La Conférence internationale sur le VIH/sida, qui a lieu tous les deux ans, tient cette semaine son édition 2024 à Munich, en Allemagne. Sur toutes les lèvres cette année, l'antirétroviral lénacapavir administré en PrEP injectable tous les 6 mois, développé par le laboratoire américain Gilead, et dont le coût pourrait tomber autour de 40 dollars en version générique.
Et si une molécule particulièrement efficace comme PrEP et comme traitement pour ceux qui vivent avec le VIH ne coûtait que 40 dollars par an et par personne ? C'est ce que laisse espérer une étude présentée à la 25e Conférence internationale sur le sida (AIDS 2024), qui se tient cette semaine à Munich (Allemagne), à propos du lénacapavir, un antirétroviral développé par le géant pharmaceutique américain Gilead. Actuellement, ce dernier produit le traitement pour un coût de plus de 40.000 dollars par an et par personne, c'est pourquoi l'étude préconise une levée des brevets qui courent jusqu'en 2038.
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Administré en médicament préventif (PrEP), le lénacapavir nécessite seulement deux injections par an, ce qui le rend bien plus facile à généraliser que des comprimés quotidiens. Testé en Afrique du Sud et en Ouganda chez des milliers de jeunes femmes cisgenres, il a montré une efficacité de 100% : "Zéro ! Je répète, zéro infection !" a insisté Sharon Lewin, présidente de l'International AIDS Society (IAS) et coprésidente de AIDS 2024, citée par la rédaction de Remaides, le journal de l'association Aides, qui couvre la conférence.
"Comme un vaccin" contre le sida
Ce traitement, qu'on reçoit donc "comme un vaccin", changerait la donne dans la lutte mondiale contre le sida puisqu'il pourrait "arrêter la transmission du VIH", en particulier en Afrique, s'il était administré aux populations les plus exposées (hommes gays et bi, jeunes femmes, travailleur·euses du sexe, prisonniers), a déclaré à l'Agence France-Presse (AFP) le Dr Andrew Hill, pharmacologue de l'université britannique de Liverpool et chercheur sur les antirétroviraux contre le VIH depuis 1992, qui a présenté l'étude.
Reste à résoudre la question du prix. À environ 40.000 dollars américains par an – son coût de production actuel dans différents pays dont les États-Unis ou la France – le lénacapavir est hors de portée pour la plupart des malades. Si le laboratoire Gilead permettait sa fabrication en version générique, ce coût pourrait chuter à 40 dollars, ont calculé les chercheurs de l'étude – non encore revue par des pairs –, s'appuyant sur une hypothèse de commandes pour 10 millions de personnes. Car si quelque 30 millions de personnes vivant avec le virus responsable du sida dans le monde bénéficient d'un traitement antirétroviral, environ 10 millions en sont toujours privées, et environ 1,3 million de personnes ont été nouvellement infectées par le VIH en 2023.
"Gilead, make it happen !"
Pour estimer le coût d'une version générique, les chercheurs ont, entre autres, discuté avec d'importants fabricants de génériques, en Chine et en Inde, déjà producteurs de "briques" du traitement, a précisé Andrew Hill. Il y a dix ans environ, son équipe de chercheurs avait estimé que le traitement contre l'hépatite C de Gilead – alors facturé 84.000 dollars par patient – pourrait dégringoler à 100 dollars si des génériques étaient autorisés. "Désormais, cela coûte moins de 40 dollars de soigner l'hépatite C", a glissé le scientifique. Gilead, objet d'une campagne de pression de nombreuses personnalités et ONG, a affirmé ces derniers mois discuter "régulièrement" avec les acteurs de la lutte contre le VIH, "y compris les gouvernements et les ONG", pour un accès du traitement "au plus grand nombre possible".
Dans un entretien avec l'AFP, la directrice exécutive de l'Onusida, Winnie Byanyima (en photo d'illustration), a exhorté Gilead à "entrer dans l'histoire" en autorisant la fabrication de génériques de son antirétroviral. "Vous avez un outil miraculeux. Il faut le rendre accessible maintenant, pas dans six ans !" a-t-elle aussi déclaré à la tribune à Munich, comme le rapporte Remaides, développant : "Le chemin qui mène à la fin du sida est bien balisé, il est prouvé et il a été promis.(…) Nous devons rendre les médicaments à action prolongée accessibles à tous les pays à revenu faible. Nous devons accorder des licences génériques (…) et rendre les génériques disponibles pour toute l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine." Et de lancer à l'adresse du laboratoire : "Gilead, make it happen !" ("Gilead, faites en sorte que cela arrive !") Selon un nouveau rapport de l'Onusida, intitulé "L'urgence du moment : le sida à la croisée des chemins", l'objectif de la fin de la pandémie d'ici à 2030 est à notre portée.
Moment puissant, Winnie Byanyima, la directrice de l'ONUSIDA s'adresse directement au labo Gilead qui va commercialiser Lenacapavir (PrEP injectable tous les six mois) : "Vous avez un outil miraculeux, il faut le rendre accessible maintenant pas dans six ans!'#AIDS2024 pic.twitter.com/IYUPW5enP3
— Fred Lebreton (@Fred_Colby) July 22, 2024
La question des brevets occupe depuis longtemps la lutte contre le VIH/sida. En 1995, lors d'une réunion au ministère de la Santé, les militants d'Act Up-Paris avaient jeté des cendres de leur président Cleews Vellay, mort du sida l'année précédente, pour protester contre le prix du 3TC, l'une des première molécules utilisées pour les trithérapies. De même qu'à l'origine, la PrEP ne pouvait être fabriquée qu'avec du Truvada, propriété de Gilead, jusqu'à l'expiration du brevet en 2020 qui a permis de fabriquer des génériques. Le domaine public, partenaire de nos nuits folles.
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Crédit photo : Karl-Josef Hildenbrand / DPA via AFP