[Article à lire dans le magazine têtu· de l'hiver, ou sur abonnement] Bien des idées reçues entourent la pratique du fist-fucking, consistant à pénétrer avec la main. Un adepte partage avec nous son expérience d'un univers beaucoup plus subtil et caressant qu'il n'y paraît.
Photographie : Maxime Muller pour têtu·
- Qu'est-ce que tu préfères ? Fister ou te faire fister ?
J'ai tout de suite commencé comme versa. Je pense que pour arriver à encaisser le truc, il faut comprendre soi-même, avec sa propre main, comment c'est à l'intérieur. Après, on peut préférer l'un ou l'autre, mais moi j'ai toujours aimé les deux.
- Je suppose qu'on ne rentre pas tout d'un coup…
(Rires.) Non ! Il faut y aller vraiment en douceur, avec pas mal de lub'. Un doigt puis deux, tu vois comment le cul réagit et tu adaptes, jusqu'à ce que le mec commence à se détendre et à s'ouvrir. Puis tu fermes le poing progressivement.
- Et c'est comment alors, à l'intérieur ?
C'est incroyable, tu sens le pouls de ton partenaire, sa tension artérielle au bout de tes doigts. Tu perçois aussi le côté dangereux de la pratique, ce qui peut être excitant pour certains. Parce que si tu y vas trop fort, ça peut être catastrophique. Tu sens tout de même les organes bouger !
- Ça commence comment ? Tu t'es levé un matin en te disant, tiens, et si j'aérais un peu ma chambre ?
J'ai rencontré sur Grindr un mec qui m'a initié. Ça a été une super découverte. Il m'a ensuite présenté trois amis qui s'organisaient des trucs entre eux et qui m'ont progressivement intégré dans leur délire. De manière générale, je préfère les réguliers, les gens que je connais bien. On peut aussi se faire conseiller, et même recommander par certaines personnes.
- Tu pratiques aussi dans des sex-clubs ?
J'y suis allé plusieurs fois, notamment lors d'une soirée privée avec des amis, et j'avais trouvé ça plutôt cool. Sinon j'y suis retourné avec un mec, mais entre la musique trop forte et les types qui te matent et te touchent, je n'arrivais pas à me concentrer. J'ai retenté récemment mais ce n'est vraiment pas pour moi.
- Pourquoi tu parles de concentration ?
Une grosse partie du fist-fucking se joue dans la tête. Tu dois laisser ton corps accepter d'atteindre un certain niveau de dépassement. Pour cela, il faut beaucoup se détendre, travailler sa respiration, tout faire pour se mettre en condition d'y prendre du plaisir.
- Et pour les préparatifs, il faut prévoir quoi ?
Si tu reçois, il faut préparer le lieu, installer une bâche de protection, voire un sling (balançoire) pour ceux qui en ont un, et faire un lavement assez long si tu es passif. Tout ça prend facilement une bonne heure. Ce n'est pas quelque chose qui s'improvise, d'autant que pour que ce soit vraiment cool, il faut bien compter six heures de jeu.
- Tu utilises des gants ?
En club, quand on ne connaît pas l'hygiène des partenaires, ça me semble mieux. Mais dans un cadre privé, il suffit d'avoir un savon antiseptique et de bien se laver les mains. On ressent beaucoup mieux les choses quand on est peau à peau.
- Qu'est-ce qui te donne du plaisir en tant que fisteur ?
C'est vraiment la sensation que tu as au niveau de la main qui est impressionnante. Il faut le vivre pour comprendre. Aucun cul n'est pareil, à l'intérieur il y a toute une géographie. Il faut découvrir comment il fonctionne, quel chemin emprunter pour ouvrir tous les anneaux, débloquer tous les paliers. Quand je vois le mec prendre son pied parce que je suis juste en train de tourner légèrement ma main, ça me rend vraiment dingue. Tout ça est aussi très psychologique.
- Au fond, le fist est une pratique délicate ?
Pour aller loin, il faut avant tout être très doux. Si tu y vas comme un bourrin, tu risques de bloquer la personne, voire la blesser. L'avantage de le faire en appart, c'est que le passif peut organiser son confort, son rituel, les conditions de la confiance.
- C'est le passif qui commande ?
En général, c'est lui qui choisit la position qui lui va le mieux, et le fisteur l'accompagne dans ce qu'il aime. Si le fisteur tente d'imposer son truc, ça peut braquer son partenaire et empêcher d'aller plus loin. L'actif doit être à l'écoute, gagner la confiance du passif. Ensuite seulement, il pourra le challenger, lui proposer de tester de nouvelles choses…
- Comment tu décrirais le plaisir du passif ?
Tout est décuplé en termes de sensation, c'est assez ouf ! C'est comme une sodomie multipliée par dix. Mais là encore, il y a quelque chose de très cérébral, parce qu'il faut que les deux personnes se connectent, que le fisteur soit très attentif au corps de l'autre. Car il y a des rétractations, des frissons, qu'il faut savoir analyser sans même que la personne parle, pour comprendre à quel moment avancer ou ralentir. Si tout se passe bien, tu peux vraiment dépasser tes limites et prendre beaucoup de plaisir. Comme passif, j'ai déjà eu plusieurs orgasmes d'affilée grâce au fist.
- Il y a un code de bonne conduite entre fisteurs ?
Par exemple, à la fin d'un round, l'actif doit essuyer le lubrifiant du cul de son partenaire avec du sopalin. C'est très mal vu de laisser le passif se démerder tout seul et s'en aller. Contrairement à ce qu'on peut croire, le fisteur est beaucoup plus au service de l'autre que l'inverse.
- Le fist est classé comme une pratique hard : tu n'as jamais eu peur d'abîmer ton corps ?
On a surtout cette crainte au début : mon cul va-t-il redevenir normal ? Est-ce que je vais devenir incontinent ? Est-ce qu'après ça je prendrai toujours du plaisir avec juste une bite dans le cul ? Mais du moment que tu fais ça bien, en prenant toujours soin de toi, il n'y a pas de danger. Je connais des gens qui font ça depuis vingt ans et tout va bien. Après, il ne faut peut-être pas le faire tous les jours. Moi je pratique une ou deux fois par mois.
- Tu as déjà essayé le double fist ?
Oui, et aussi le fist profond, c'est-à-dire avec tout l'avant-bras. Ça m'a pris plusieurs années pour arriver à ce niveau. Certains passifs vont dire qu'ils sont plutôt larges ou profonds, mais on peut aussi accepter de se laisser surprendre. Ça arrive qu'un gars t'amène vers la profondeur alors que ce n'était pas forcément ton truc.
- Tu n'imagines plus une sexualité sans fist ?
Une fois que tu as goûté à ce type de plaisir… Pour le moment, je ne sais pas trop comment m'arrêter. (Rires.) J'aime encore la baise plus classique, mais c'est vrai que le fist t'amène à un niveau de plaisir si intense, si fou, que c'est super difficile de ne pas y revenir.
À lire aussi : Candaulisme : "Il y a une forme de fierté à mettre mon mec à dispo"