L'avocate générale de la Cour de justice de l'Union européenne a fustigé la loi hongroise visant à interdire la "promotion" de l'homosexualité et de la transidentité auprès des mineurs. Une décision de la Cour est attendue dans les mois à venir.
Les conclusions de l'avocate générale de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), ce jeudi 5 juin, concernant la procédure en infraction de la loi hongroise de 2021 visant à interdire la "promotion" de l'homosexualité et de la transidentité auprès des mineurs sont sans nuance : le texte est contraire aux valeurs fondamentales de l'Union européenne (UE). Tamara Ćapeta suggère donc aux juges de demander à la Hongrie d'amender son texte. L'arrêt de la Cour doit être rendu dans les prochaines semaines.
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Dénonçant un texte fondé "sur un jugement de valeur selon lequel les vies homosexuelles et non cisgenres n'ont pas la même valeur ou le même statut que les vies hétérosexuelles et cisgenres", Tamara Ćapeta a rappelé que "l'égal respect dû aux personnes LGBTI dans les États membres n’est pas sujet à débat. Le non-respect et la marginalisation d’un groupe au sein d’une société constituent les «lignes rouges» imposées par les valeurs d’égalité, de dignité humaine et de respect des droits de l’homme." Cette loi anti-"propagande LGBT" est la pierre angulaire de la LGBTphobie d'État mise en œuvre par le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, qui l'utilise notamment pour interdire la marche des Fiertés de Budapest, qui doit avoir lieu le 28 juin.
Se réjouissant de la position de l'avocate générale, l'eurodéputé socialiste luxembourgeois Marc Angel, coprésident de l'intergroupe LGBTQI+ au Parlement européen a rappelé que "la protection des enfants ne doit jamais être utilisée comme prétexte pour marginaliser et effacer la vie des personnes LGBTIQ". Les associations et militants ont salué ces conclusions : "L'avocate générale démontre clairement que cette loi n'a pas sa place ni en Hongrie ni dans le reste de l'Union européenne. (…) Ses conclusions sont un signal limpide que seule une action légale immédiate de l'UE peut garantir la possibilité du peuple d'exercer son droit de manifester", souligne Dávid Vig, président d'Amnesty International Hongrie. "Si la Cour approuve ces conclusions, cela enverrait un message clair : le gommage des personnes queers est incompatible avec l'appartenance à l'Union européenne", s'est félicité sur X (Twitter) Rémy Bonny, directeur exécutif de Forbidden Colours, une association européenne de promotion des droits LGBTQI+.
Pierre angulaire de la LGBTphobie d'État
"Nous prenons note de ces conclusions et attendons la décision de la Cour", réagit auprès de têtu· la Commission européenne. Selon nos informations, les commissaires s'interrogent sur l'attitude à adopter et réfléchissent notamment à participer à la marche interdite. Plusieurs eurodéputés et l'ambassadeur français aux droits LGBTQI+, Jean-Marc Berthon, ont déjà annoncé qu'ils se rendraient à la Pride de Budapest. Mais la Commission est prudente : "Nous ne voulons pas entretenir un sentiment anti-Bruxelles qui pourrait finalement se retourner contre les militants LGBTQI+", nous indique une source bruxelloise. Qui imagine la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, sur un char ?
La CJUE avait été saisie fin 2022 par 16 pays membres de l'UE (dont la France et l'Allemagne), la Commission et le Parlement européens, qui considèrent que la loi hongroise viole, entre autres, la Charte des droits fondamentaux de l'Union. Depuis 2021, en Hongrie, la télévision a interdiction de diffuser un contenu avec des personnages LGBTQI+ pendant la journée, et des libraires ont été condamnés à des amendes pour avoir vendu des livres sur ces thématiques dans leur section jeunesse.
Pour autant, si les juges de la CJUE suivent la proposition de l'avocate générale, leur arrêt n'annulera pas automatiquement la loi. La Cour doit demander dans un premier temps à la Hongrie de se conformer au droit européen, puis, si la situation persiste, l'institution a l'opportunité de sanctions. Il y a donc très peu de chances que la loi soit abrogée avant la marche des Fiertés du 28 juin.
Crédit photo : Dominique Hommel / Parlement européen