santéGuérison du VIH : "Nous sommes dans un moment charnière"

Par Nicolas Scheffer le 17/05/2023
Troisième guérison de VIH/sida après une greffe de moelle

En février 2023, une équipe internationale de médecins annonçait un troisième cas de guérison probable d'un patient vivant avec le VIH. Asier Sáez-Cirión, de l’Institut Pasteur de Paris, décrypte ces avancées enthousiasmantes de la science.

Un troisième cas de guérison probable du VIH a été annoncé fin février 2023 dans une étude parue dans la revue Nature Medicine. Le surnommé “patient de Düsseldorf” a bénéficié d’une greffe de moelle osseuse contenant une variation du gène dit CCR5 qui empêche la réplication du virus dans ses cellules. Malgré quatre années sans traitement antirétroviral, le patient n’a aujourd’hui plus de trace du VIH dans l’organisme. Fort de ces résultats, Asier Sáez-Cirión, principal auteur de l’étude et responsable de l’unité Réservoirs viraux et contrôle immunitaire à l’Institut Pasteur de Paris, se montre optimiste tout en conservant la prudence à laquelle cette épidémie nous a habitués à nous astreindre.

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  • Après l'annonce de la guérison probable du "patient de Düsseldorf", quelle est la suite ?

Pour l’heure, j’espère que le patient continuera d’aller bien pour le reste de sa vie. Ce cas est la confirmation d’une stratégie thérapeutique pour aboutir de façon reproductible à une probable guérison du VIH dans certains cas très spécifiques. Et si cette voie-là concerne seulement quelques situations très rares, cela nous motive pour trouver des stratégies alternatives qui pourraient aboutir à un résultat comparable.

  • Qui est concerné par une greffe de moelle osseuse ?

Certains patients atteints de cancer du sang de type leucémie ou d’autres lymphomes. Mais cette technique est particulièrement risquée et ne peut être envisagée que lorsque les autres options n’ont pas abouti.

  • Vous parlez de “probable guérison”, qu’est-ce que cela signifie ?

Un patient est guéri lorsqu’il a complètement éliminé le virus de l’ensemble des tissus de son organisme, mais nous ne pouvons pas analyser l’ensemble de ses cellules. Quant à la rémission, c’est une période pendant laquelle une personne peut vivre sans traitement antirétroviral tout en gardant une charge virale indétectable. Dans le cas du patient de Düsseldorf, on ne peut pas formellement conclure à une guérison, mais cela fait quatre ans qu’il ne prend plus d’antirétroviral et que l’on ne détecte plus de trace du virus dans son organisme. Sa greffe porte la mutation d’un gène qui rend ses cellules résistantes à l’infection par le VIH. Il est donc probablement guéri, et quand bien même il aurait encore des tissus porteurs du virus, celui-ci ne pourrait pas se répliquer.

  • L’horizon d’une rémission ou d’une guérison est-il envisageable pour toutes les personnes vivant avec le VIH ?

Nous devons toujours rester prudents mais il est difficile de ne pas être optimistes car nous sommes dans un moment charnière concernant plusieurs nouvelles stratégies. Nous étudions notamment depuis des années le cas de “contrôleurs”, quelques personnes dans le monde qui parviennent à maintenir pendant des années leur charge virale indétectable sans prendre de traitement. Nous avons réussi à isoler et répliquer des anticorps capables de bloquer le virus, mais surtout de favoriser l’élimination des cellules infectées grâce à leur activité cytotoxique. Cela nous offre des pistes très intéressantes et nous allons d’ailleurs lancer un essai clinique en ce sens dans quelques mois, avant l’été j’espère. D’ici trois à cinq ans, nous saurons si nous sommes proches ou loin de la possibilité d’une rémission.

  • Nous avons appris en janvier 2023 l’arrêt de l’essai clinique d’un vaccin dit “mosaïque” contre le VIH. Les techniques que vous évoquez pourraient-elles avoir un effet préventif ?

Ces anticorps pourraient avoir un effet vaccinal, d’autant qu’ils sont efficaces contre la plupart des nombreux variants du VIH. Comme pour les antirétroviraux, cela pourrait aider à contrôler la présence du virus, mais aussi à le bloquer avant qu’il n’entre dans l’organisme.

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