Soixante-trois ans après être devenue la première femme trans à avoir obtenu son changement d'état civil en France, l'artiste Coccinelle fait l’objet d'un podcast documentaire sur France Culture : Coccinelle (1931-2006), reine des cabarets, disponible en replay sur la plateforme de Radio France.
“Légende”, “grande dame”, “femme d’une grande beauté”, “source d’inspiration”… Les superlatifs ne manquent pas pour décrire celle qui a marqué de son empreinte la scène parisienne pendant près de quatre décennies : Coccinelle (1931-2006), reine des cabarets. Durant près d’une heure, ce documentaire de Camille Desombre réalisé par Nathalie Salles, diffusé sur France Culture ce 22 juin et disponible en replay, met en lumière une histoire poignante, celle de Jacqueline Dufresnoy, alias Coccinelle.
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À l’aide de témoignages, de musiques de l’artiste et d’interviews de l’époque, le podcast rend hommage à la “reine des cabarets” et analyse son influence sur les artistes queers d’aujourd’hui. À travers la vie hors du commun de Coccinelle, il revient aussi sur une époque, les années 1950, où le travestissement était interdit dans la rue à Paris (en dehors de Mardi gras, depuis une ordonnance préfectorale de 1907), et où les personnes trans étaient internées en hôpital psychiatrique et victimes de traitements par électrochocs.
Une rétrospective intime et historique
“Coccinelle a eu une enfance difficile. C’était un enfant fragile, rêveur, curieux, mais sa situation familiale l’avait rendu très triste et introverti”, témoigne Gloria Ciapponi, autrice de la bande dessinée Coccinelle : chercher la femme (éd. La Boîte à Bulles). Née en 1931 dans une famille modeste parisienne, elle doit en effet faire face aux scènes fréquentes de violences conjugales entre ses parents. À l’école, elle est moquée par ses camarades à cause de son attitude jugée féminine : “Les autres enfants la taquinaient pour ses manières délicates et l’appelaient même 'petite princesse'”, raconte Thierry Wilson, le dernier mari de Coccinelle.
Pionnière de la visibilité trans en France, Coccinelle devient en 1959, après son opération de réassignation sexuelle, la première personne à obtenir la modification de la mention de genre sur ses papiers d’identité à l’état civil ; et ce, grâce au soutien de son avocat Robert Badinter. En embrassant pleinement sa féminité dans une société où la transphobie est institutionnelle, elle ne tarde pas à devenir une figure séditieuse aux yeux des autorités. “Non seulement je bravais tous les préjugés de l’époque, mais je le faisais de manière spectaculaire, c’était cela surtout qu’ils (les autorités) ne digéraient pas”, écrira-t-elle dans son autobiographie, intitulée Coccinelle, dans laquelle elle relate les menaces qu’elle subissait avec sa famille.
De son premier acte de travestissement, après la Libération, à son mariage sulfureux (à l’église !) en 1962, celles et ceux qui l'ont croisée reviennent sur ce qui a fait le “phénomène Coccinelle”. Parmi elles, Marie-Pierre Pruvot, alias Bambi, l’une de ses plus proches amies pendant plus d'un demi-siècle. Celle qui fait aujourd'hui la couverture du numéro anniversaire de têtu· lui avait rendu un vibrant hommage en décembre dernier, lorsqu'on lui avait remis un têtu· d’honneur en reconnaissance de sa vie inspirante : “Toutes mes pensées vont vers Coccinelle, qui serait si heureuse de participer à cette soirée (...). C’est elle qui a écrasé toutes les difficultés, c’est elle qui a fait face aux affronts, aux oppositions, et c’est elle qui a montré qu’il était possible de vivre à notre convenance.” Coccinelle, une leçon de ténacité.
Crédit photo : Coccinelle, le 15 décembre 1987 à Paris - Georges Bendrihem / AFP