La vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris, candidate du Parti démocrate à la présidentielle de novembre 2024, soigne dans sa campagne les signaux envoyés à la communauté LGBT+. Mettant en avant son colistier, Tim Walz, un militant allié de longue date, et même son époux, Douglas Emhoff.
En politique, ce qui compte avant tout, c'est de bien s'entourer. Pour espérer remporter l'élection présidentielle du 5 novembre aux États-Unis, la vice-présidente (VP) et candidate démocrate Kamala Harris peut espérer compter sur le vote LGBT, face à un Donald Trump ouvertement réactionnaire. Quand son opposant républicain se vautre dans la transphobie la plus sotte, elle joue donc à fond le contraste avec les deux hommes importants de sa campagne : son colistier, Tim Walz, gouverneur du Minnesota, et son mari, Douglas Emhoff, qui pourrait devenir le premier "First Gentleman" de l'histoire du pays. Tous deux affichant un pedigree avantageux sur les questions LGBTQI+.
À lire aussi : "Les droits LGBTQI+ sont universels": Jessica Stern, envoyée spéciale de Joe Biden
Le camp Trump revendique un masculinisme traditionnel, conservateur jusqu'au ridicule, et critique les femmes qui n'ont pas d'enfant ? Kamala Harris dégaine son "Doug" : regardez-le pleurer lors du discours de son épouse lors de son investiture par le Parti démocrate, fin août, le jour de leur dixième anniversaire de mariage. Dans le pays qui a inventé la politique spectacle, ce septuagénaire blanc au look de professeur des écoles cultive son image de "daddy cool" : même ses photos à 17 ans affolent internet.
Doug à Fire Island, Doug à la Pride…
Son storytelling LGBT-friendly, Douglas Emhoff le cultive en racontant à l'envi qu'il a appris le renoncement du président démocrate, Joe Biden, à une nouvelle candidature présidentielle alors qu'il sortait d'une séance de SoulCycle – du vélo de salle où les participants sont plongés dans le noir et font des pompes sur leur bécane en rythme sur de la techno – à WeHo (West Hollywood), le fameux quartier gay de Los Angeles. Et ce sont même ses meilleurs amis gays qui lui ont dit de consulter son téléphone !
D'ailleurs, le mari de la VP est proche de Pete Buttigieg, le secrétaire aux Transports du gouvernement Biden, et du mari de celui-ci, Chasten. Les deux couples se sont retrouvés à Fire Island, lieu de villégiature prisé par la communauté gay huppée, pour une soirée de levée de fonds destinés à la campagne présidentielle qui a généré le record de 321.000 dollars de dons, rapporte le New York magazine. Lorsque le couple Buttigieg a appris que l'un des jumeaux qu'ils ont adoptés devait passer les premières heures de sa vie en couveuse, c'était la panique : "Doug et Kamala ont été avec nous à chaque étape", raconte Chasten. Interrogé par Le Monde sur cet épisode, Doug Emhoff porte sa main au cœur, ému.
La communication pro-LGBT de Kamala et Doug passe évidemment par la Pride. En 2021, elle devenait la première vice-présidente en poste à participer à une marche des Fiertés, souligne Advocate. L'année suivante, elle délivre même un discours sur scène, et le couple, arborant des t-shirts floqués "les vrais leaders dirigent avec amour", pose avec Symone, qui vient de gagner RuPaul's Drag Race. Certes, la ficelle est un peu grosse, mais quel électorat refuse d'être courtisé ?
Mais tout n'est pas poudre aux yeux : depuis que son épouse est devenue vice-présidente, en janvier 2021, Douglas Emhoff, avocat et professeur de droit, s'active pour nos droits. Cette année-là, lors d'une marche des Fiertés virtuelle (en raison du covid), il s'adresse aux jeunes LGBTQI+ harcelés. En septembre 2022, il anime un échange entre des lycéens sur la difficulté de retourner à l'école après le passage de la loi "Don't Say Gay" en Floride, qui interdit aux professeurs d'aborder les sujets LGBTQI+.
En mai 2023, dans une bibliothèque new-yorkaise, il plaide contre les interdictions de livres, la nouvelle lubie des conservateurs américains : "Lire des livres et des auteurs divers augmente les capacités de lecture, et cultive la réflexion et un environnement de respect. Objectivement, ça vous rend meilleur étudiant", argue-t-il, cité par Advocate.
