entrepriseDes scientifiques appellent à une meilleure visibilité des LGBT+ dans la recherche

Par Nicolas Scheffer le 29/12/2020
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Dans "The Lancet", des chercheurs britanniques appellent à une meilleur inclusion des personnes LGBT+ dans la communauté scientifique. La recherche doit abandonner "des stéréotypes hétéronormés".

C'est l'une des revues scientifiques les plus prestigieuses qui le dit. Dans un article publié par The Lancet, des chercheurs britanniques appellent à une meilleure visibilité des personnes LGBT+ dans le milieu scientifique. "Ceux qui peuvent assumer leur orientation sexuelle et de genre peuvent servir de role modèle pour la communauté toute entière", écrit l'équipe.

En août 2020, un symposium virtuel, a eu pour objectif de donner de la visibilité aux chercheurs LGBT+ du monde des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques (STEM). Les participants mettent en évidence que "l'invisibilité est exacerbée dans les champs des STEM à cause des stéréotypes hétéronormés, qui peut conduire à des blocages pour les chercheurs LGBT+". À l'issue de la rencontre, 700 participants ont décrit des changements nécessaires pour être plus inclusifs.

Un environnement encore discriminant

D'abord, les chercheurs craignent que leur orientation sexuelle les empêchent d'apparaître professionnels et rigoureux. La culture du monde scientifique a souvent tendance à invisibiliser la vie privée, et c'est d'autant plus le cas pour les personnes LGBT+. Conséquence : les personnes LGBT+ se sentent globalement peu à l'aise dans les labos, les universités et les entreprises de la recherche.

Près de 50% des chercheurs transgenres ont voulu ou ont quitté leur emploi dans les STEM, indique l'étude. L'article cite une analyse récente de la fondation Welcome selon qui, 24% des sondés LGBT+ britanniques disent être mal à l'aise à l'idée de s'ouvrir auprès de leur collègues au sujet de leur orientation.

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Cela peut conduire à la fuite des cerveaux : 28% des physiciens LGBT+ pensent "parfois" à quitter leur poste à cause de l'environnement, selon l'Institut de physique britannique, la Royal Astronomical Society et la Royal Society of Chemistry. 16% des personnes interrogées ont subi personnellement des discriminations et 30% en ont été témoin. La moitié des sondés (49%) considèrent qu'il y a un manque de compréhension des problématiques des personnes LGBT+ dans le monde scientifique.

Un manque de données

L'article regrette que les écoles, les agences de recherches et les organisations gouvernementales ne cherchent même pas à collecter des données sur les freins qui concernent les chercheurs LGBT+. "De pauvres données sur les personnes LGBT+ dans les STEM rendent difficiles la compréhension des barrières afin d'y répondre correctement, regrettent les auteurs. Les changements ne peuvent pas être simplement mis en oeuvre par la communauté LGBTQ+ et doivent être accompagnés par une politique globale et des procédures pour renforcer l'égalité entre les origines, les genres, ou les situations de handicap".

"Nous voulons que les STEM soient le lieu de redéfinition des notions et de l'hétéronormativité", invitent les chercheurs. Ils appellent à normaliser l'autodétermination des pronoms dans les introductions lors des tables-rondes, et rencontres. L'article invite à montrer son adhésion aux problématiques LGBT+ en mettant en avant des symboles des solidarité et en informant sur leur signification. Les chercheurs appellent également à se questionner avant d'interroger une personne LGBT+ : "Est-ce que je poserais cette question à une personne hétérosexuelle ?".

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Des avancées nécessaires au niveau institutionnel

Au niveau institutionnel, des études permettraient d'analyser "les multiples éléments de l'identité d'une personne". Les chercheurs souhaiteraient une formation continue, "par des personnes LGBT+ pour mettre la focale sur les questionnements des personnes LGBT+". La communauté scientifique doit soutenir les associations en charge de la sécurité et de l'inclusion des personnes LGBT+, notamment lorsqu'elles organisent des événements dans des pays ouvertement LGBTphobes.

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Mais il est nécessaire aussi que les universités, labos ou entreprises qui les emploient fassent preuve de transparence lors de cas de harcèlement. "Tous les acteurs ont une responsabilité pour créer un environnement académique où les personnes LGBT+ sont totalement protégées contre les discriminations, le harcèlement mais aussi les microagressions", conclut l'article scientifique. Alors que la communauté scientifique est internationale, elle doit se rappeler que toutes les cultures ne sont pas inclusives.

Malgré des avancées dans la société, les personnes LGBT+ sont loin d'être à l'aise avec leur orientation au travail. En France, la dernière enquête du BCG pour TÊTU montre que seuls 43% des LGBT+ sont out auprès de leurs collègues contre 54% il y a deux ans. Une régression que des politiques RH d'inclusion n'ont pas encore réussi à arrêter.

 

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