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écransCinq séries avec Gillian Anderson aux frontières du queer

Par Marion Olité le 05/04/2024
Gillian Anderson

Alors que sort Scoop ce 5 avril sur Netflix, on s'est penché sur son actrice vedette, Gillian Anderson. Depuis trente ans, elle multiplie les rôles féminins badass, qui ont accompagné l’éveil de plusieurs générations de jeunes LGBT+.

"Gillian Anderson m’a rendue gay." Alors que le mème circulait sur les comptes LGBTQI+, l'actrice américaine a tenu à remercier ces fans qui l'accompagnent depuis X-Files : "Ravie d'avoir rendu service." Ah, mais on l'aime notre Gillian, elle ne nous déçoit jamais, à toujours endosser des rôles de femmes fortes, indépendantes, rentre-dedans, qui évoluent avec panache dans des univers souvent masculins. Dernièrement, dans le film Scoop, disponible sur Netflix, elle incarne la véritable journaliste de la BBC Emily Maitlis au moment de la préparation de l'interview choc du prince Andrew sur ses liens avec le pédocriminel Jeffrey Epstein.

On aime son accent britannique si sexy (même si elle peut passer en deux secondes à l'américain), à en oublier que l'actrice est née à Chicago et n'a vécu à Londres que jusqu'à ses 11 ans, avant d'atterrir dans le Michigan. Là-bas, ses camarades de lycée l'élisent "fille la plus bizarre" et "fille qui a le plus de chances d’être arrêtée par la police". Si jeune, déjà queen. Ado, Gillian, qui passe ses étés à Londres, se fait punk, se teint et se rase les cheveux, s’habille en total look noir et se perce le nez.

Si l'actrice a hésité à étudier la biologie marine, elle a heureusement découvert le théâtre au lycée, ce qui l'a motivée à suivre des études d’art dramatique à l’université DePaul, à Chicago. Ses premiers pas de comédienne professionnelle au théâtre lui valent quelques succès et lui permettent de se tourner vers la télévision et le cinéma. Et c'est ainsi que commence sa longue histoire d'amour avec nous, la preuve en cinq séries.

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  • 1993 : Dana Scully, dans X-Files, une icône de pop culture

Gillian Anderson, qui n'était à l'époque pas très motivée à l'idée de jouer dans une série télé, change d'avis en lisant le script de X-Files : “Pour la première fois depuis longtemps, le scénario proposait une femme forte, indépendante et intelligente comme personnage principal”, souligne alors l’actrice au magazine britannique Stylist. Pendant 11 saisons (neuf jusqu’en 2003, puis deux autres entre 2016 et 2018) et deux films, elle va incarner Dana Scully, LA Dana Scully, médecin légiste et agent spécial du FBI assignée aux affaires non-classées.

À l’opposé de son partenaire, Fox Mulder (joué par David Duchovny), qui croit aux phénomènes paranormaux et à l’existence des extra-terrestres, Dana Scully est une scientifique rationnelle et posée, des attributs habituellement dévolus aux personnages masculins. Pour sa performance toute en subtilité, Gillian Anderson remporte un Emmy et un Golden Globe, et devient l’objet d’un culte, encourageant les vocations scientifiques chez les jeunes femmes, ce qu'on appellera “l’effet Scully”. Mais il existe un autre “effet Scully” : dans la lignée de “Gillian Anderson m’a rendue gay”, de nombreuses femmes ont découvert leur queerness avec X-Files. Certes, Dana Scully est hétéro, années 1990 oblige (elle et Mulder ont d'ailleurs une relation, après des saisons à se tourner autour), mais elle est aussi intelligente, badass, avec du caractère… et son interprète est belle et sexy.

  • 2013 : Retour en grâce dans Hannibal

Gillian Anderson avait failli incarner Clarice Starling dans le film Hannibal, sorti en 2001, mais avait dû y renoncer car son contrat avec X-Files stipulait qu’elle ne pouvait pas jouer un autre rôle d’agent du FBI ! Tandis que le cinéma peine à lui proposer des rôles d’envergure (on l'aperçoit dans Tournage dans un jardin anglais ou Le Dernier Roi d’Écosse), elle rejoint en 2013 le casting de la série Hannibal, menée par le génial Bryan Fuller.

Dans cette version sophistiquée et centrée sur la relation homo-érotique entre Hannibal Lecter (Mads Mikkelsen) et l’agent Will Graham (Hugh Dancy), Gillian Anderson incarne Bedelia Du Maurier, la froide et fascinante psychiatre du tueur cannibale. Leurs échanges sont absolument savoureux et sa performance est saluée par la critique.

