[Article à retrouver dans le magazine têtu· de l'automne] La maison d'édition érotique et librairie parisienne La Musardine lance une nouvelle collection, Prismes, avec le roman gay, Midi, minuit, sauna, de Lucien Fradin. Une flânerie très cul dans un établissement de cruising.
"Si ça excite les gens, c'est cool, s'amuse Lucien Fradin, 36 ans, l'auteur de Midi, minuit, sauna, l'autofiction sortie le 17 octobre qui inaugure la nouvelle collection, Prismes, des éditions érotiques La Musardine. Je voulais ne mettre aucun filtre aux scènes de sexe et ne pas m'arrêter là où le fait le cinéma, par exemple. J'ai vraiment voulu montrer l'intégralité des rapports sexuels.”
À lire aussi : Fanzine gay : la "Promenade" érotique de Nino Cadeau sur fond de cruising sauvage
Dans son récit, le narrateur passe une journée dans un sauna, d'abord seul avant d'être rejoint par des amis. Il connaît bien l'établissement, où il a travaillé plus jeune, en boxer bleu, débardeur blanc et tongs aux pieds. Au centre du lieu, un jacuzzi hexagonal, puis des cabines et autres espaces de sexe s'étendent sur deux étages et abritent une galerie de personnages avec qui baiser, discuter, ou sur qui simplement fantasmer.
L'influence de Guillaume Dustan
"On remet du gel, je m'assieds sur son sexe, il rentre de quelques centimètres supplémentaires. Je le retire, et l'embrasse. Je demande : «Ça va, je ne te fais pas mal ? – Tu sais, moi quand c'est serré sur mon gland, ça me plaît»", écrit Lucien Fradin. Et d'expliquer : "C'est très peu éloigné de ma vie. Notamment toute cette dimension autour de la délicatesse. C'est comme ça que je baise, en essayant de trouver des endroits de douceur, de précaution. Et puis j'avais envie de casser la représentation des saunas. J'ai l'impression que les lieux de cruising sont toujours vus comme des endroits hyper violents, où l'on ne parle pas, où les gens sont un peu dans la haine d'eux-mêmes, avec un désir toujours un peu triste. Et j'aime bien mettre un peu de lumière dans mes récits."
On pense évidemment à Guillaume Dustan, dont l'écriture a marqué tous les auteurs pédés. Midi, minuit, sauna partage avec Je sors ce soir, un des romans les plus connus de l'auteur mort en 2005, le fait de s'inscrire dans une même unité de temps. Mais la référence directe est sans doute Dans ma chambre, pour ses souvenirs de baise au sauna. "J'adore la façon dont il raconte dans le même paragraphe ce qu'il mange et regarde à la télé, puis comment il baise, confie Lucien Fradin. J'aime ce truc de mettre le sexe au même niveau que le reste."
Érotique et politique
De même, le roman du jeune homme n'est pas qu'un texte érotique. On y trouve une réflexion sur la sociabilité pédé, en particulier à travers les discussions des clients dont les vécus et les expériences se confrontent, s'enrichissent pour quelques minutes autour d'un verre au bar de l'établissement, ainsi que sur les conditions de travail des employés de sauna. "Ça pourrait vraiment être un taf super, mais je trouve que les patrons négligent souvent le confort de leurs employés, explique l'auteur. Et puis travailler seul, les uns après les autres, fait qu'on ne parle pas avec ses collègues. En plus de quoi il faut contrôler son désir, alors que les situations peuvent être excitantes pour soi aussi."
Mais peut-on réellement parler d'un genre érotique concernant ce roman, puisque c'est l'honneur de la littérature gay que de décrire sans honte les rapports sexuels ? "Ce sont des récits érotiques, mais pas juste faits pour se branler, analyse Didier Roth-Bettoni, auteur, journaliste pour têtu· et directeur de cette nouvelle collection. Il y aura d'ailleurs des textes plus cul que d'autres, qu'ils soient gays, lesbiens ou queers. Je tiens vraiment à ce qu'il y ait une dimension politique, avec une recherche d'écriture porno. Il s'agit bien de littérature érotique." Et les deux mots sont importants.
Crédit photo : Dim VM