Denis Quinqueton est le président de l’association Homosexualité et Socialisme (HES) dans laquelle militent les socialistes LGBT. Il répond à nos questions sur le programme LGBT de Benoît Hamon.
Benoît Hamon faisait partie de la branche critique du gouvernement. Quel était son état d’esprit pendant les débats du mariage pour tous ?
Il considérait qu’il ne fallait pas prendre à la légère un mouvement qui envahissait la rue et que le débat a laissé trop de place aux opposants. Mais une fois ces opposants dans la rue, difficile de les ignorer. Il y a eu un problème de portage politique du mariage pour tous quand il a été examiné par le Parlement. A part Christiane Taubira et Dominique Bertinotti, il n’y a pas eu de mobilisation.
Estimait-il donc que François Hollande n’en a pas fait assez ?
Le minimum à faire quand on prend des engagements, c’est de les tenir. Sur les questions LGBT, des engagements ont été démentis par la réalité. Quand on a discuté de son programme, Benoît Hamon a parfois dit oui et parfois dit non, toujours en argumentant.
Quels étaient les points de désaccord ?
Il y avait des points d’accord et de désaccord depuis longtemps, notamment sur la GPA et la prostitution. On ne se reconnait pas dans ses positions sur ces sujets-là, mais force est de constater qu’il a des arguments. Sur la GPA, il dit : « Je ne vois pas comment on peut éviter un modèle marchand ». Nous disons qu’au contraire il faut encadrer une pratique qu’on n’est pas en situation d’empêcher.
Si François Hollande n’a pas pu aller au bout de ses promesses, pourquoi Benoit Hamon le pourrait-il ?
Je ne vois pas ce qui nous empêchait d’aller contre l’opposition, qui reste minoritaire. Je ne suis pas pour gouverner avec les sondages mais les sondages d’opinion sur le mariage, la PMA et la prise en compte des familles sont favorables. C’est une constante depuis des années maintenant. Quand on est face à une opposition, il faut la re-contextualiser, voir comment elle porte dans le pays. Benoît Hamon se positionne politiquement sur ces sujets-là : il ne se laisse pas impressionner, comme certains, par le fait qu’ils aient trait à la sexualité.
A qui l’opposez-vous donc sur ce caractère ? A François Hollande ?
Moi qui ai le privilège de l’âge, j’ai commencé à militer avant le PACS. Quand on avait rendez-vous avec un député, il fermait la porte de son bureau car il avait peur de passer pour un homo. Tout un tas de responsables politiques ont considéré que ce n’étaient pas de vrais sujets politiques, un peu comme les droits des femmes… Et une génération politique émerge qui aborde ces questions différemment. Benoît Hamon était président du MJS dans les années 90, il s’intéressait déjà à ces questions ! Il a bien saisi quel était le type de question posé par les sujets LGBT. Il ne s’agit pas d’un supplément d’âme mais d’un sujet politique.
Comment Benoît Hamon compte-t-il s’y prendre pour faire passer le changement de sexe à l’état civil fondé sur l’autodétermination ? Est-ce que ce sera une loi ?
Cela risque d’être compliqué juridiquement parlant, ça va un peu ébouriffer la haute administration pour simplifier le changement d’état civil. Quand on s’est pointé au ministère de la Justice devant un magistrat dans les années 90 sur ces questions, on lui parlait chinois, il ne comprenait rien ! C’est parce qu’il y avait des résistances d’ordre culturel. Elles changent.
La PMA sera adoptée sans attendre l’avis du CCNE. Que faire s’il est défavorable à la PMA ?
Ce qui est un sujet bioéthique, c’est la question d’autoriser la PMA ou pas dans son principe. L’ouvrir aux femmes n’est pas une question bioéthique, cela relève de l’ordre de l’organisation de la société.
De quelle manière la vie des homoparents sera-t-elle améliorée ? Avec la création d’un statut du beau-parent ?
Quand on parle du statut de beau-parent, on parle de la troisième ou quatrième personne qui intervient dans l’éducation d’un enfant. Vu le nombre de familles recomposées, il commence à y avoir pas mal d’enfants qui ne résument pas leur parentalité à un papa, une maman. Cela intervient tout le temps, quand on va à l’école, à l’hôpital. Il est très important de créer ce statut pour offrir des outils juridiques aux projets de coparentalité. Aujourd’hui, ils ne reposent que sur la confiance des parties prenantes.
La vague d’espoir apparue avec la victoire de Benoît Hamon à la primaire de la gauche semble, dans les sondages, s’être essoufflée. Quel état d’esprit règne au sein de HES ?
On n’a qu’un vote ! Je conseille aux gens de voter pour ce dont ils ont envie comme projet. On verra bien dimanche soir ! La campagne a été contrariante pour un certain nombre de raisons externes à Benoît Hamon. On a un projet intéressant, on défriche des sentiers nouveaux. Avec le revenu universel, on lutte contre l’homophobie aussi ! Si vos parents vous foutent dehors, on ne se débrouille pas avec rien.