[Article à retrouver dans le têtu· de l'hiver] Au cinéma, les formats courts sont l'occasion de creuser un thème, un style, de condenser un récit à l'essentiel ou à un moment particulier. Certains de ceux que nous avons sélectionnés cette saison sont aussi des premières œuvres prometteuses…
À nos chansons d'amour
En haut d’une colline, Youssou regarde le soleil se coucher. Malek, son amour, n’a pas répondu à son message, qui l’invitait à le rejoindre. Le jeune homme n’est pas venu, alors même qu’il ne leur restait qu’une seule soirée, la dernière avant son départ du quartier… Aperçu en 2019 dans Hauts Perchés, du duo de cinéastes Olivier Ducastel et Jacques Martineau, mais aussi dans la série Les Engagés, diffusée sur France.tv Slash, qui relate le quotidien de militants dans un centre LGBTQI+ lyonnais, Simon Frenay s’est lancé un beau défi : mettre en scène dans une comédie musicale deux jeunes hommes racisés éperdument amoureux l’un de l’autre, dont la rupture s’avère toutefois inévitable. Mais ne vous attendez pas à un énième Roméo et Juliette des temps modernes donnant la part belle à l’hostilité du monde extérieur, voire à l’homophobie intériorisée.
Interprété par Frank Onana dans le rôle de Youssou, et par Adam Hafsia dans celui de Malek, sur une musique originale de piano et de cuivres de Niki Demiller, ce court-métrage de près d’une demi-heure séduit tant par son image et la qualité de son interprétation que par ce qu’il dit des premières amours, des premiers adieux, des vies d’adulte qui séparent ce qui s’était promis de durer.
>> Youssou et Malek, 2022, de Simon Frenay, Canal +
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Dans la solitude des sommets alpins
Éleveur de vaches, Félix vit seul avec sa mère près de sommets enneigés, dans un hameau des Alpes à 2 000 m d’altitude. Après l’avoir découverte morte, il s’enfonce dans une vallée pour rejoindre un garçon, qu’il va rencontrer pour la première fois. Avec le comédien et photographe Hervé Lassïnce dans le rôle principal, ce premier court-métrage de Pierre Menahem parvient à rendre la solitude des territoires de montagne et des garçons isolés, mais aussi la sensualité des étreintes d’une nuit, dont certaines nous aident à traverser les plus sombres épreuves.
>> Le Feu au lac, 2022, de Pierre Menahem, Canal +
Disney et son prince charmant
Disney, une jeune femme trans anglophone, doit rejoindre Thomas, un inconnu ayant accepté de l’héberger alors qu’elle débarque à Paris pour passer un casting. Dans l’appartement : photos de couple, dessous féminin sexy, poing américain négligemment posé sur une commode et surtout un colocataire qui s’étonne de l’arrivée de la jeune femme, dont il se moque et qu’il mégenre.
Pour interpréter le rôle de Disney, le réalisateur Thibaut Buccellato a choisi Leyna Bloom, actrice et mannequin trans américaine, parfaite dans le rôle de ce personnage égaré dans un Paris nocturne où tout peut arriver. Seulement cette fois, pas de descente aux enfers comme on aurait pu s’y attendre. Alors qu’elle quitte l’appartement de Thomas, qu’elle croise dans la cour de son immeuble après s’être blessée à la main en brisant un verre, et alors que la nuit ne tarde pas à tomber, Disney va pouvoir compter sur sa bonne étoile et peut-être réussir à panser les plaies de cette journée éprouvante.
>> The tears you left with me, 2022, de Thibaut Buccellato, Youtube
Deux barbus tout droit sortis d'un manga
Sur une plage du Sud-Ouest, deux garçons musculeux et barbus s’étreignent, nus, sous le regard de Kiko, une illustratrice japonaise qui, depuis qu’elle les a aperçus, ne cesse de les traquer. Car les deux hommes, semblant tout droit sortis des mangas de Gengoroh Tagame (la référence, directe, est apportée par le manga Goku du maître du bara japonais que le couple lit sur la plage), l’obsèdent, jusque dans l’église où leurs visages remplacent ceux des saints qu’elle vient dessiner.
Œuvre sensuelle et esthétiquement soignée, où le dessin, projeté sur les corps, accompagne leur volupté et permet un très joli mélange des genres, Les Saints de Kiko explore le thème du désir, et permet au passage d’apprécier ses deux superbes comédiens François Burgun et Arthur Gillet, lequel a fait avec Manuel Marmier la couverture de têtu· en août 2013 !
>> Les Saints de Kiko, 2019, de Manuel Marmier, Apple TV
Premières amours imaginaires
Le comédien Mathieu Barbet passe pour la première fois derrière la caméra pour se confronter avec candeur aux premiers émois adolescents. À travers Lucas, 13 ans et les mains moites, dont l’intérêt pour le rock acrobatique et en particulier la figure du culbuto n’a d’égal que celui qu’il porte à Myrtille, le réalisateur explore les maladresses de cet âge des premiers pas biscornus, notamment quand on est un jeune gay qui s’ignore. Car, nous révèle le réalisateur, qui envisage de réaliser un triptyque autour de son personnage, ce dernier ne va pas tarder à passer du côté queer de la Force. Avant de retrouver Lucas quadra et gay, Mathieu Barbet propose donc un premier récit qui devrait rappeler quelques souvenirs à ceux dont l’âge tendre fut marqué par une recherche de leur orientation sexuelle, période sinon trouble du moins quelque peu acrobatique.
>> L’Âge acrobatique, 2023, de Mathieu Barbet, Canal +
Crédit photo d'illustration : Youssou et Malek, de Simon Frenay. La Belle Affaire Productions