  • 2013 : Stella, la détective rebelle et sensuelle de The Fall

Dans la série britannique The Fall, qui se déroule en Irlande du Nord, Gillian Anderson remet l'uniforme pour interpréter la détective Stella Gibson. Intelligente, obsessionnelle et déterminée, cette dernière respire le pouvoir et la confiance en soi, tout ce qui est nécessaire pour traquer un tueur en série, dont les victimes sont des femmes actives et célibataires.

La détective ne rate jamais une occasion de confronter ses collègues masculins à leurs biais sexistes. Mais ses méthodes réprouvées mais efficaces et son éthique borderline en font une héroïne côté pile, anti-héroïne côté face. Amatrice des coups d’un soir, Stella assume sa bisexualité autant que son manque de tact. À peine arrivée à Belfast, elle donne son numéro de chambre d’hôtel à un commissaire qui lui a tapé dans l'oeil. La communauté LGBTQ+ s’enflamme et les gifs humoristiques sur le fait que Gillian Anderson peut rendre n’importe quelle personne lesbienne se multiplient. L’actrice dégage une sensualité qui ne laisse personne indifférent.

À la même époque, Gillian Anderson confie au magazine américain LGBTQI+ Out avoir eu des relations avec des femmes. En 2015, au journal britannique The Telegraph, elle se dit ouverte à, de nouveau, les envisager comme partenaires : "Je l’ai déjà fait et je ne suis pas fermée à cette idée. Pour moi, une relation consiste à aimer un autre être humain ; son genre n’a pas d’importance." Néanmoins, Gillian Anderson se définit toujours comme hétérosexuelle, et non bisexuelle ou pansexuelle, même si elle en donne la définition – elle s'était d'ailleurs énervée en 2012 lorsqu'un média avait décrit sa sexualité comme “fluide”. En 2022, elle incarne à nouveau un personnage bisexuel, Eleanor Roosevelt (1884-1962), l'épouse du président américain Franklin Delano Roosevelt, dans la mini-série First Lady.

  • 2017 : Déesse de la pop culture dans American Gods

Alors que les actrices peinent à trouver des rôles intéressants la trentaine passée, Gillian Anderson voit les siens se diversifier à mesure qu’elle vieillit. En partie car elle évolue davantage sur le petit écran, plus féministe et créatif que le cinéma ces dernières années. En 2017, elle retrouve Bryan Fuller, le showrunner de Hannibal, pour l’adaptation ambitieuse d’American Gods, le roman fantastique de Neil Gaiman où s’opposent les anciens dieux et les divinités récentes de l’Amérique. L’actrice incarne Media, déesse de la pop culture et des médias de masse, qui prend l’apparence d'une héroïne de sitcom des années 1950, de l'actrice Judy Garland, de Marilyn Monroe et de David Bowie. On retient particulièrement cette dernière incarnation, époque Ziggy Stardust dans “Life on mars?”. Une icône bi dans la peau d’une icône bi ? Jouissif !

  • 2019 : Jean Milburn, la Milf post-MeToo de Sex Education

Durant une bonne partie de sa carrière, Gillian Anderson a incarné des personnages de femmes fortes, froides et austères. Avec Sex Education, l’actrice a l’occasion d’exploiter une autre facette de son talent. Elle excelle dans le rôle de Jean Milburn, la mère d’Otis et thérapeute sexuelle aussi drôle que souvent inappropriée. Jean, c’est la mère sur laquelle tout le monde fantasme – ados hétéros et LGBTQI+ – mais qu’on n'aimerait surtout pas avoir comme génitrice, tant elle reste étrangère au concept de limites (d’où les pétages de câble récurrents d’Otis). Derrière les facéties de cette thérapeute sexuelle à la garde-robe à se damner, Jean Milburn incarne aussi la charge mentale des mères : Otis lui reproche à peu près tout ce qui ne va pas dans sa vie, tandis que son père absent s’en tire à bon compte.

Ressort comique irrésistible, Jean devient au fil des quatre saisons le personnage “confort” et la safe place de la série, celui à qui Aimee va se confier après son agression sexuelle. Elle vit une grossesse tardive et une dépression post-partum dans l’ultime saison. Personnage adulte dans une série centrée sur des ados, Jean Milburn en devient l’un des cœurs battants.

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Crédit : Netflix

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