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magazine"Ça se voit que je ne cherche pas à plaire aux gars" : rencontre avec la rappeuse Meryl

Par Florian Ques le 31/05/2024
Meryl, rappeuse martiniquaise aux titres explicitement lesbiens

Nominée deux fois aux dernières Victoires de la musique, la rappeuse martiniquaise et lesbienne Meryl s'apprête à sortir un nouvel album. À la tête d'un label, Caviar Maison, l'artiste compte également mettre en avant des artistes antillais.

Un vendredi après-midi, Meryl nous accueille dans un studio d’enregistrement du XVIIIe arrondissement de Paris. Dans son ensemble sportswear assorti, coiffée d’un bonnet, la rappeuse martiniquaise de 28 ans est derrière la console de mixage, à la place du boss. Si elle se félicite de sa double nomination aux dernières Victoires de la musique – dans les catégories "révélation féminine" et "révélation scène" –, elle vise déjà bien plus haut. Elle est comme ça, Meryl, elle n’a pas l’ambition timorée et veut percer dans le monde entier.

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Pour mener à bien sa mission, elle mise sur la variété stylistique, avec "BB Compte" pour le rap/trap, "Coca-Cola Mentos" pour le R’n’B, quand "Ton Ami" donne dans le dancehall et "Billets" dans le zouk. Son deuxième album, en préparation, devrait pousser encore plus loin ce cocktail de genres. "Je sais que ce n’est pas le rap français qui va me permettre de toucher l’international, affirme-t-elle. Et plus le temps va passer, plus les gens vont comprendre que je ne fais pas seulement du rap."

Des débuts auprès de Shay ou Soprano

C’est pourtant dans ce milieu qu’elle a fait ses débuts, travaillant avec des sommités comme SCH, Shay ou encore Soprano. Avant sa carrière solo, elle s’était fait un nom comme top-lineuse, un métier de l’ombre qui consiste à trouver la mélodie du flow en chantant en yaourt sur une instrumentale. "C’était un choix stratégique : on en cherchait et je savais le faire, raconte-t-elle. J’ai rencontré des gens qui m’ont fait grandir dans ce domaine, et ça me sert aujourd’hui."

Forte de cette expérience, Meryl veut promouvoir les talents des Antilles. Avec “Jack Sparrow”, elle nous fait connaître la kompa, un style musical haïtien ; avec Caviar Maison, le label qu’elle a créé en 2022, elle espère propulser des artistes de l’archipel. “Il faut la jouer collectif et le plus tôt possible, propose-t-elle. J’ai le réseau pour organiser quelque chose de crédible et développer des carrières. Il y a un potentiel énorme là-bas. C’est important de soutenir les artistes locaux, pour la fierté culturelle.”

Une rappeuse aux titres lesbiens

Meryl aime les femmes, ne s’en cache pas, mais n’a jamais ressenti le besoin de faire son coming out"J’ai des titres hyper explicites, ça se voit que je ne cherche pas à plaire aux gars et que ce n’est pas ma DA [direction artistique] ! Je pense que je ne prendrai jamais la parole publiquement là-dessus, précise-t-elle. Je ne peux pas m’exprimer sur tout… Après, tu peux faire passer des messages dans ton art. Le rap est homophobe mais c’est presque inconscient : tu vois beaucoup de rappeurs tenir des propos homophobes et le lendemain, ils sont au défilé d’un créateur gay…"

"Je suis une femme, je suis noire, je suis antillaise, j’aime les filles… Je travaille tous les jours parce que la compétence va au-delà des étiquettes."

Si elle n’a jamais perçu son homosexualité comme un frein, Meryl est consciente de l’intersectionnalité de ses identités : "Je suis une femme, je suis noire, je suis antillaise, j’aime les filles… Quand tu me vois, tu te dis que je ne te rapporterai jamais d’argent ! Mais quand tu as les compétences et qu’on ne peut appeler personne d’autre à part toi, on se fiche de la question de ton identité. C’est ton travail et ton éthique qui priment. Je travaille tous les jours parce que la compétence va au-delà des étiquettes." Car Meryl refuse avant tout d’être cantonnée à une seule chose : "J’espère qu’on retiendra surtout que j’étais une grande artiste avec des hits." 

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Crédit photo : Léo Joubert