Le réalisateur de 120 battements par minute, Robin Campillo, est de retour avec Enzo, projet de Laurent Cantet qu'il a mené à bien après la mort de son ami en 2024. Le film est à l'affiche de la Quinzaine des cinéastes du Festival de Cannes 2025. Sortie au cinéma prévue pour le 18 juin.
Enzo a tout du classique pédé. À commencer par son thème : un ado beau gosse au passing hétéro découvre son attirance pour les hommes aux côtés d'un camarade, ici un collègue avec lequel il travaille sur un chantier. Le passage de l'enfance à l'adolescence est l'un des sujets principaux du film, et se matérialise dans la relation tendue que le garçon entretient avec ses parents, et plus particulièrement avec son père (joué par Pierfrancesco Favino).
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Si le daron a du mal à voir son fils grandir et s'ouvrir à la sexualité, il souffre également de le voir faire des choix différents des siens, à commencer par ceux qui lui ont permis de s'élever socialement. Il tente donc de le convaincre de passer son bac, alors que l'adolescent a abandonné ses études pour travailler dans le bâtiment – dans le même temps, son frère est reçu au prestigieux lycée Henri-IV, à Paris. "Je n'aime pas la manière dont tu me regardes. Tu crois que je ne vois pas ce que tu fais, là. Tu nous méprises !" On retrouve ici les thèmes sociaux chers au réalisateur de Ressources humaines et d'Entre les murs (Palme d'or à Cannes en 2008).
Métamorphose du désir
Cette réflexion sur l'adolescence s'accompagne d'une découverte de la sexualité, que les cinéastes ont choisi de placer sous le signe de la fluidité du désir. Car sa place, Enzo la cherche auprès de Vlad (Maksym Slivinskyi), un ouvrier hétéro ukrainien plus âgé que lui, très loin de la luxueuse villa en bord de mer où il a grandi. Pourtant, tout semble les opposer. À voir le peu d'application que l'adolescent met à la tâche, il semble peu probable qu'il persévère dans la maçonnerie, alors que son collègue est déjà un professionnel accompli. Enzo se pose également la question de se battre en Ukraine, quand Vlad refuse de mourir sous un obus de Poutine. Les personnages évoluent dans une zone grise entre amour et amitié, dont les malentendus, accentués par leurs différences culturelles, créent autant de tendresse que de violence.
Difficile de ne pas penser aux débuts de Stéphane Rideau chez Gaël Morel à la vue d'Eloy Pohu, l'interprète d'Enzo : même bouille de rugbyman (l'acteur a pour sa part pratiqué la natation à haut niveau), même sobriété de jeu, même sourde mélancolie… La présence d'Élodie Bouchez, qui interprète sa mère, ne fait que renforcer cette impression : l'actrice débuta aux côtés des deux hommes dans Les Roseaux Sauvages d'André Téchiné, qui "plane comme un refoulé" sur le film.
À l'origine, Robin Campillo ne devait que seconder Laurent Cantet dans la réalisation de ce long-métrage. Le réalisateur de 120 battements par minute avait monté six de ses films et co-écrit cinq d'entre eux, dont Entre les murs. Mais le sort en a voulu autrement : Laurent Cantet est mort en 2024, et c'est seul que Robin Campillo a terminé Enzo. "Ça reste le film de Laurent, c'est son projet, sa vision des conflits humains, explique-t-il. Mais je dois ajouter que ça a été un plaisir de réaliser son film, de produire cet objet entre lui et moi."
>> Bande-annonce du film Enzo :
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Crédit photo : Les films de Pierre