Un post Instagram a gagné une grande visibilité ce week-end en accusant le distributeur du film belge Les Tortues d'avoir modifié son affiche française pour ne pas heurter les sensibilités homophobes avec le baiser gay qui avait été initialement mis en avant. Sauf que le film, dont têtu· est partenaire, est distribué par la société Outplay, spécialisée dans les œuvres LGBTQI+, qui s'est fendue d'un communiqué d'explication face à la polémique.
En salles depuis le 15 mai, le film Les Tortues a fait face à un étrange buzz ce week-end. Dans un post Instagram supprimé après avoir gagné plusieurs dizaines de milliers de likes, l'écrivain Baptiste Beaulieu pointait le changement de l'affiche choisie pour cette comédie romantique et sociale gay de David Lambert. La première, diffusée en Belgique, montrait un baiser entre les deux protagonistes, tandis que la seconde, utilisée en France, les montre plus éloignés, n'échangeant plus qu'un regard tendre. Ni une ni deux, le post tirait la conclusion d'un choix délibéré du distributeur dans le but d'épargner les sensibilités homophobes qui seraient plus à vif de notre côté du Quiévrain. Problème : le distributeur en question, Outplay, est spécialisé dans la diffusion d'œuvres LGBTQI+, et donc peu soupçonnable de compromission de ce genre.
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Abondamment interpellé à la suite du post Instagram – de façon accusatoire et souvent agressive, il faut bien le dire –, Outplay a dû publier samedi un communiqué de clarification. Le distributeur y explique que la première affiche avait été conçue pour présenter Les Tortues aux grands festivals (Cannes, Berlin, Venise...). Le fait de montrer un baiser entre les deux acteurs avait dans ce cadre "pour objectif de marquer un coup de visibilité pour les personnes LGBTQ2+ en cas de sélection du film", fait valoir le document.
Outplay Films, distributeur LGBT+
Pas de bol, le film n'a pas été retenu dans les festivals ciblés, "rendant la carrière du film plus complexe et donc moins visible". Par la suite, pour sa sortie classique en salles, le distributeur a donc changé de stratégie, et opté pour la seconde affiche, certes plus sage mais qui répondait à d'autres objectifs, développe Outplay, en premier lieu desquels la "reconnaissance des acteurs [Olivier Gourmet et Dave Johns], un aspect crucial dans la stratégie de diffusion d'un film afin d'attirer le public dans les salles". La société invoque aussi des codes visuels plus proches de l'esprit du film, ainsi que la volonté d'éviter un "spoiler : le baiser représenté correspond à un moment du film et à un enjeu dramatique important, révélant ainsi d'une certaine façon une partie de l'intrigue".
Après avoir énuméré plusieurs affiches explicitement queers qu'elle a choisies au fil des années, l'équipe du distributeur français enfonce le clou : "Les accusations d'invisibilisation des LGBTQ2+, voire d'homophobie, ne font donc aucun sens pour Outplay Films, tenant compte de notre travail acharné pour représenter sur le grand et le petit écran la diversité de nos sociétés. Car oui, il reste encore aujourd'hui beaucoup plus difficile de sortir des films LGBTQ2+ ou abordant des thématiques intersectionnelles que tout autre film." Aux côtés d'Optimale, Outplay fait en effet partie de ces petits distributeurs audacieux qui ont à cœur à faire rayonner le cinéma queer indépendant. Inutile donc de leur tomber dessus avec des accusations à l'emporte-pièce : c'est se tromper d'ennemi.
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Crédit photo : Outplay