justiceUn restaurant McDonald's condamné aux prud'hommes pour transphobie

Par Antoine Allart le 25/06/2024
Enseigne McDonald’s

Une jeune femme trans a obtenu la condamnation aux prud'hommes de son employeur, un restaurant McDonald's près d'Angers, pour "harcèlement moral caractérisé" et "discrimination liée à son identité de genre".

Venez comme vous êtes… ou peut-être pas, finalement. Un restaurant franchisé McDonald's situé à Segré, dans le Maine-et-Loire, a été condamné ce lundi 24 juin par le conseil des prud'hommes d'Angers pour "harcèlement moral caractérisé" et "discrimination liée à son identité de genre" à l'égard d'une femme transgenre qu'il employait, rapporte l'Agence France-Presse (AFP). L'employeur de Syntia D., 21 ans, devra lui verser 7.000 euros de dommages et intérêts ainsi que des indemnités de rupture de contrat de travail, soit près de 15.000 euros au total.

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Syntia, dont c'était la première expérience professionnelle, a fait part de son "soulagement". Le tribunal a estimé notamment qu'elle a été "victime d'une discrimination en raison de son identité de genre, de par l'interdiction pour ses collègues d'utiliser son prénom féminin et de la désigner au féminin". "C'est un bon résultat. Aujourd'hui on a une décision qui est bien réfléchie, avec des montants de dommages et intérêts qui peuvent paraître décevants par rapport à nos demandes, car on avait demandé 30.000 euros", a déclaré Me Bertrand Salquain, l'un des avocats de la jeune femme, à la sortie du tribunal.

Deadname et interdiction de maquillage

Lorsqu'elle a été embauchée en septembre 2022, Syntia était déjà en transition de genre, mais n'avait pas encore effectué son changement d'état civil – ce qu'elle a réussi à faire à l'été 2023 – et n'avait pas fait de coming out auprès de son nouvel employeur. Début janvier 2023, en retard après un rendez-vous médical, elle décide de se rendre directement à son travail avec des vêtements féminins, des faux seins et du maquillage, expliquant avoir senti une certaine "bienveillance" de la part de ses collègues.

Mais très rapidement, elle est convoquée à "un entretien de recadrage" avant de subir des pressions transphobes. La direction lui enjoint ainsi de retirer son maquillage et placarde même une affiche interdisant à Syntia et à ses collègues d'utiliser son prénom féminin. "On a essayé de l'envoyer au Super U d'à côté pour acheter du démaquillant pour enlever son rouge à lèvres", détaille l'autre avocate de Syntia, Me Gwenola Vaubois, auprès de France Bleu. La jeune femme refuse et, peu de temps après, n'est pas autorisée à reprendre son poste. En mars 2023, un médecin la place en arrêt de travail.

"Ce résultat est très positif, a souligné Charlotte Duval, secrétaire générale adjointe du syndicat des services de Maine-et-Loire CFDT à la sortie du tribunal. Que son contrat de travail soit résilié, c'est aussi la reconnaissance de sa position de victime. Ça peut aussi ouvrir la porte à d'autres personnes qui vivent ce genre de situation pour en parler." L'employeur a réagi dans un communiqué contestant à nouveau les faits, évoquant un appel : "La direction du restaurant de Segré prend acte de cette première décision du conseil de prud'hommes, mais continue de contester les accusations dont elle fait l'objet et étudiera les suites à donner à cette procédure." Et d'assurer : "La lutte contre le harcèlement et les discriminations est prise avec le plus grand sérieux dans notre restaurant, comme dans tous les établissements de l'enseigne." Sollicitée par têtu·, la communication nationale de la chaîne de restaurants n'a pas souhaité réagir : "C'est la franchise impliquée qui s'exprime." Ça se passe comme ça chez McDonald's…

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Crédit photo : Frédéric Bisson / Flickr (Creative Commons)

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