Tim Walz, artisan du mariage pour tous
Si Doug est l'atout cœur de Kamala Harris, elle peut surtout compter sur Tim Walz pour lui apporter une caution militante : avant même d'entrer en politique, l'homme qu'elle a choisi pour son ticket présidentiel était un allié. Dès 1999, alors qu'il est professeur de géographie et entraîneur de l'équipe de football américain dans un lycée du Minnesota, un État du Midwest frontalier avec le Canada, il encadre la création d'une Gay-Straight Alliance, une association d'élèves LGBTQI+ et alliés. "Je me suis senti en sécurité à l'école en ayant Tim Walz comme conseiller de l'alliance gay-hétéro", témoigne Jacob Reitan, aujourd'hui âgé de 42 ans, dans le New York Times.
Les sujets LGBTQI+ vont devenir un marqueur de l'engagement politique de Tim Waltz. Certes, le Minnesota est une terre réputée démocrate et progressiste, mais en 1997 les parlementaires de l'État ont limité la définition du mariage à l'union d'un homme et d'une femme (après que le président démocrate Bill Clinton a fait de même au niveau fédéral). En 2006, en campagne dans une circonscription conservatrice et rurale, Tim Waltz soutient ouvertement le mariage pour tous. "Ce n'était pas une position populaire à ce moment pour un Démocrate dans une circonscription républicaine, ce ne lui a valu aucun gain politique. Mais il s'est levé pour les familles comme les miennes parce qu'il pensait que c'était la bonne chose à faire", écrit sur X (Twitter) la représentante démocrate du Minnesota, Angie Craig, l'une des douze parlementaires ouvertement LGBTQI+.
Élu représentant, Tim Walz s'oppose à la doctrine "Don't Ask, Don't Tell", qui oblige les militaires gays à taire leur orientation sexuelle. "À aucun moment je ne peux dire que la nation est plus en sécurité parce qu'un soldat a été renvoyé en raison de son orientation sexuelle, déclare-t-il face au Congrès en 2009. L'idée que nos soldats seraient moins bons en raison de l'orientation sexuelle d'un des leurs est non seulement fallacieuse, mais cela rabaisse le professionnalisme de la plupart des soldats." En 2011, il soutient le "Respect for Marriage Act", une proposition de loi visant à garantir le mariage pour tous au niveau fédéral – qui sera promulguée en 2022 par Joe Biden.
Protecteur des droits comme gouverneur
Après douze ans à la Chambre des représentants, Tim Walz est élu gouverneur du Minnesota en 2019, et se pose à nouveau comme un allié sûr. Les Républicains déposent une loi pour interdire aux élèves transgenres de jouer dans des équipes de sport en accord avec leur identité de genre ? Tim Walz y met son veto : "À la jeunesse trans du Minnesota : vous êtes aimé et apprécié", publie-t-il sur X (Twitter). Cette même année, il signe également un décret (executive order) pour restreindre la possibilité d'organiser des "thérapies" de conversion. "Nos enfants méritent de grandir dans un État qui les apprécie pour ce qu'ils sont, pas un État qui veut les changer", justifie-t-il dans un communiqué.
To all trans youth in Minnesota: You are loved and valued.
— Governor Tim Walz (@GovTimWalz) April 7, 2021
Les Républicains du Minnesota multiplient les propositions législatives pour interdire aux enfants d'avoir accès à des livres montrant des personnages LGBTQI+ ? Tim Walz s'y oppose encore : "La censure n'a pas sa place dans nos bibliothèques. En tant qu'ancien professeur, je veux être très clair : nous devons nous souvenir de notre histoire et pas de l'effacer", écrit-il sur X (Twitter) en mai. La veille, à l'occasion de la journée du 17 mai dédiée à la lutte contre les LGBTphobies, il signait une loi interdisant aux bibliothèques de retirer des livres "sur la base du point de vue, contenu, message, idée ou opinion véhiculée", notamment sur les thèmes LGBTQI+. En face, J. D. Vance, le colistier de Donald Trump, multiplie les déclarations transphobes, sexistes, conspirationnistes : "Ces mecs sont juste bizarres [weird]", tacle Tim Walz dans ce qui est devenu le meilleur slogan de la campagne de Kamala Harris.
À lire aussi : Aux États-Unis, l'exil de familles queers face à la transphobie d'État
Crédit photo : Anna Moneymaker / Getty Images via AFP