halla sur cette communauté queer et la force de résistance qu’elle a su développer est à l’image de son héroïne : moderne, affirmé et sans concession. 

>> [Vidéo] La bande-annonce de Levante :

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Crédit photo : Rezo Films