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artFanzine gay : la "Promenade" érotique de Nino Cadeau sur fond de cruising sauvage

Par Morgan Crochet le 30/03/2023
illustration tirée du fanzine "Promenade" de Nino Cadeau

[Un dossier sur les BD queers est à lire dans le têtu· du printemps disponible en kiosques] Qu'il soit militant, lié à la contre-culture, ou encore plus artistique et personnel, le fanzine est un objet de passionnés, un geste à part à dénicher dans les librairies ou les foires spécialisées. C'est ce qui nous est arrivé avec Promenade, de Nino Cadeau, sur lequel nous sommes tombés aux Mots à la bouche, à Paris. Une scène de cruising sur papier mauve au trait minimal et naïvement porno.

Créé dans les années 1930 aux États-Unis par des fans de science-fiction, avant de rejoindre les luttes émancipatrices et libertaires des années 1960, le fanzine – contraction des mots "fan" et "magazine" –, publication auto-éditée "amatrice", tient une place importante dans l'histoire LGBT, son écriture et ses représentations. Si nombre de ces œuvres ont disparu, du fait de leur fragilité ou encore d'être tombées dans les mains de familles ou d'héritiers indifférents, négligents ou tout simplement homophobes, leur production a malgré tout perduré. Mais plus besoin aujourd'hui de les distribuer sous cape, se déplacer en librairie suffit. C'est d'ailleurs à la librairie parisienne Les Mots à la bouche que nous sommes tombés sur le fanzine de Nino Cadeau, jeune artiste bordelais de 26 ans diplômé des Arts-Déco, à Paris, où il vit désormais.

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Dans Promenade, sa publication d'une douzaine de pages, l'artiste met en scène Faggotino, un jeune homme partant faire une balade à vélo en pleine nature où il va croiser la route de Mariconitto, autre personnage à la recherche d'air frais, sexe en main, et qui espère bien ne pas rester seul trop longtemps. Si on vous laisse deviner la suite, on vous précise tout de même que le peu de dialogues sont écrits en anglais, à coups de "you're super beautiful, go undress yourself, I really want to eat you up" ("tu es super beau, déshabille-toi, j'ai envie de te bouffer"). "L'anglais c'est surtout parce je participe à des art book fairs [foire du livre d'art], comme le Zinefest à Bordeaux, ou Les Voizines à Gand, en Belgique, nous explique le jeune artiste. Cette année, je serai aussi présent au Paris Ass Book Fair."

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La tradition du dessin porno gay

Du côté du manga, son "univers refuge depuis le collège", les influences de Nico Cadeau sont à chercher du côté du Shōjo lesbien Utena, la fillette révolutionnaire, des shonen Dandadan et Chainsaw Man, ou encore de l'auteur de bara Gengoroh Tagame (lire notre article sur le bara dans le dossier BD du têtu· du printemps). "J'ai aussi beaucoup d'autres influences, comme la peinture flamande, la Renaissance italienne, le cinéma de Derek Jarman… précise-t-il. Mon travail n'est pas 100% du manga, mais vraiment quelque chose d'hybride." Son style ? Il le définit lui-même comme du dessin érotique ou du porno gay, tout simplement.

"Depuis les années 2010 et l’arrivée des art book fairs, le fanzine devient parfois un objet de luxe, avec des prix plus élevés."

"J'ai d'abord été un gros collectionneur de fanzines. J’adore en acheter, j’aime trop l’objet, un peu unique, rare, fait-main, explique-t-il. Après, c'est un monde qui évolue sans cesse, et, depuis les années 2010 et l’arrivée des art book fairs, le fanzine devient parfois un objet de luxe, avec des prix plus élevés. On s’éloigne de l’esthétique punk pour aller vers des graphismes plus recherchés. Pour moi, c’est surtout une forme qui me permet de sortir rapidement les choses. Quand je termine un projet, j'aime le sortir dans la foulée et lui laisser faire sa vie."

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Des artistes LGBT soudés

Si dessiner reste le plus souvent un travail solitaire, le milieu, lui, est très soudé. Un point sur lequel le jeune artiste tient à insister. "Les LGBT qui font de la BD indé ou du fanzine sont très solidaires. Il y a beaucoup de bienveillance, confie Nino Cadeau. Des coups de foudre amicaux, beaucoup de partage de connaissances, de bons plans d'imprimeurs à Paris, mais aussi des conseils administratifs, etc. On se soutient beaucoup."

En plus des Mots à la bouche, Promenade devrait bientôt rejoindre les librairies parisiennes Sans Titre et After 8 Book. Il n'y a désormais plus qu'à espérer que le "fanziner" passe un jour près de chez vous et y dépose son travail, dont une partie est d'ores et déjà visible sur son site.

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Illustrations : Nino Cadeau