Prévue cette année pour le samedi 28 juin, comme celle de Paris, la Pride de Budapest est menacée par une loi d'interdiction votée par le parti de Viktor Orbán. Présidente de son organisation, Viktória Radványi appelle à la solidarité de toutes les marches des Fiertés européennes. Ce dimanche 13 avril, l'Inter-LGBT organise un rassemblement de soutien devant le consulat de Hongrie.
Dans son discours sur l'état de la nation, fin février, le Premier ministre de la Hongrie, Viktor Orbán, lâchait : "Je conseille aux organisateurs de la Gay Pride de ne pas prendre la peine de préparer le défilé de cette année : c'est une perte d'argent et de temps…" Dans la foulée, le parlement hongrois – dominé par son parti, le Fidesz, allié du Rassemblement national – a traduit la menace en acte par le vote d'une énième loi LGBTphobe, empêchant cette fois la possibilité d'un rassemblement public LGBT+, et donc d'une marche des Fiertés.
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Ce lundi 14 avril, le parlement hongrois compte encore sceller dans la constitution la législation orbanienne anti-LGBT. Cette modification de la loi fondamentale prévoit notamment de sacraliser "la fixité du sexe biologique", c'est-à-dire l'impossibilité de changer de genre. De quoi renforcer la détermination de l'organisation de la Pride de Budapest, qui fête cette année (comme têtu·) son trentième anniversaire et dont l'édition 2025 est prévue pour le 28 juin. Pour affronter un régime de plus en plus ouvertement liberticide, Viktória Radványi, présidente de Budapest Pride, en appelle à la solidarité européenne.
- Des manifestations se tiennent à Budapest chaque semaine depuis le vote de la loi interdisant la Pride : cela influence-t-il le débat politique national ?
Depuis que cette loi a été adoptée, le 18 mars, nous manifestons tous les mardis à Budapest et nous essayons d'attirer l'attention en bloquant la circulation des voitures sur les ponts emblématiques de la capitale. Chose extrêmement rare en Hongrie, d'autres manifestations ont également eu lieu dans d'autres villes. C'est un signe de mécontentement très fort envers le pouvoir. Qu'un mouvement de manifestation s'inscrive dans la durée, cela montre clairement qu'une partie importante de la population ne soutient pas les restrictions de nos droits fondamentaux, en particulier celle de notre liberté de rassemblement. Les Hongrois comprennent que l'enjeu ne s'arrête pas à l'interdiction de la Pride.
- Ces rassemblements agrègent aussi une colère plus large à l'égard du pouvoir en place ?
Ces manifestations ne sont pas organisées par Budapest Pride mais agrègent des citoyens, des organisations de la société civile, des partis politiques et des parlementaires qui se sont rassemblés spontanément en collectif. Ça nous est très utile, car cela nous permet de nous concentrer sur l'organisation de la marche du 28 juin et sur le plaidoyer. Nous sommes particulièrement fiers que ces gens utilisent leur droit à manifester, parce que ce droit n'existe que tant que les gens l'utilisent. Notre peur était qu'avec les intimidations du gouvernement envers les manifestants, les gens arrêtent de se déplacer le mardi. C'est exactement l'inverse qui se produit, et il y a de plus en plus de monde dans les rues. C'est un premier pas dans la reconstruction d'une société saine en Hongrie.
"La 30ᵉ marche des Fiertés de Budapest sera historique."
- Actuellement le principal opposant à Viktor Orbán est Péter Magyar, un conservateur qui ne s'est pas exprimé sur l'interdiction de la Pride. Pensez-vous qu'il vous rejoindra ?
Les sujets LGBTQI+ n'ont jamais fait partie de son programme, et je ne pense pas que ça changera à l'avenir. En revanche, nous constatons que nombre de ses partisans nous soutiennent publiquement et se rendent dans les manifestations. Ils réclament un retour à la possibilité de se rassembler, y compris lorsque cela gêne le gouvernement.
- Vous continuez malgré tout de préparer cette 30e Pride de Budapest : comment l'imaginez-vous ?
À Budapest, la dimension politique de la Pride a toujours été plus importante que la partie festive, même si ces dernières années elle était de plus en plus joyeuse. Au fil des ans il y avait toujours un peu plus de monde, et notamment des familles. Ma théorie, c'est que les gens voyaient la marche comme une sorte de moment d'utopie pour représenter la société dans laquelle ils souhaitent évoluer. Cette année, l'atmosphère sera différente, car les gens sont très en colère et ils ont besoin de la faire entendre. Je ne sais pas trop à quoi cela ressemblera, mais ce qui est déjà sûr, c'est que la 30ᵉ Pride de Budapest sera historique.
- Vous sera-t-il possible de sécuriser un défilé interdit par les autorités ?
Cela nous pose des défis considérables, que ce soit du point de vue légal ou de la logistique. Nous avons une équipe de bénévoles incroyables, ce qui témoigne de la force de notre mouvement. Concernant le cortège, nous avons plusieurs plans, que nous communiquerons en transparence à l'approche du 28 juin. Heureusement, les personnes qui manifestent ne risquent pas la prison mais une amende de 500 euros. Ce qui reste une forte somme, proche du salaire mensuel minimum ici.
"Cette marche dépasse le cadre des droits LGBTQI+ : c'est une manifestation de solidarité européenne."
- Est-ce que la venue annoncée d'eurodéputés venus d'autres États membres de l'UE vous aidera à rendre la manifestation possible ?
Oui, tout à fait. Plus on sera en nombre, plus on sera en sécurité. Nous sentons déjà que cette marche dépasse le cadre des droits LGBTQI+ : c'est une manifestation de solidarité européenne. Des délégations de tous les pays de l'Union européenne sont prévues. Si cette année, vous ne deviez participer qu'à une seule Pride, cela doit être celle de Budapest, car ce qui se passe ici est un avant-goût de ce qui pourrait se passer ailleurs. De nombreuses personnes LGBTQI+ à l'étranger craignent que si Viktor Orbán parvient à interdire la Pride, d'autres pays lui emboîteront le pas.
- Comment les Prides des autres pays peuvent-elles vous aider ?
Le plaidoyer des Prides d'Europe de l'Ouest est indispensable pour nous donner de la visibilité, car les pays d'Europe centrale sont généralement ignorés. J'ai pu constater que les mouvements prennent de l'ampleur à partir du moment où les médias internationaux commencent à rendre compte de notre situation : cela oblige les politiques de haut niveau à prendre la parole. C'est pourquoi, même si elles ont lieu le même jour, ce serait formidable que la Pride de Paris exprime par son mot d'ordre sa solidarité avec celle de Budapest. Par ailleurs, nous avons besoin de moyens financiers, faire un don nous aide énormément à nous battre.
- La Commission européenne a lancé, depuis plusieurs années déjà, une procédure d'infraction contre la Hongrie : êtes-vous confiante dans le fait qu'elle finisse par aboutir à des mesures concrètes ?
Depuis la Hongrie, nous faisons tout ce que nous pouvons mais nous avons besoin du soutien international. La Commission a de nombreux outils pour répondre à cette attaque contre les lois européennes, et nous espérons fortement qu'elle choisira les mesures les plus rapides et les plus efficaces. À ce jour, la loi hongroise prévoit que les organisateurs de la Pride peuvent être poursuivis, et nous risquons jusqu'à un an de prison. Je crois que la Commission européenne ne peut pas permettre que cela arrive.
>> Ce dimanche 13 avril, l'association organisatrice de la Pride de Paris appelle à un rassemblement de soutien devant le consulat de Hongrie :
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