sondageLe soutien aux LGBT+ dans le monde s'érode mais reste élevé, selon une étude Ipsos

Par Nicolas Scheffer le 18/06/2025

D'après une étude Ipsos menée dans 26 pays et que têtu· dévoile en exclusivité, le soutien global aux droits des personnes LGBTQI+ s'érode dans le monde mais reste majoritaire, y compris dans les États dirigés par les réactionnaires.

Malgré le retour en force des réactionnaires et la brutalisation de l'actualité, l'opinion majoritaire reste globalement en faveur des personnes LGBTQI+, d'après une étude réalisée par l'entreprise de sondages Ipsos auprès de 19.028 adultes dans 26 pays* et que nous dévoilons en exclusivité. Néanmoins, le soutien à nos droits s'érode. "On part de haut, mais la tendance à la baisse s'inscrit dans la durée et ne touche pas uniquement les pays où l'extrême droite est au pouvoir", observe Mathieu Gallard, directeur de recherche à Ipsos.

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Ainsi, le soutien global à la reconnaissance officielle de nos couples (mariage ou pacs) a perdu 5 points depuis 2021, mais se maintient à un niveau nettement majoritaire : 69% des personnes interrogées. En France, La Manif pour tous n'est qu'un lointain souvenir, avec une opposition à ce droit réduite à 9% (contre 79% d'accord). Et ne croyez pas que les réacs aient gagné la bataille de l'opinion dans les pays où ils sont aux manettes : en Pologne, 62% des sondés sont favorables à une reconnaissance des couples (en recul de 4 points par rapport à 2021), autant qu'en Hongrie (62%, en recul de 5 points) dont le gouvernement vient pourtant d'en inscrire l'interdiction dans la constitution. Concernant l'homoparentalité, 62% de l'ensemble des personnes interrogées dans l'étude considèrent que les couples de même sexe sont d'aussi bons parents que les hétéros (en recul de 4 points).

Le lobby réac minoritaire

À l'affirmation "les personnes LGBT devraient pouvoir parler de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre avec n'importe qui", la moyenne du soutien dans les pays sondés se situe à 47%, en recul de 3 points par rapport à la précédente étude en 2024 et de 8 points par rapport à 2021. Mais les opposants à la visibilité queer ne représentent qu'un ridicule 17% des personnes interrogées. En tête du classement, la Thaïlande recueille 67% d'opinions positives (5% d'opposition) et la France se trouve dans la moyenne, à 49% (16% d'opposition). La Turquie se trouve en bas de peloton des pays étudiés : 45% de personnes opposées au fait d'être out, et un soutien (19%) qui a diminué de quelque 13 points depuis 2021.

Si l'acceptation s'érode sur quasiment tous les items de l'étude, force est de constater que même dans les pays les plus homophobes, le soutien aux personnes LGBTQI+ reste majoritaire. Par exemple en Turquie, où l'homophobie d'État se durcit et qui interdit chaque année la Pride d'Istanbul, une personne sur deux (52%, en baisse de 7 points depuis 2023) pense que les lesbiennes, gays et bi doivent être protégées des discriminations. Même niveau en Pologne (53%, en baisse de 11 points depuis 2023), tandis que dans la Hongrie de Viktor Orbán le soutien est de 67% ; aux États-Unis, en pleine régression trumpiste, c'est 71%. "Quand bien même il y a un recul global, il ne faut pas oublier que la grande majorité des sondés reste favorable aux droits", souligne Mathieu Gallard.

On pourrait croire que ce constat ne concerne que les lesbiennes, gays et bi, mais les personnes transgenres ont également le soutien majoritaire des opinions : 51% des personnes sondées en Turquie, 52% en Pologne, 63% en Hongrie et 68% aux États-Unis considèrent qu'il faut une protection contre la transphobie. Et 66% des personnes interrogées reconnaissent que les personnes trans sont discriminées. Alors certes, ces soutiens apparaissent également en recul, mais ils restent à des niveaux importants.

Écart croissant de genre

Mais qui sont vraiment les LGBTphobes ? Les baby boomers ? En réalité, on ne trouve pas de fossé générationnel sur le principe de la lutte contre les discriminations. Par exemple, 79% des femmes nées entre 1945 et 1965, et 74% des hommes, s'accordent à dire que les personnes trans doivent en être protégées. Un taux… en recul dans la génération Z, en particulier chez les hommes (62%, contre 76% des femmes).

L'écart générationnel concerne plutôt concernant les moyens de faire progresser l'inclusion : par exemple, seulement 25% des femmes et 22% des hommes "boomers" considèrent qu'il faudrait plus de représentation LGBTQI+ dans les spots publicitaires et dans les films ; pour la Gen Z, née entre 1996 et 2012, c'est deux fois plus chez les femmes (49%)… mais à peine plus d'hommes (26%).

De ces dernières comparaisons ressort un écart genré (gender gap) qui paraît plus déterminant que l'explication générationnelle, et surtout qui se creuse nettement dans la jeune génération. "C'est un écart de genre que l'on retrouve sur de nombreux items", pointe Mathieu Gallard. Ainsi, alors que 52% des femmes de la génération Z considèrent comme normales les marques d'affection publiques entre personnes LGBTQI+, ils ne sont que 31% des hommes. "Les jeunes femmes sont plus libérales sur plusieurs questions LGBT+, tandis que de nombreuses autres cohortes, y compris leurs homologues masculins plus jeunes, sont plus centristes ou conservatrices", pointe l'étude. Conclusion : il est urgent d'éduquer mieux les garçons !

* Australie, Belgique, Brésil, Canada, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Japon, Espagne, Turquie, États-Unis, Argentine, Chili, Colombie, Hongrie, Irlande, Mexique, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Singapour, Afrique du Sud, Corée du Sud, Suède et Thaïlande.

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Crédit photo : Maylis Rolland / Hans Lucas via AFP