[Interview à retrouver dans le magazine têtu· de l'automne] Face à tous les démentis qu’apporte l’actualité, le chanteur basque Patxi maintient que Le monde est beau, dans un nouvel album enjôleur et résolument optimiste.
Photographie : Virgile Castro pour têtu
On aurait dû se douter qu’en lui proposant un café à Paris en plein mois d’août, Patxi ne serait pas disponible. À la météo capricieuse de la capitale, le chanteur préfère évidemment la brise tempérée de sa côte basque natale. “Je reviens ici quinze jours par mois et c’est un bonheur absolu de pouvoir marcher tous les matins au bord de l’océan, confie-t-il lors de notre discussion par écrans interposés. Être là, entouré des siens, avec un piano, une guitare et des livres. Avec tout ça, je suis pas mal.” Mine radieuse, cheveux un brin ébouriffés, chemise à rayures bleues et blanches entrouverte…
L’air de Biarritz lui va bien et le place dans des conditions idéales pour parler de son nouveau disque de variété, Le monde est beau, le quatrième, trois ans après son précédent album de reprises de chansons françaises en basque. Révélé en 2003 dans la quatrième saison de Star Academy, Patxi s’est fait un nom dans l’industrie en louant sa plume à d’autres interprètes comme Louane – “Jour 1”, c’est lui – ou Roch Voisine. Des talents de parolier dont il fait bon usage pour son album “tourné vers les autres et qui parle de la société d’aujourd’hui”. Aux passéistes bornés qui assènent à l’envi que “c’était mieux avant”, l’artiste à la voix délicieusement éraillée répond avec des titres optimistes et bienfaisants, nous invitant à prendre du recul sur l’état du monde plutôt que de plonger dans l’angoisse.
- Ton album s’intitule Le monde est beau. Tu le crois vraiment ?
C’était une volonté de le crier haut et fort, comme une sorte de mantra. Il faut se répéter que le monde est beau. J’ai toujours entretenu ce positivisme dans ma vie : je préfère voir le verre à moitié plein. Cela dit, j’ai tout de même conscience que j’ai eu la chance de naître dans une famille aimante au Pays basque, avec des racines, une culture… C’est tout de suite plus facile de relativiser quand on a tout ça.
- Tu as toujours été d’un naturel optimiste ?
Je suis toujours d’humeur assez égale. Heureux de vivre. J’ai davantage tendance à être celui qui réconforte que celui qui se fait réconforter.
- Comment trouver du réconfort dans un monde aussi compliqué ?
En faisant le tri ! Il ne faut pas passer tout son temps devant les infos qui nous grillent le cerveau. Il faut aussi s’intéresser à d’autres choses, lire des histoires, écouter de la musique… L’art, ça permet de s’élever et de se sentir plus léger, d’être mieux armé pour affronter les choses. Et marcher ! Je marche beaucoup, je trouve que ça permet de libérer l’esprit.
- Tu fuis les informations et les avis à la chaîne sur les réseaux sociaux ?
Je fais le choix de ne pas trop les regarder. Je vais suivre des comptes ou des gens que je trouve intéressants mais en vérité, ce que j’aime sur les réseaux, c’est la beauté des choses. Des comptes de photographes, d’artistes, de personnes qui m’inspirent. Quant à mes idées politiques ou autres, je les forge en m’informant mais jamais via les posts qu’on trouve sur les réseaux.
- Sur ta chanson “Pourquoi ?”, tu laisses transparaître un sentiment d’impuissance face aux injustices. Ça t’arrive souvent de ressentir ça ?
On est tout petits et le monde est immense. Je me dis souvent qu’on a très peu de leviers d’action. Mais on a un pouvoir de constat et on peut se rendre compte qu’en s’assemblant, on devient plus fort. On se dit souvent que ça ne sert à rien de faire des efforts si les autres n’en font pas, mais c’est dommage de penser ainsi.
- Y a-t-il des causes qui te touchent et pour lesquelles tu te mobilises ?
En 2007, on avait monté Urgence Tchétchénie, une association pour sauver des dizaines de Tchétchènes LGBTQI+ persécutés, pour les faire venir ici, pour leur trouver un logement… On avait fait des concerts, j’avais écrit une chanson avec un clip comprenant 70 personnalités qui prenaient position. C’est émouvant que tout le monde se soit senti concerné.
- Tu as l’âme d’un activiste ?
Je suis basque, donc il y a toujours un certain militantisme culturel. J’ai baigné dedans, avec les manifs, mon école, où l’enseignement était en basque… Ça m’a poussé à être concerné par les choses et à agir. Cela dit, je ne vais pas en faire étalage sur les réseaux sociaux. J’y suis plus pudique que public.
- La situation en France te fait-elle peur ?
Bien sûr que je suis inquiet que le Rassemblement national puisse arriver au pouvoir ! Je serai avec ceux qui lutteront contre. Après on n’en est pas à une guerre civile, il y a des difficultés évidentes mais il faut surtout maintenir le dialogue. Il y a eu un sursaut aux législatives, quant à savoir si c’est juste un sursis…
- Ton futur idéal, ça ressemble à quoi ?
Il faudrait déjà réussir à réguler le climat, même si ça semble utopique. Il faut plus d’écologie, plus de justice. Je me sens crétin de dire des choses aussi évidentes, mais si on n’y croit pas, ça n’arrivera pas ! Je pense qu’il faut en définitive plus de sincérité et moins de cynisme. Le cynisme, ça me dégoûte. Et plus de solidarité : se tendre la main, se parler.