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interviewJeux paralympiques : Robyn Love et Laurie Williams, un couple d'athlètes à Paris 2024

Par Tessa Lanney le 27/08/2024
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[Rencontre à retrouver dans le dossier sport de notre numéro d'été] Le couple de basketteuses Robyn Love et Laurie Williams sont fin prêtes pour les Jeux paralympiques de Paris 2024, dont la cérémonie d'ouverture se tient ce mercredi 28 août, et où elles viennent défendre les couleurs de la Grande-Bretagne.

Il n’y a pas que le foot dans la vie lesbienne. Robyn Love et Laurie Williams, elles, préfèrent le basket fauteuil. Les deux Britanniques sont d’ailleurs sélectionnées pour défendre les couleurs de leur pays à Paris, du 29 août au 8 septembre, lors des Jeux paralympiques – l’équipe de France n’a pas été qualifiée. Elles se sont rencontrées en 2014, lorsque Robyn a rejoint celle de Grande-Bretagne. L’Écossaise avait découvert le basket en fauteuil roulant un an auparavant, quand Laurie avait déjà presque dix années de pratique et une première participation aux Jeux paralympiques, à Londres en 2012. Elles se sont dribblées, se sont redribblées, et après une demande en mariage en février 2020 (à Paris !), elles sont aujourd’hui mères d’une petite Alba, née en 2023.

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  • Comment on trouve le courage de déclarer sa flamme à quelqu’un qu’on va continuer de voir à l’entraînement même en cas de rejet ?

Robyn : Dans la vie, je suis quelqu’un de très passionnée. Comme souvent, j’ai écouté mon cœur et il me disait qu’il voulait cette petite dame sympa qui me faisait rire. Ça n’a pas bougé depuis neuf ans, je crois qu’on s’en sort bien.

Laurie : Il faut dire aussi qu’on était toutes les deux mues par nos propres ambitions. J’habitais aux États-Unis, Robyn en Écosse. On avait beau être à fond l’une sur l’autre, on vivait de façon indépendante, on ne se projetait pas. Bien sûr, ça ne nous empêchait pas de nous parler tous les jours, de nous envoyer des tonnes de messages… On ne passait que quelques semaines d’affilée ensemble, quand on était en camp d’entraînement. On restait éveillées jusqu’à pas d’heure alors qu’on s’entraînait le lendemain, on était épuisées ! Puis on repartait chacune de notre côté.

  • Ça joue sur la dynamique de l’équipe ?

Laurie : Honnêtement, sur le terrain, vous ne devineriez pas qu’on est un couple. Je pense que l’inquiétude de notre coach était plutôt qu’on rompe, mais ce n’est pas arrivé !

Robyn : On fait tout de même attention à ne pas être trop fusionnelles, pour ne pas délaisser les autres membres de l’équipe. On était très vigilantes sur ce point au début de notre relation. On évitait même de partager une chambre lors des tournois. Je voulais d’abord faire mes preuves, que les autres filles apprennent à me connaître en tant que Robyn et pas comme la copine de Laurie. Franchement, si on ne l’avait pas annoncé, je ne pense pas qu’on aurait été découvertes.

  • Qu’est-ce que ça fait de participer à des grandes compétitions aux côtés de son épouse ?

Robyn : On est rodées maintenant ! On est aussi compétitrices l’une que l’autre, alors en match, on est totalement concentrées sur la victoire. C’est à double tranchant. Quand l’une a fait un bon match et l’autre non, c’est difficile de trouver les mots. Mais c’est précieux d’être avec quelqu’un qui sait exactement ce qu’on ressent, ce qu’on vit, qui vibre pour la même passion. On se soutient et, sur le terrain, on se fait pleinement confiance.

Laurie : Partager les victoires comme les défaites, ça nous a rapprochées. C’est la beauté du sport d’équipe et c’est encore plus spécial de le vivre avec Robyn. Ça m’a beaucoup aidée après le passage à vide au retour des Jeux paralympiques de Tokyo, en 2020 [l’équipe a été éliminée en quart de finale]. On avait besoin de temps pour se remettre.

  • Comment votre maternité a-t-elle impacté votre emploi du temps d’athlètes ?

Laurie : Avoir un enfant est une révolution, si bien qu’on a oublié comment était la vie avant Alba. Elle est un membre à part entière de l’équipe et nous suit dans tous nos déplacements.

Robyn : Grâce à notre entourage, nous n’avons jamais eu à choisir entre être athlètes ou mères. J’ai même l’impression que les sportives qui ont des enfants sont encore plus déterminées à performer, parce qu’elles veulent les rendre fiers et donner tort à ceux qui ont mis en doute leurs capacités. Lors des qualifications pour Paris, on était très proches de l’Allemagne au classement et ça nous mettait une pression de malade : il n’y avait que deux places disponibles. Alba et son sourire ont aidé toute l’équipe à se relaxer.

  • Votre famille a-t-elle déjà été victime d’homophobie ?

Laurie : Je pense qu’on a eu beaucoup de chance de ne jamais avoir connu l’homophobie. On essaye d’incarner l’image de femmes tout à fait capables d’élever un enfant. Je crois aussi qu’on passe sous le radar des homophobes. Les gens ne nous perçoivent jamais immédiatement comme un couple, parce que je suis en fauteuil [Robyn n’en a pas besoin dans sa vie quotidienne] et qu’ils ne conçoivent pas que l’on puisse être en fauteuil et avoir une vie intime. Ils ne font pas la connexion. Ils pensent simplement que Robyn est admirable de s’occuper de moi.

  • Vous heurtez-vous à de l'handiphobie dans la communauté LGBTQI+ ?

Robyn : La communauté LGBTQI+ est remplie de personnes qui savent ce que c’est de faire partie d’une minorité, d’être discriminé, persécuté. En général, ça donne des personnes plus attentives et ouvertes aux différences. En revanche, il faut avouer que la plupart des bars et des clubs queers de Manchester ne sont pas accessibles. Il n’y a qu’à voir les rues pavées de Canal Street, le quartier gay.

Laurie : Ça n’a rien d’un hasard, à l’origine, les bars gays devaient être inaccessibles pour protéger leurs clients qui venaient s’y réfugier. Ils ont préservé ce côté confidentiel des premiers temps. Je comprends qu’on veuille garder vivante cette partie de notre histoire, mais je n’y ai pas accès, moi, à cette histoire ! Ma sexualité me pose finalement moins de défis au quotidien que mon handicap. En tant que lesbienne, je peux aller partout tandis qu’en fauteuil, je dois vérifier en permanence si je peux me rendre à tel endroit. Ce sont des challenges de tous les jours, ça ne s’arrête jamais.

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Crédit photo : Behrouz Mehri / AFP

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