Du 27 avril au 3 mai, c'est la semaine mondiale de la vaccination. L'occasion de revenir sur le vaccin contre le HPV (papillomavirus), et son intérêt pour les hommes pratiquant une sexualité gay en termes de prévention du cancer anal.
En France, la vaccination contre les infections à papillomavirus humains (HPV) est recommandée, et prise en charge à 100% par l’Assurance maladie, pour les filles et les garçons de 11 à 14 ans. Un rattrapage – pris en charge par l’Assurance maladie et les mutuelles de santé – est ensuite possible jusqu'à 19 ans et reste recommandé jusqu’à 26 ans pour les hommes qui pratiquent une sexualité gay. Mais ensuite, alors ? Si le vaccin n’est plus remboursé après 26 ans, il est encore possible de se le faire prescrire. Un choix personnel qui nécessite d’être bien informé. Mettons les choses à plat.
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Le HPV, c’est quoi ?
En réalité, il faudrait dire "les" HPV puisqu’il en existe plus de 200. Ces virus sont extrêmement répandus : 8 personnes sur 10 y seront exposées au cours de leur vie. Certains HPV contaminent les cellules de la peau et provoquent des verrues, notamment sur les pieds et les mains. D’autres ont ce que l’on appelle un tropisme muqueux, c’est-à-dire qu’ils contaminent les cellules qui constituent les muqueuses au niveau de l’anus, des organes génitaux ou de la bouche. Ils se transmettent lors des rapports sexuels dès lors qu’il y a un contact peau à peau/muqueuse à muqueuse ; le préservatif réduit de fait un peu le risque, mais n’est donc pas une protection efficace à 100%.
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S’il est possible d’être infecté lors d’un rapport puis d’éliminer le virus sans qu’il cause de dégâts, il arrive aussi que les HPV à tropisme muqueux causent des lésions plus ou moins graves. Dans le meilleur des cas, il s’agit de condylomes provoqués par les HPV 6 et 11. Inesthétiques et souvent récidivants, ils sont néanmoins bénins et le traitement consiste à les faire dépister et retirer chez le proctologue ou le dermatologue.
En revanche, les HPV 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58 peuvent provoquer des lésions au niveau des organes génitaux, de l’anus et de la bouche, de la gorge et du larynx. Si elles ne sont pas traitées, celles-ci peuvent se transformer en cancer durant un processus qui peut durer plusieurs années. On estime aujourd’hui que 31% des hommes sont porteurs d'un papillomavirus (HPV), et 21% d'un variant à haut risque cancérogène.
Un vaccin très efficace et sûr
Aujourd’hui, le meilleur mode de prévention contre les virus HPV est le vaccin (Gardasil 9 en France). Celui-ci cible précisément les HPV 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58 et empêche l’infection et la transmission avec une efficacité de presque 100% tout en étant absolument sûr et bien toléré. "Il n’y a aucun risque à se faire vacciner", appuie le Dr Johan Chanal, dermatologue à l'Hôpital Cochin et au centre de santé sexuelle de l’Hôpital Hôtel-Dieu, à Paris. Mais pour être pleinement efficace, cette vaccination doit être préventive. C’est pourquoi il est recommandé de l’effectuer avant toute exposition aux HPV, c’est-à-dire jeune, avant l’entrée dans la vie sexuelle.
Le vaccin HPV après 26 ans
S’il n’y a aucun doute sur l’intérêt de la vaccination en prévention pour tous les ados et les jeunes gays, la question de l’efficacité au-delà de 25-30 ans n'a pas encore trouvé de réponse consensuelle. "La littérature est assez contradictoire, mais il est assez net que plus on avance en âge, moins le vaccin est efficace", explique Johan Chanal. Cela est d’abord lié au fait que plus on a eu de relations sexuelles, plus on est susceptible d’avoir déjà été exposé aux différentes souches de HPV.
Comme l’explique Sébastien Fouéré, dermatologue et vénérologue, chef de service au centre de dermatologie génitale et des infections sexuellement transmissibles (IST) de l'hôpital Saint-Louis, à Paris : "Le vaccin Gardasil est conçu pour induire une réponse immunitaire humorale qui empêche le virus de pénétrer les cellules." Ainsi, quand on a déjà été infecté, le vaccin ne semble plus vraiment utile même en l’absence de symptômes. Toutefois, l'infectiologue Olivia Son précise : "Même si on est infecté par une souche HPV, le vaccin est efficace contre les autres souches, et peut le devenir sur celles qu’on avait éliminées après une contamination."
Le vieillissement de l’organisme participe néanmoins à la baisse d’efficacité du vaccin. "Il est possible que le vaccin soit moins efficace avec l’âge. C’est peut-être qu’en vieillissant, le système immunitaire, moins performant, y est moins réceptif. En outre, il ne semble pas y avoir de bénéfices supplémentaires pour les personnes qui vivent avec le VIH", complète Sébastien Fouéré.
Quelle recommandation pour
Ce que l’on peut dire en l’état actuel des connaissances, c’est que choisir de se faire vacciner contre les HPV après 26 ans et dès lors que l’on a eu des partenaires sexuels, c’est faire l’hypothèse que l’on est passé entre les gouttes et décider de se munir d’un parapluie en vue de prochaines averses, sans savoir toutefois si celui-ci s’ouvrira. "Pour moi, s’il y a un bénéfice, même minime, il peut être intéressant de vacciner, estime Olivia Son. J’en discute systématiquement avec tous mes patients, et je leur propose souvent au-delà de 26 ans, en fonction de leur âge et de leur situation si cela paraît pertinent." Aussi ne s'oppose-t-elle jamais à une demande de prescription du vaccin.
De son côté, le Dr Patrick Papazian, sexologue, explique : "J’ai tendance à évaluer la pertinence en fonction du trajet sexuel de la personne. Si, à l’âge où on l’évoque, elle a eu peu de partenaires, ça vaut encore le coup car elle a été en contact avec peu de souches. Je pense par exemple à un patient marié jeune à une femme à laquelle il est resté fidèle, et qui a fait son coming out à 35 ans. Il m’avait dit vouloir s’amuser, je lui ai proposé le vaccin sans hésitation."
Faute de consensus médical et scientifique, le choix de se faire vacciner contre les HPV au-delà de 26 ans relève donc d’une décision personnelle, à réfléchir avec son médecin en fonction de son parcours, de son rapport à la prévention, etc. Un choix financier, également : non prises en charge après 26 ans, les trois injections de Gardasil coûtent près de 350 euros.
Dans tous les cas, vacciné ou non, il reste indispensable d’effectuer un dépistage régulier d’éventuelles lésions génitales et anales, chez un proctologue ou un dermatologue, afin de pouvoir les traiter au plus tôt !
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